
Stéphane Richard trouve injuste que les opérateurs payent plus de 80 % des impôts de l'économie numérique
Dans une interview donnée au Journal du Dimanche il y a quelques jours, le ministre de l’Économie Bruno Le Maire a évoqué un « projet de loi spécifique » en rapport avec une taxe qui touchera les entreprises proposant des services numériques en France. Il a déclaré que ce projet sera présenté en conseil des ministres d’ici à fin février, avant d’être « rapidement soumis au vote du Parlement ». Il a aussi précisé que la taxe toucherait « toutes les entreprises représentant un chiffre d’affaires supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et 25 millions d’euros en France », et « si ces deux critères ne sont pas réunis, elles ne seront pas imposées ». Ajoutons par ailleurs que la taxe dite GAFA pourrait passer de 3 % à 5 %. Le ministre a en effet fait savoir que son taux sera modulé en fonction du chiffre d’affaires des entreprises ciblées avec un maximum de 5 %.
Alors que la France tente d'accélérer le processus pour faire payer plus d'impôts aux géants US de la technologie, cette taxe dite GAFA ne fait pas l'unanimité dans l'Hexagone. L'annonce de Bruno Le Maire a en effet entrainé une réaction immédiate de l'association des services internet communautaires (ASIC), une organisation française qui regroupe les acteurs du web 2.0 et créée en décembre 2007 par AOL, Dailymotion, Google, PriceMinister et Yahoo! L'ASIC est montée au créneau pour attaquer la taxe numérique, estimant que l'annonce du ministre français de l'Économie et des Finances intervient sans aucune étude d’impact de la mesure sur :
- la qualité des services disponibles en France ;
- les investissements internationaux en France ;
- la perte de compétitivité des entreprises françaises ;
- le caractère légal d’une taxe française qui s’ajouterait aux taxes déjà payées dans les pays des sièges sociaux et payées demain au niveau européen.
Dans un long communiqué, l'association des acteurs du Web 2.0 a expliqué en six points pourquoi la taxe GAFA est une mauvaise idée. Pour elle :
- il ne s’agit pas d’une taxe sur les GAFA, mais d’une taxe sur toutes les entreprises du numérique ;
- la taxe sur les services numériques va handicaper les acteurs français dans leur croissance ;
- la taxe sur les services numériques oublie que toutes les entreprises du numérique ne sont pas profitables ;
- une taxe sur les services numériques va avoir un impact sur les PME et les consommateurs ;
- il s'agit d'une taxe idéologique reposant sur un faux postulat : que les géants US du numérique ne paieraient pas d’impôt ; et
- même en faisant passer le taux à 5 %, la taxe sur les services numériques ne permettra d’atteindre qu'un rendement de 300 millions d’euros au maximum. Ce qui est loin des 500 millions d’euros annoncés.
Mais il y en a en France qui ne sont pas du tout d'accord avec l'ASIC. C'est le cas par exemple du PDG d'Orange : « Je soutiens à 200 % ces projets-là », a affirmé Stéphane Richard sur Europe 1, à propos de la taxe GAFA. « Ce n'est pas tout à fait normal, et pas acceptable que dans cette économie numérique les opérateurs que nous sommes paient plus de 80 % des impôts et les GAFA, qui sont des entreprises immenses qui tirent une richesse considérable de tout cela, en payent moins de 3 %. C'est ça la réalité aujourd'hui », dénonce-t-il. « Evidemment, il y a une inégalité qui est insupportable. Alors, moi je suis très content que ce projet voit enfin le jour », a-t-il ajouté.
Un autre épisode de la guerre entre les entreprises du numérique et les opérateurs télécoms ?
La réaction du PDG d'Orange n'est pas surprenante quand on sait que ce n'est pas le grand amour entre les opérateurs télécoms et les entreprises du numérique qui utilisent les réseaux de ces derniers pour mener leurs activités. La situation aux États-Unis dans la fameuse bataille sur la neutralité du Net en est la preuve. D'un côté, on a les entreprises de la tech qui soutiennent le principe de neutralité du Net. Elles estiment en effet que les règles de neutralité du réseau garantissent un traitement équitable du trafic Internet par les opérateurs télécoms, qui deviennent alors de simples transmetteurs d’information. Ce principe permet à tous les utilisateurs, quelles que soient leurs ressources, d'accéder au même réseau dans son intégralité.
De l'autre côté, on a les opérateurs télécoms qui veulent plus de liberté. Mais en réalité, ils veulent un Internet à plusieurs vitesses où chacun paiera en fonction de la qualité de son réseau, ce qui permettra par la même occasion de faire payer plus les entreprises du numérique qui sont exigeantes en qualité de réseau. Le PDG d'Orange s'était d'ailleurs exprimé sur cette situation en prenant position pour un Internet à plusieurs vitesses.
Ce que les opérateurs ne manquent pas de dire quand ils ont en l'occasion, c'est que les GAFA se font beaucoup d'argent, mais ne financent (presque) pas les infrastructures (comme les réseaux Internet) sur lesquelles reposent leurs services. Pour les réseaux Internet, cette lourde charge revient essentiellement aux opérateurs. D'ailleurs, dans l'interview accordée à Europe 1, le patron d'Orange a expliqué qu'il est très difficile pour les opérateurs de faire face à la transformation numérique qui a explosé ces dernières années. Il faut en effet maintenir les infrastructures historiques et déployer de nouvelles infrastructures pour accompagner cette transformation numérique. Or, ce sont des chantiers énormes, dit-il, en précisant que la fibre optique par exemple représente plus de plus 20 milliards d'investissements.
Une contribution des GAFA serait donc utile. Mais la taxe GAFA pourrait-elle permettre de financer les réseaux Internet et aider à résoudre le problème de fracture numérique en France (notamment le problème d'infrastructure et de couverture réseau) ? Cela semble très peu évident. D'abord, parce que les recettes attendues s'élèvent à 500 millions d'euros, et aussi, comme l'a fait remarquer l'ASIC, il serait difficile de pouvoir collecter les 500 millions annoncés.
Sources : Vidéo YouTube, Europe 1
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