À la suite de son arrestation au Monténégro le 23 mars dernier alors qu’il tentait de se rendre à Dubaï en utilisant de faux documents de voyage, le fondateur sud-coréen et PDG de Terraform Labs doit aujourd’hui répondre de plusieurs chefs d’accusation portés à la fois du côté américain et du côté sud-coréen.
Selon un article de l’agence de presse Yonhap paru le 4 avril 2023, "Do Kwon doit répondre de huit chefs d’accusation, dont fraude à l’égard des investisseurs, fraude en matière de valeurs mobilières, fraude postale et fraude sur les matières premières… Si l’on additionne les peines pour les nombreux délits auxquels Kwon doit faire face aux États-Unis, la peine maximale de Kwon aux États-Unis peut dépasser 100 ans, alors que la peine maximale en Corée [du Sud] n’est que d’environ 40 ans".
Pour rappel, Do Kwan était en cavale depuis près d’un an suite à sa mauvaise gestion de Terraform Labs, la société qui exploitait la cryptomonnaie LUNA et le stablecoin algorithmique TerraUSD qui ont tous deux perdu 99 % de leur valeur en l’espace d’une semaine. En septembre 2022, Interpol avait émis une notice rouge à l’égard de M. Kwon sur la demande des procureurs sud-coréens. La mesure a été prise à la suite de l’effondrement de la société de blockchain qui a entraîné une perte de 40 milliards de dollars (approximativement 37 milliards d’euros) pour les investisseurs.
Comme l’évoque l’acte d’accusation, Do Kwon a "volontairement trompé les investisseurs sur de nombreux aspects de la blockchain Terra, parmi lesquels la technologie utilisée et l’ampleur de son adoption par les utilisateurs". Pour Gurbir Grewal, haut responsable auprès de la SEC, le système Terraform Labs "constituait simplement une fraude gonflée par un pseudo "stablecoin" algorithmique, dont le prix était contrôlé par les accusés, et non par un quelconque code informatique".
L'extradition de Do Kwon en Corée du Sud pourrait lui permettre de réduire sa peine d'emprisonnement
Alors que Do Kwon est actuellement en attente de jugement au Monténégro pour usage de faux passeports, les autorités américaines et sud-coréennes tentent de s’entendre pour transférer M. Kwon dans leurs pays respectifs afin qu’il réponde de ses actes. Jusqu’alors, il était convenu que l’extradition du PDG de Terraform Labs se ferait en direction de son pays d’origine, mais les Américains sont particulièrement intéressés à tenir le procès sur leur territoire.
Toutefois, alors qu’aux États-Unis, la SEC a classé les cryptomonnaies dans la catégorie des valeurs mobilières, donc soumises à la législation correspondante, la Corée du Sud ne dispose pas de lois similaires. Le PDG de Terraform Labs pourrait ainsi se soustraire de l’inculpation américaine en exprimant sa préférence en cas d’extradition.
En effet, selon l’agence de presse Yonhap, "en Corée du Sud, il n’y a pas de norme ni de loi pour déterminer si les cryptomonnaies sont des titres ou non, mais aux États-Unis, la SEC a identifié de nombreuses cryptomonnaies comme des titres. Par conséquent, les sociétés de cryptomonnaies sont soumises aux lois sur les valeurs mobilières [...] Kwon pourrait tenter d’échapper à un procès aux États-Unis afin d’atténuer la sévérité de la sanction à l’avenir." Le système judiciaire sud-coréen ne prévoit qu’une peine maximale de 40 ans de prison pour les délits économiques, indique l’agence de presse.
Do Kwon a converti ses actifs illicites en bitcoins, rendant la saisie quasi possible pour les autorités sud-coréennes
Les autorités sud-coréennes ont identifié environ 314,2 millions de dollars d’actifs illicites liés à Terraform Labs, à Do Kwon, et à ses associés. Sur cette somme, les procureurs sud-coréens ont établi que plus de 69 millions de dollars était directement lié à Do Kwon lui-même. Cependant, les fonds ne sont pas accessibles et leur saisie est quasiment impossible car l’ex-PDG de Terraform Labs s’est assuré de convertir ces avoirs en bitcoin (environ 3 ;300 BTC) via des bourses off-shore, selon un rapport publié par le média social KBS.
Selon une enquête préliminaire effectuée par la SEC, Do Kwon aurait également détourné approximativement 800 millions de dollars en bitcoins de Terraform Labs juste avant l’effondrement de la société, et 100 millions de dollars en bitcoins juste après.
La saisie de ces avoirs étant hors de la juridiction des autorités sud-coréennes, ces derniers ont sollicité l’intervention de la compagnie de crypto Binance qui a accepté de collaborer avec les autorités pour geler les fonds et interrompre toute demande de retrait associée à Kwon. Cette même bourse, qui a promu le stablecoin TerraUSD comme un investissement sécurisé avant l’effondrement de sa valeur, est resté particulièrement discrète sur la question, et n’a émis aucune précision concernant le montant hébergé sur la plateforme.
"Nous avons fourni aux autorités coréennes l’assistance demandée. Comme nous ne pouvons pas commenter les enquêtes en cours du LE, pour tout autre commentaire, veuillez contacter les procureurs", précise Binance.
La riposte des autorités sud-coréennes
Les procureurs sud-coréen procèdent, depuis le 3 avril dernier, à la recherche des propriétés appartenant aux principaux membres de la direction de Terraform Labs. Parmi les biens saisis figurent des véhicules immatriculés à l'étranger, des résidences et des appartements à Séoul appartenant à l'ancien PDG Shin Hyun-seong. Mais on retrouve également des terrains à Hwaseong et Gapyeong dans le Gyeonggi-do, et à Taean dans la province du Chungcheong du Sud.
Toutefois, comme le rapporte un plaignant, ces investigations n'ont permis de retrouver aucune propriété appartenant à M. Kwon sur le territoire sud-coréen.
L’évolution de cette histoire est assez déroutante, car de nouveaux faits apparaissent chaque semaine. Cependant, il est possible de retrouver certaines similitudes avec l’affaire du PDG de FTX, Sam Bankman-Fried qui pourrait se voir infliger une peine de prison comparable, voire plus sévère.
Il convient en effet de rappeler que M. Bankman-Fried fait l’objet de huit chefs d’accusation qui pourraient le condamner à 115 années de prison s’il s’avère qu’il est coupable des charges retenues. Le PDG de FTX a plaidé non coupable pour un certain nombre des accusations des blanchiments d’argent, mais a de nouveau fait récemment l’objet de 12 chefs d’accusation supplémentaires, dont la fraude sur les matières et des dons politiques illégaux. Ces nouvelles charges exposent Sam Bankman-Fried à 40 années de prison supplémentaires, ramenant le tout à une peine de plus de 150 ans d’emprisonnement.
Sources : Agence de presse Yonhap, Securities and Exchange Commission
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Selon vous, la cryptomonnaie de Terra était-elle une chaîne de Ponzi ;? Si oui, les investisseurs étaient-ils conscients des risques ;?
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