Les autorités iraniennes imputent les pannes d’électricité et l'aggravation de la pollution atmosphérique dans les villes du pays à la déperdition d'énergie causée par les opérations d'extraction de la monnaie électronique Bitcoin. L’Iran connaît cette situation déplorable alors le pays, qui est confronté à de graves problèmes économiques et à des sanctions paralysantes imposées par les États-Unis, doit maintenant faire face à la pire épidémie de covid-19 de la région.
Comme dans beaucoup d'autres pays en développement comme le Pakistan voisin, les coupures de courant ne sont pas vraiment un phénomène nouveau en Iran, où un secteur de l'électricité vieillissant et subventionné est en proie à une mauvaise gestion présumée. Mais cette fois-ci, les responsables du gouvernement affirment que l'extraction du Bitcoin dans les fermes de cryptomonnaie - activité à forte intensité énergétique consistant à utiliser de grandes collections d'ordinateurs pour vérifier les transactions de pièces numériques - est en partie responsable, a rapporté IRNA, une des agences nationales de presse en Iran.
Selon l’agence, la compagnie d'électricité Tanavir, gérée par l'État, a révélé le 13 janvier 2020 qu'elle avait fermé un assez grand centre d’extraction de monnaie numérique géré par les Chinois et les Iraniens dans la province de Kerman, au sud-est du pays. L'opération aurait été arrêtée en raison de sa consommation excessive d'électricité. Tanavir avait été autorisé à fonctionner selon un processus que le gouvernement iranien avait mis en place afin de réglementer l'industrie naissante.
En plus de blâmer les exploitations minières légales de Bitcoin pour les récentes coupures de courant, les autorités iraniennes ont souligné que certains cryptomineurs illégaux exercent une forte pression sur le réseau électrique, entraînant des pannes massives. Mostafa Rajabi Mashhadi, un représentant du secteur de l'électricité iranien au ministère de l'Énergie du pays, a déclaré à IRNA qui est gérée par l'État que les coupures étaient dues à l'utilisation excessive d'énergie par les cryptomineurs non réglementés.
Ali Vaezi, un porte-parole du président iranien Hassan Rouhani, a indiqué que le gouvernement allait se pencher sur les cas présumés de fermes monétaires numériques non autorisées. Le gouvernement iranien a également noté que les tarifs d'électricité vraiment bon marché, soutenus par des subventions, pourraient être une autre raison menant aux coupures de courant.
En août 2019, confronté à l'étranglement des sanctions économiques américaines, l'Iran a assoupli ses restrictions sur les cryptomonnaies afin de tenter de rompre son isolement économique en contournant les marchés financiers traditionnels que Téhéran a été empêché d'utiliser, a rapporté Radio Farda basée à Prague. Proposée par la banque centrale et le ministère de l'Énergie iraniens, la législation permettait aux bitcoins "légalement" extraits en Iran d'être utilisés pour financer des importations en provenance d'autres pays.
La loi permettait à une quantité limitée d'énergie iranienne subventionnée et bon marché d'être utilisée par des mineurs autorisés à exploiter des monnaies cryptographiques. Les opérations d'extraction de Bitcoin sont devenues moins chères en Iran que dans d'autres pays. Maintenant, les autorités iraniennes admettent que des milliers de fermes de minage de monnaies numériques "illégales" ont également vu le jour dans le pays.
Le chef du bureau du président iranien Hassan Rohani a répondu aux allégations d'implication du gouvernement dans des opérations illégales de Bitcoin en déclarant qu'il y avait eu « des pressions pour réglementer d'une manière ou d'une autre ». Il est certain que cette pression s'est accrue ces dernières semaines alors que les villes iraniennes ont été recouvertes d'un smog sans précédent et de plus en plus touchées par des coupures de courant, notamment à Téhéran et dans de grandes villes comme Mashhad et Tabriz.
Alireza Kashi, porte-parole de la compagnie de distribution d'électricité de Mashhad, affirme que les responsables du réseau électrique n'ont pas eu d'alternative aux coupures d'électricité, car « si ces coupures intermittentes ne se produisent pas, nous serons confrontés à des pannes de courant généralisées ».
La prolifération des cryptomineurs clandestins a été renforcée par la flambée des prix du Bitcoin lors d'une pandémie qui a vu les investisseurs mondiaux affluer vers les cryptomonnaies avec l'argent retiré des actions et des marchandises. Les autorités gouvernementales iraniennes se voient maintenant obliger de durcir leurs mesures de répression en fermant même les fermes autorisées.
Les accusations du gouvernement iranien sont sans fondement, selon les cryptomineurs
Les Iraniens qui travaillent dans le secteur du Bitcoin et des blockchains affirment que les accusations du gouvernement sont sans fondement et qu'il s'agit plutôt d'un problème national causé par d'autres facteurs. Ziya Sadr, chercheur en cryptologie à Téhéran, a déclaré :
« Les mineurs n'ont rien à voir avec les coupures de courant. L'exploitation minière ne représente qu'un très faible pourcentage de la capacité électrique globale de l'Iran. C'est un fait connu que la mauvaise gestion et la situation très terrible du réseau électrique en Iran et l'équipement obsolète des centrales électriques en Iran ne peuvent pas soutenir le réseau ».
Un membre du conseil d'administration de la Blockchain Association de l’Iran a révélé que l'électricité consommée par l’activité de cryptominage était estimée à peu près égale à la puissance perdue par le réseau pendant le processus de distribution.
Pour rappel, le « bitcoin est une cryptomonnaie avec de grandes exigences matérielles, ce qui se traduit évidemment par une demande d'électricité importante », a déclaré Randi Rollins, étudiant en master à l'Université d'Hawaii à Manoa (UH Manoa) et coauteur d’une étude sur la consommation électrique du Bitcoin publiée en octobre 2018. Digiconomist a rapporté que les besoins énergétiques de l’activité de minage pour assurer la suivie du Bitcoin ont bien augmenté, atteignant des proportions critiques. Les chercheurs de l’Université de Cambridge ont, pour leur part, déterminé en 2019 que le Bitcoin consommait plus d’énergie que la Suisse.
Entre-temps, les températures hivernales ont entraîné une hausse de la consommation de gaz domestique pour le chauffage des maisons en Iran. Selon Radio Farda, cela a provoqué des pénuries de gaz naturel et a obligé les centrales électriques à brûler des combustibles de faible qualité afin de produire l'électricité qui fait fonctionner les mines de Bitcoin et le reste de l'économie.
Combiné à l'augmentation du trafic automobile due à la fermeture des systèmes de transport en commun visant à ralentir la propagation du coronavirus, les habitants des villes iraniennes sont maintenant soumis à une augmentation visible de la pollution de l'air. Les autorités sanitaires avertissent que l'augmentation des polluants provoque des maladies respiratoires qui compliquent les symptômes de ceux qui luttent contre le covid-19 et augmentent le taux de mortalité.
En fait, les responsables iraniens ont d'abord annoncé que le réseau électrique du pays était en proie à une flambée de cryptomonnaies durant l'été 2019 - avant que Téhéran ne lève ses restrictions sur l'exploitation et les transactions de Bitcoin. En juin 2019, le porte-parole du ministère de l'Énergie, Mostafa Rajabi, a annoncé une hausse « inhabituelle » de la consommation d'électricité due à des opérations illicites de Bitcoin qui rendaient le réseau électrique « instable » et causaient des problèmes aux consommateurs.
Selon les médias publics iraniens, une vidéo a été diffusée en janvier sur les médias sociaux, montrant des milliers de machines à Bitcoin exploitées dans le cadre d'une exploitation de cryptomonnaies irano-chinoise sous licence dans la ville de Rafsanjan, au sud-est du pays. Ces médias ont rapporté que la ferme minière de Bitcoin avait utilisé 175 mégawatt-heures (MWh) d'électricité - près d'un tiers de la quantité totale d'électricité allouée pour toutes les opérations de cryptomonnaies dans le pays.
Rajab Mashhadi, un porte-parole du syndicat de l'industrie électrique iranienne, a déclaré le 14 janvier qu'un total de 1 620 entreprises illégales d’extraction de monnaies numériques qui consommaient environ 250 MWh d'électricité ont également été désactivées. Mais avec de nombreux autres centres d'extraction de Bitcoin "non autorisés" qui continuent à fonctionner à travers le pays, ainsi que les opérations autorisées par le ministère de l'Énergie, on ne sait pas combien de temps encore les habitants des villes iraniennes devront endurer le smog et les coupures d'électricité imputées aux activités de cryptomonnaie.
Source : IRNA
Et vous ?
Que pensez-vous de la responsabilité des coupures massives du courant attribuée à l’activité de minage du Bitcoin ?
L'électricité consommée par l’activité de cryptominage était estimée à peu près égale à la puissance perdue par le réseau pendant le processus de distribution, d’après un responsable de la Blockchain Association d’Iran. Qu’en pensez-vous ?
Et vous, pensez-vous que l’extraction de la cryptomonnaie peut consommer autant d’électricité au point de priver les villes du courant ?
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L'extraction du Bitcoin serait-elle à l'origine des coupures massives de l'électricité qui ont frappé l'Iran ?
Le gouvernement du pays affirme qu'elle en est responsable en partie
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Le , par Stan Adkens
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