Les cryptomonnaies ont gagné en popularité et ont fait la une des journaux au cours du premier trimestre de 2021. Le Bitcoin, la plus connue d'entre elles, a atteint un sommet historique de plus de 58 000 USD par pièce en février. Cette "pièce" électronique éphémère est connue pour avoir un impact physique énorme sur la planète. En février, des rapports ont suggéré que la frénésie de "miner" le bitcoin produit la même empreinte carbone que l'Argentine. Mercredi, une nouvelle analyse publiée par le chercheur néerlandais Alex de Vries, fondateur de Digiconomist, quantifie la manière dont la flambée du prix du bitcoin entraîne une augmentation de la consommation d'énergie.
Il suggère que la consommation d'énergie du bitcoin pourrait être proche de la consommation collective de tous les centres de données du monde réunis, et pourrait avoir des implications importantes pour l'environnement et la politique mondiale. Le minage des cryptomonnaies exacerbe la pénurie mondiale de puces et menace même la sécurité internationale. C'est la conclusion du commentaire d’Alex de Vries dans son article intitulé "Bitcoin Boom : What Rising Prices Mean for the Network's Energy Consumption" qui a été publié dans la revue Joule.
Théoriquement, tout ordinateur ayant accès à Internet et à l'électricité peut "miner" des bitcoins, un processus permettant de recevoir des cryptomonnaies en résolvant des équations mathématiques sophistiquées. On estime que tous les mineurs réunis font plus de 150 quintillions – soit 18 zéros à la suite de 150 – de tentatives chaque seconde pour résoudre l'équation, d’après les chiffres du 11 janvier 2021. La puissance de calcul et le coût de l'électricité deviennent cruciaux pour tirer profit des bitcoins.
« Si vous êtes un utilisateur de bitcoins qui effectue des transactions, ce n'est pas vous qui payez directement l'électricité. C'est un peu un coût caché du point de vue de l'utilisateur », a expliqué l'auteur Alex de Vries.
Le coût caché du minage du bitcoin va au-delà de la consommation d'énergie. Sur la base du cours du bitcoin en janvier (42 000 dollars), de Vries a estimé que l'ensemble du réseau bitcoin pourrait consommer jusqu'à 184 TWh par an, ce qui est proche de la quantité d'énergie consommée par tous les centres de données dans le monde. L'énergie consommée entraîne également 90,2 millions de tonnes métriques de CO2, ce qui est comparable à l'empreinte carbone de la métropole londonienne.
Le prix du marché du bitcoin incite les mineurs à investir dans le matériel et l'électricité. Lorsque le prix augmente, davantage de personnes passent des commandes pour acheter et faire fonctionner le matériel, ce qui entraîne une augmentation de la consommation d'énergie, et vice versa lorsque le prix baisse.
Ce qui rend ces chiffres époustouflants, c'est que ces « centres de données desservent la majeure partie de la civilisation mondiale ». Le bitcoin « ne sert presque personne, mais parvient tout de même à consommer une quantité d'électricité à peu près équivalente ». Cela représente 1 % de notre consommation totale d'énergie électrique mondiale, alors que le réseau n'en est encore qu'à ses débuts. Seulement 120 millions de transactions de bitcoins sont traitées par an, alors que le monde financier en général traite 710 milliards de transactions numériques par an, selon Consultancy. Et jusqu'à présent, Tesla est la seule société cotée à l'indice boursier S&P500 à avoir acquis des bitcoins. On ne peut que craindre ce qui se passerait si le bitcoin devenait encore plus populaire.
« Le prix du bitcoin peut s'effondrer de 25 %, 30 %, et vous pouvez toujours vous retrouver au même point de consommation d'énergie en raison de l'effet du blocage », a dit de Vries. « Toute l'idée de mon article est de traduire ce que la montée en flèche du prix du bitcoin va signifier, non seulement pour l'environnement, mais aussi pour les effets qui vont au-delà ».
Selon une étude publiée en 2017 par Digiconomist alors que le bitcoin ne valait que 7000 dollars, une transaction de bitcoins consommerait autant d’énergie que huit foyers américains réunis. Ce prix du bitcoin à l’époque pousserait les mineurs à utiliser des machines qui pouvaient consommer jusqu’à 24 térawattheures par an, selon l’étude. Ce qui est l’équivalent de la consommation d’un pays comme le Nigéria avec ses 186 millions d’habitants sur la même période. Cela équivalait également en moyenne à 215 kilowattheures d’énergie consommée par les mineurs pour chaque transaction.
Au-delà de la consommation d’énergie et des émissions de carbone
Malheureusement, les effets négatifs du bitcoin ne s'arrêtent pas là. La courte durée de vie des appareils de minage peut entraîner une quantité importante de déchets électroniques dans les années à venir. Les dispositifs de minage exacerbent également la pénurie mondiale actuelle de puces en se disputant les mêmes puces que les appareils électroniques personnels et les véhicules électriques, qui jouent un rôle essentiel dans la lutte contre le changement climatique.
Les pays où l'électricité est bon marché, comme l'Iran, peuvent créer de nouvelles sources de revenus grâce au minage du bitcoin. Cette évolution peut permettre à l'Iran d'atténuer les sanctions économiques imposées aux exportations de pétrole. L'activité minière en Iran représente déjà 8 % de la puissance de calcul totale du réseau de bitcoin.
Heureusement, il n'est pas impossible que les régulateurs mettent un terme à cette situation. « Vous pouvez faire beaucoup pour résoudre ces problèmes. Les installations minières sont généralement centralisées. Elles sont assez faciles à cibler », a expliqué de Vries.
Si le bitcoin est une monnaie décentralisée, de nombreux aspects de l'écosystème qui l'entoure ne le sont pas. Les mineurs à grande échelle peuvent facilement être visés par des tarifs d'électricité plus élevés, des moratoires ou, dans le cas le plus extrême, la confiscation des équipements utilisés.
En outre, la chaîne d'approvisionnement des dispositifs spécialisés dans le minage des bitcoins est concentrée entre une poignée d'entreprises seulement. Les fabricants comme Bitmain peuvent être soumis à des taxes supplémentaires comme les fabricants de tabac ou être limités dans leur accès à la production de puces. Les décideurs politiques peuvent même être plus restrictifs à l'égard de certaines cryptomonnaies en les excluant des marchés d'actifs numériques centralisés. L'article note que des actions conjointes et coordonnées seraient nécessaires pour être réellement efficaces.
Des médias d’Iran ont rapporté en janvier dernier que la compagnie d'électricité Tanavir, gérée par l'État, avait fermé un assez grand centre d’extraction de monnaie numérique géré par les Chinois et les Iraniens dans le pays. L'opération aurait été arrêtée en raison de sa consommation excessive d'électricité. En effet, les autorités iraniennes imputent les pannes d’électricité et l'aggravation de la pollution atmosphérique dans les villes du pays à la déperdition d'énergie causée par les opérations d'extraction de la monnaie électronique Bitcoin.
De Vries note que « nous sommes limités aux informations dont nous disposons aujourd'hui », et il met en garde contre les prédictions concernant les tendances futures du bitcoin. « Qui sait ce qui se passera en 2024 ? Peut-être que tout le monde utilise le bitcoin, peut-être que personne ne l'utilise, peut-être que tout le monde l'a oublié, cela pourrait aussi être le cas », a-t-il dit.
Selon une étude publiée en 2018, si le Bitcoin est adopté à des taux similaires à ceux d’autres technologies, telles que les cartes de crédit, il pourrait augmenter les températures mondiales de 2°C en moins de deux décennies. Un rapport des Nations Unies sur les changements climatiques, sorti un peu plus tôt à cette époque, a révélé qu'une augmentation de la température de plus de 1,5°C aurait des effets climatiques irréversibles et catastrophiques. Et de penser que le Bitcoin seul pourrait augmenter la température globale de 2°C d'ici deux décennies.
Selon un commentateur, « Les blockchains de type "proof of work" devraient être interdites par les différents gouvernements pour cette seule raison. À ce stade, le BTC est une bulle spéculative qui profite à un très petit groupe au détriment du reste d'entre nous. Je suis également très frustré par l'impact du minage (plus l’ETH et autres) sur l'offre mondiale de GPU ».
Espérons que des mesures contre les acteurs du secteur fonctionnent, et que les opérations de minage ne se déplacent simplement vers des rivages plus hospitaliers pour poursuivre leur activité sans restriction.
Source : Alex de Vries
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Voir aussi :
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Le , par Stan Adkens
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