Dans l'article 1, le gouvernement explique qu'il est institué une taxe due à raison des sommes encaissées par les entreprises du secteur numérique en contrepartie de la fourniture en France, au cours d'une année civile, des services taxables ci-dessous :
- La mise à disposition, par voie de communications électroniques, d'une interface numérique qui permet aux utilisateurs d'entrer en contact avec d'autres utilisateurs et d'interagir avec eux, notamment en vue de la livraison de biens ou de la fourniture de services directement entre ces utilisateurs. Toutefois, la mise à disposition d'une interface numérique n'est pas un service taxable :
- a) Lorsque la personne qui réalise cette mise à disposition utilise l'interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs :
- des contenus numériques ;
- des services de communications ;
- des services de paiement, au sens de l'article L. 314-1 du code monétaire et financier ;
- b) Lorsque l'interface numérique est utilisée pour gérer les systèmes et services suivants :
- les systèmes de règlements interbancaires ou de règlement et de livraison d'instruments financiers, au sens de l'article L. 330-1 du même code ;
- les plateformes de négociation définies à l'article L. 420-1 dudit code ou les systèmes de négociation des internalisateurs systématiques définis à l'article L. 533-32 du même code ;
- les activités de conseil en investissements participatifs, au sens de l'article L. 547-1 du même code, et, s'ils facilitent l'octroi de prêts, les services d'intermédiation en financement participatif, au sens de l'article L. 548-1 du même code ;
- les autres systèmes de mise en relation, mentionnés dans un arrêté du ministre chargé de l'économie, dont l'activité est soumise à autorisation et l'exécution des prestations soumise à la surveillance d'une autorité de régulation en vue d'assurer la sécurité, la qualité et la transparence de transactions portant sur des instruments financiers, des produits d'épargne ou d'autres actifs financiers ;
- « c) Lorsque l'interface numérique a pour objet de permettre l'achat ou la vente de prestations visant à placer des messages publicitaires;
- a) Lorsque la personne qui réalise cette mise à disposition utilise l'interface numérique à titre principal pour fournir aux utilisateurs :
- Les services commercialisés auprès des annonceurs, ou de leurs mandataires, visant à placer sur une interface numérique des messages publicitaires ciblés en fonction de données relatives à l'utilisateur qui la consulte et collectées ou générées à l'occasion de la consultation de telles interfaces, y compris lorsqu'ils sont réalisés au moyen d'interfaces dont la mise à disposition est exclue des services taxables par le c du 1° du présent II. Ces services peuvent notamment comprendre les services d'achat, de stockage et de diffusion de messages publicitaires, de contrôle publicitaire et de mesures de performance ainsi que les services de gestion et de transmission de données relatives aux utilisateurs.
La taxe s'applique aux entreprises, indépendamment de leur lieu d'établissement, pour lesquelles le montant des sommes encaissées en contrepartie des services taxables lors de l'année civile excède les deux seuils suivants :
- 750 millions d'euros au titre des services fournis au niveau mondial ;
- 25 millions d'euros au titre des services fournis en France, au sens de l'article 299 bis.
Le gouvernement précise que, pour les entreprises, quelle que soit leur forme, qui sont liées, directement ou indirectement, au sens du II de l'article L. 233-16 du code de commerce, le respect des seuils mentionnés s'apprécie au niveau du groupe qu'elles constituent.
Un décret promulgué malgré les tentatives américaines d'intimidation
L’administration Trump a dénoncé le caractère « extrêmement discriminatoire » de la taxe numérique française à l’égard des multinationales basées aux États-Unis.
Mercredi 10 juillet, à la veille du vote du Sénat, le président américain, Donald Trump, a ordonné une enquête sur le projet français de taxation des entreprises technologiques, une enquête qui pourrait amener les États-Unis à imposer de nouveaux droits de douane ou d’autres restrictions commerciales à la France, comme ils l’ont fait pour la Chine.
« Les États-Unis sont très préoccupés par le fait que la taxe sur les services numériques qui devrait être adoptée par le Sénat français demain vise injustement les entreprises américaines », a déclaré le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer, dans un communiqué annonçant l'enquête. Trump « a ordonné que nous examinions les effets de cette législation et déterminions si elle est discriminatoire ou déraisonnable et constitue une charge ou une restriction du commerce aux États-Unis », explique Lighthizer. L’enquête vise donc à déterminer si la taxe Gafa française constitue une pratique commerciale déloyale. Lighthizer aura jusqu’à un an pour déterminer si le plan fiscal français impacterait les sociétés de technologie américaines.
Pour le Bureau du représentant américain au commerce (USTR), « les services couverts sont ceux où les entreprises américaines sont des leaders mondiaux. La structure de la nouvelle taxe proposée ainsi que les déclarations de responsables donnent à penser que la France cible injustement la taxe dans certaines entreprises technologiques basées aux États-Unis », a-t-il déclaré dans un communiqué.
Le président du Comité des finances du Sénat US, le républicain Chuck Grassley, ainsi que le sénateur Ron Wyden, le plus grand démocrate du groupe se sont également rangés derrière Trump. « La taxe sur les services numériques que la France et d'autres pays européens appliquent est clairement protectionniste et cible injustement les entreprises américaines d'une manière qui va coûter des emplois aux États-Unis et nuire aux travailleurs américains », ont-ils déclaré dans un communiqué conjoint.
Un contrôle constitutionnel oublié
Le 4 juillet, devant les députés, le ministre de l’Économie a déclaré : « Certains, je le sais, jugent ces garanties juridiques encore insuffisantes. Je vous en propose donc une nouvelle : je souhaite qu’une fois voté, le texte soit soumis et validé par le Conseil constitutionnel. Cela renforcera notre dispositif, cela renforcera notre taxe nationale sur les géants du numérique et cela renforcera notre position politique dans les instances du G7, du G20 et de l’OCDE pour mener ce combat sur la taxation des activités numériques ».
Néanmoins, contrairement aux promesses de Bruno Le Maire, l’exécutif n’a pas souhaité saisir le Conseil constitutionnel dans le cadre d'un contrôle a priori.
Une décision que l'ASIC n'a pas hésité à mettre en exergue dans un tweet : « Taxe sur le numérique: Alors que @BrunoLeMaire avait promis une saisine du Conseil constitutionnel à la représentation nationale, le texte est publié ce matin au Journal officiel sans contrôle de constitutionnalité. La crainte d'une censure ? »
Source : Journal officiel, ASIC, Assemblée Nationale (4 juillet)
Et vous ?
Que pensez-vous du texte relatif à cette taxe ?
Quels sont les points qui vous marquent le plus ?
Que pensez-vous de l'avis de l'ASIC selon lequel la publication du texte sans contrôle de constitutionnalité laisse envisager la crainte d'une censure ?
Que pensez-vous du fait que la promesse de Bruno Le Maire de faire passer le texte sous le contrôle du Conseil constitutionnel n'a pas été tenue ?
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