Dans une première étape législative vers l'adoption de la taxe GAFA en France, l'Assemblée nationale a voté en première lecture le projet de loi porté par Bruno Le Maire par 55 voix pour, 4 voix contre et 5 absentions. « Ce n’est pas l’unanimité, mais ça n’en est pas loin », a commenté le ministre, se félicitant que la France « ouvre une voie » et se disant « certain que beaucoup de pays suivront ».
C'est après un énième échec dans les négociations de Bruxelles que le ministre français de l'Économie et des Finances a décidé de faire cavalier seul. En effet, après plusieurs mois de discussion et malgré une proposition franco-allemande de dernière minute, les pays de l'UE n'ont pu parvenir à aucun accord sur la proposition de taxation faite par la Commission européenne. Ils n'ont pu ni valider la proposition de la Commission ni aboutir à un accord qui satisfait tout le monde. L'adoption du projet nécessite en fait l’unanimité des 28 pays de l’Union ; or le projet suscite depuis le début l’opposition de plusieurs pays qui craignent de perdre des recettes fiscales, comme l’Irlande, ou qui redoutent des représailles des États-Unis, comme l’Allemagne et les pays scandinaves.
S'il y a un blocage au niveau européen, Bruno Le Maire a promis de ne rien lâcher et d'aller, de manière unilatérale, chercher « l’argent [qui] est chez les géants du numérique ». Il trouve en effet inadmissible que ces derniers fassent « des profits considérables grâce aux consommateurs français, grâce au marché français, et payent 14 points d’imposition en moins que les autres entreprises, que les PME, que les TPE, que l'industrie française ». Déterminé à instaurer ce qu'il considère comme une mesure de justice fiscale à l’heure où les « Gilets jaunes » réclament plus de pouvoir d’achat, le ministre a annoncé en janvier qu’un projet de loi en rapport avec une taxe qui touchera les entreprises proposant des services numériques en France sera présenté en conseil des ministres avant d’être « ;rapidement soumis au vote du Parlement ;» ; ce qui a été fait.
En mars, ce projet a été présenté. Bruno Le Maire veut imposer les activités numériques qui « créent de la valeur grâce aux internautes français » et cible notamment les entreprises qui font, sur leurs activités numériques, un chiffre d’affaires de 750 millions d’euros dans le monde et de plus de 25 millions d’euros en France. L’idée est de les imposer à hauteur de 3 % du chiffre d’affaires réalisé en France sur la publicité ciblée en ligne, la vente de données à des fins publicitaires et la mise en relation des internautes par les plateformes. En définissant ces critères, une trentaine de groupes, y compris le Français Criteo, tombent sous le coup de cette taxe qui devrait rapporter 400 millions d’euros en 2019.
Comme le rapporte Le Monde, et comme le laisse d'ailleurs croire le résultat des votes, le projet de taxation des GAFA a fait l’objet d’un relatif consensus. Certains élus ont toutefois cherché en vain à étendre la portée de la taxe, dénonçant son rendement qui selon eux ne permet pas de rétablir la justice fiscale qu'a évoquée Bruno Le Maire. À l'opposé, d'autres députés ont fait part de craintes selon lesquelles la taxe pourrait être « répercutée au bout de la chaîne » sur le consommateur, ce que Bruno Le Maire a refusé d’accepter. En fin de compte, l'Assemblée n'a pratiquement pas modifié la mesure en séance. Les députés ont adopté des amendements similaires, portés notamment par des élus La République en marche pour « préciser l’assiette » lorsque « certains redevables fournissent, en plus du service taxable, des prestations accessoires », rapporte Le Monde.
C'est ainsi que, malgré la menace de Washington, la France poursuit son chemin vers l'instauration d'une taxe sur les entreprises du numérique au niveau national, dans l'attente que des mesures concrètes soient adoptées au niveau international. Bruno Le Maire « souhaite que les efforts de la France permettent, avec la contribution des États-Unis, d’accélérer les négociations engagées en vue de l'adoption d'une taxation internationale sur le numérique à l'OCDE ». Et alors, la France retirera sa taxe nationale. Mais jusque-là, la France va continuer en cavalier seul. « Je ne relâcherai jamais mes efforts jusqu’à ce que les pays de l’OCDE se mettent d’accord pour obtenir une taxation efficace des géants du numérique », a-t-il promis devant les députés.
Sources : Le Monde, HuffPost.fr
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Le , par Michael Guilloux
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