Alors que l'Union européenne est encore aux phases de réflexion, de négociation et de consensus, la France vient de faire une avancée significative à travers la proposition de loi « visant à introduire une taxation sur le chiffre d'affaire afin de faire payer aux opérateurs de plateformes numériques leurs impôts en France ». Introduite le 7 novembre 2018 par les députés du groupe Les Républicains (LR), cette proposition a pour objectif de trouver une solution au problème des pertes fiscales qu'engendrent les plateformes numériques pour la France.
D'où vient le problème de pertes fiscales engendrées par les plateformes numériques ?
Les plateformes numériques sont des dématérialisations virtuelles d'entreprises sur le net. Les entreprises ont donc la possibilité de réaliser de gros bénéfices par l'intermédiaire de leur plateforme numérique sans avoir besoin de s'implanter physiquement dans un pays. Et c'est justement de là que vient le problème. En effet, seules les entreprises implantées physiquement dans un pays sont obligés de s'acquitter des impôts nationaux sur les sociétés. Les plateformes numériques permettent aux entreprises d'exister virtuellement dans les pays, leur permettant ainsi d'échapper au paiement de ces impôts.
Pour les députés LR, cette échappatoire offerte par le numérique engendre « des pertes de recettes fiscales insupportables » d'autant plus que les opérateurs des plateformes numériques font parfois des chiffres d'affaire 3 fois supérieures à ceux réalisés par les entreprises physiquement présentes sur le territoire. Ces députés prennent l'exemple de l'entreprise Airbnb qui a payé pour l'exercice 2016 un impôt de 96 944 euros pour un chiffre d'affaire de plus de 5 milliards euros. La France n'est d'ailleurs pas le seul pays à souffrir de ces pertes fiscales. D'autres pays de l'Union européenne en souffrent aussi, car les députés estiment la perte fiscale à plusieurs milliards d'euros chaque année pour toute l'UE.
De plus, ces députés trouvent injuste que les GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Microsoft) avec leur gros chiffre d'affaire paient « un taux d'imposition inférieur de moitié aux entreprises traditionnelles ». Ils espèrent par leur proposition de loi endiguer les pertes fiscales et rétablir l'égalité entre les entreprises physiquement présentes sur le territoire et celles qui ne le sont pas.
Quel est le contenu de la proposition de loi ?
La proposition de loi s'articule autour de mesures.
Première mesure : les plateformes numériques qui ont « un nombre de visiteurs uniques supérieurs à 1 million par mois sur le territoire français » doivent se faire enregistrer par leurs opérateurs sur une plateforme dédiée à l'enregistrement. Ils obtiendront par la suite un numéro d'enregistrement.
Deuxième mesure : une taxe de 5 % sera appliquée sur le chiffre d'affaire hors taxe réalisé en France par les opérateurs des plateformes qui ont été enregistrés. Cette taxation à hauteur de 5 % est assez raisonnable, car elle correspond « à un niveau de taxation de 25 % pour une entreprise qui réaliserait une marge bénéficiaire de 20 % de son chiffre d'affaires, ce qui est cohérent avec le taux de l'impôt sur les sociétés ».
Troisième mesure : les entreprises dont les plateformes numériques sont implantées en France depuis moins de 5 ans seront exonérées de cette taxe afin de faciliter la création d'entreprises.
Quatrième mesure : le montant payé par les entreprises installées physiquement sur le territoire français pour s'acquitter de la taxe de 5 %, sera retranché du montant qu'elles doivent payer pour s'acquitter de l'impôt sur les sociétés.
Toutes les mesures de cette proposition de loi se veulent compatibles avec le droit de l'Union européenne. Pour les députés LR, cette proposition de loi a un enjeu international vu que la question dont elle traite à une envergure internationale en général et européenne en particulier.
Quelle est la position de l'Union européenne par rapport à cette taxation ?
Bon nombre de pays de l'Union européenne (France, Allemagne, Italie, Espagne, Autriche, Bulgarie, Grèce, Slovénie, Lettonie, Royaume Uni) étaient bien décidé à trouver une solution communautaire au problème de taxation des opérateurs économiques des plateformes. En ce sens, ces pays ont proposé un taux d'imposition de 3 % applicable aux entreprises dont le chiffre d'affaire mondial est supérieur à 750 millions d'euros et dont le chiffre d'affaire annuel en Europe est supérieur à 10 millions d'euros. Cependant, cette proposition a été contester par deux pays auparavant favorables (le Royaume-Uni et l'Allemagne) et par le Danemark. La Suède et la Finlande ont estimé que cette taxation nuiraient à l'attractivité des pays européens.
La Commission européenne en est venu à proposer que les sociétés ne soient taxées que dans les pays où elles ont de nombreuses interactions avec les utilisateurs et a également proposé une taxe provisoire sur les principales activités numériques qui ne sont pas taxés dans l'UE. Malgré ces nouvelles propositions, les pays de l'UE ont toujours du mal à trouver un terrain d'entente, ce qui ralentit considérablement la recherche d'une solution communautaire. C'est l'une des raisons pour laquelle la France a décidé de faire cavalier seul. Elle n'est d'ailleurs pas la seule qui ait décidé de passer à l'acte. Le Royaume-Uni compte aussi appliquer une taxe sur le chiffre d'affaire réalisé sur son territoire par les opérateurs de plateforme d'ici 2020.
Source : Proposition de loi
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Le , par Bill Fassinou
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