Depuis le lancement de l’initiative de taxation des géants du Net, comme ceux regroupés sous l’acronyme GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon, désignant les géants d’internet) ou encore des grands groupes mondiaux exerçant au sein de l’UE comme certaines entreprises asiatiques, les tractations ne manquent pas de se faire au plus haut niveau dans les sphères d’influence et de décision mondiales. Porté dès le départ par la France, ce projet de taxer les grandes entreprises technologiques exerçant dans l’Union européenne en fonction de leur chiffre d’affaires a ensuite été soutenu par l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne.
Pour parvenir à leurs fins, ces pays ont adressé à la Commission européenne une lettre dans laquelle ils décrivent comme contradictoire le fait que ces grandes entreprises qui font des chiffres d’affaires énormes paient des impôts relativement bas en rattachant leurs activités économiques à des pays où le taux d’imposition fiscal est assez faible (comme l’Irlande et le Luxembourg entre autres). Inversement, les entreprises locales moins grandes menant leurs activités en Europe paieraient des impôts plus élevés comparativement à leurs chiffres d’affaires.
Depuis la présentation du projet par la France, plusieurs autres pays, en plus des premiers qui l’ont rejointe, ont également rallié cette cause. Ce sont notamment l’Autriche, la Bulgarie, la Grèce, la Slovénie et la Lettonie. De même, ces pays sont parvenus à s’accorder sur le taux d’imposition et la Commission européenne a proposé une taxe de 3 % sur le chiffre d’affaires des entreprises d’envergure mondiale dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros et dont les revenus annuels en Europe sont au moins de 10 millions d’euros. Avec cette nouvelle taxe, environ 200 entreprises seraient concernées par ce changement, ce qui permettrait aux pays de l’Union européenne de récupérer environ 5 milliards d’euros (6 milliards de dollars) supplémentaires.
Mais comme on pouvait s’y attendre, les détracteurs de cette initiative ne sont pas restés les bras croisés et le Royaume-Uni, qui était au départ favorable au projet, s’est rétracté. De même, l’Allemagne qui s’était montrée favorable au début a commencé à afficher des réticences dans sa mise en œuvre. Le Danemark, la Suède et la Finlande pour leur part considèrent que cette taxe est néfaste pour la compétitivité de l’Europe. Ils soulignent qu’elle nuirait aux relations avec les États-Unis. En outre, certains membres de l’UE ont fait part de leurs inquiétudes quant à la possibilité que ces entreprises soient touchées par une telle taxe et les partenaires internationaux pourraient réagir par des mesures de rétorsion.
Dimanche dernier, les dirigeants européens des finances ont à nouveau appelé à un accord sur les règles mondiales visant à taxer l’économie numérique, et cela, lors d’une réunion du G20. Ce groupe des vingt (G20) se compose de 19 pays et de l’Union européenne dont les ministres, les chefs des banques centrales et les chefs d’État se réunissent annuellement. Si le communiqué final de la réunion a été assez évasif sur les détails du problème débattu, plusieurs déclarations ont pu être recueillies auprès de certains participants.
Reuters rapporte qu’Hubert Fuchs, le représentant du Conseil européen au G20, a affirmé en marge de la réunion que « ;l’un des grands défis est que la fiscalité de l’économie numérique est avant tout une imposition des entreprises américaines — car elles sont les acteurs clés dans le monde — ainsi les États-Unis estiment que c’est une attaque contre leur économie numérique, ce qui n’est pas vraiment le cas ;». Reuters continue et ajoute que Pierre Moscovici, le Commissaire européen à l’économie et aux finances, déclara de son côté que les grandes entreprises numériques devaient « ;payer leur juste part d’impôts, car ce dont nous parlons ici, c’est l’équité ;», soulignant ainsi qu’il ne s’agit pas d’une chasse aux sorcières qui est menée contre les entreprises technologiques américaines, mais d’une question de justice. Bien que la délégation américaine n’ait pas fait de commentaires au sortir de la réunion, le secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, a déjà déclaré en début d’année qu’il « ;s’oppose fermement aux propositions de n’importe quel pays visant à distinguer les entreprises numériques ;», soulignant ainsi que ces entreprises ont été des contributeurs clés de l’économie américaine.
Pour également apporter des arguments favorables à cette taxation, un participant du G20, qui a requis l’anonymat afin de pouvoir mieux s’exprimer sur les échanges qui ont eu lieu, affirme que « ;nous ne pouvons pas accepter que nos PME (petites et moyennes entreprises) aient un niveau d’imposition supérieur de 40 points par rapport au niveau de taxation des géants de l’Internet ;». Fuchs, également secrétaire d’État autrichien pour les finances, aurait soutenu que « ;la taxation devrait être là où l’argent est gagné. Et si l’économie numérique gagne de l’argent partout dans le monde, cela n’a pas vraiment de sens si elle déclare seulement son revenu aux États-Unis ;».
Par ailleurs, même si cette dernière réunion du G20 n’a pas donné de résultats concrets, pour le trésorier australien Scott Morrison, les discussions du G20 étaient utiles, car elles ont établi la racine du problème : « ;personne ne sait ;» comment mesurer à des fins fiscales la valeur des utilisateurs de données qui font usage des services de médias sociaux comme Facebook en dehors des pays où ces entreprises sont basées.
Source : Reuters
Et vous ?
Quels commentaires faites-vous des différentes déclarations des participants à cette réunion du G20 ;?
Selon vous, ce projet de taxation est-il mené pour affaiblir les entreprises américaines et par-delà l’économie américaine ;?
Ou est-ce de bonne guerre que ce projet est mené afin de corriger les disparités fiscales ;?
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Et souligne qu'il ne s'agit pas d'une attaque contre les entreprises américaines
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Le , par Olivier Famien
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