Cela donne le contexte dans lequel a été conçue cette fameuse loi dont l'objet initial de lutte contre les « fausses informations » a été finalement modifié pour lutter « contre la manipulation de l'information ». Elle est en effet destinée à empêcher la diffusion « artificielle » de fausses nouvelles en période électorale. Dans sa dernière version, c'est donc l'intention « délibérée » de diffuser de fausses informations qui sera sanctionnée.
À l'origine, rappelons que c'était l'un des vœux d'Emmanuel Macron qui estime avoir été victime pendant la dernière présidentielle de campagnes de fake news. Les campagnes de désinformation en question, propagées via les réseaux sociaux, auraient émané de médias russes après un piratage "massif et coordonné" de l'équipe En Marche. Cela dit, le projet vise notamment à :
- mettre en place de nouveaux outils qui permettront de mieux lutter contre la diffusion de fausses informations durant la période électorale ;
- imposer aux plateformes des obligations de transparence renforcée en vue de permettre, d’une part, aux autorités publiques de détecter d’éventuelles campagnes de déstabilisation des institutions par la diffusion de fausses informations et, d’autre part, aux internautes de connaître l’annonceur des contenus sponsorisés ; et
- de permettre que soit rendue une décision judiciaire à bref délai visant à faire cesser leur diffusion.
Dans la nuit du mardi 3 au mercredi 4 juillet, c'est un texte très controversé que les députés ont adopté. Dès le début de l'examen de ce projet, certains parlementaires avaient en effet critiqué les mesures prévues qu'ils ont jugées inutiles vu que des lois existent déjà pour répondre à ce problème. D'autres encore ont averti des dangers du projet pour la liberté d'expression et celle de la presse. Mais pour la ministre de la Culture, Françoise Nyssen, « ce texte ne crée aucune interdiction nouvelle », mais il vise à « mieux faire respecter les règles existantes en les adaptant aux nouvelles réalités caractérisées par le poids croissant des réseaux sociaux, la viralité de l'information et le développement du sponsoring ».
Les algorithmes des plateformes en ligne ont-ils tendance à mettre en avant les fausses informations ?
Dans le texte adopté par l'Assemblée nationale figure également un amendement qui stipule que les opérateurs de plateforme en ligne qui ont recours à des algorithmes de recommandation, classement ou référencement de contenu doivent publier des statistiques agrégées sur leur fonctionnement. Pour chaque contenu hébergé, il doit être mentionné la part d'accès direct au contenu (c'est-à-dire via l'URL ou un moteur de recherche extérieur) et les parts d'accès indirects, dus à chacun des algorithmes de recommandation, de classement ou de référencement de la plateforme qui sont intervenus dans l’accès aux contenus.
L'objectif est de pouvoir vérifier si ces algorithmes ont tendance à mettre en avant les fausses informations. « Au cours de la lutte contre les fausses informations, de nombreux acteurs ont constaté que celles-ci sont souvent mises en avant par les algorithmes des plateformes (réseaux sociaux, moteurs de recherche) », peut-on lire dans l'exposé sommaire de l'amendement proposé par Paula Forteza, Éric Bothorel et Cédric Villani.
Cette idée se fonde, entre autres, sur le travail d'un ancien ingénieur de YouTube qui indique que la plateforme favoriserait les vidéos sur lesquelles les internautes passent plus de temps, car celles-ci rapportent plus en termes de revenus publicitaires. « Or, ce choix a un effet pervers qui a un impact majeur sur l’information mondiale », écrivent les députés en citant l'ingénieur. « Autrement dit, les algorithmes déduiraient que les contenus les plus efficaces pour capter l’attention de l’utilisateur sont des contenus polémiques, pas nécessairement vérifiés, aux formats courts et susceptibles de véhiculer de fausses nouvelles, et en proposeraient davantage », ont-ils ajouté.
Mais comme Google a réfuté ces affirmations, les députés estiment que ces statistiques (qui doivent être publiées en ligne et accessibles à tous, dans un format libre et ouvert) devraient permettre de vérifier les faits. Si ce genre d’algorithmes a un effet sur la diffusion de fausses nouvelles, on doit pouvoir en étudier les biais, pour mieux les contrôler, disent-ils. Ils précisent toutefois qu'il ne s'agit nullement d’accéder au fonctionnement de l’algorithme en lui-même.
Sources : Challenges.fr, Amendement N° 136
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