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Droit voisin : L'Autorité de la concurrence donne raison aux éditeurs de presse et enjoint ainsi à Google de lancer des négociations,

Sur la rémunération de la reprise des contenus protégés

Le 2020-04-10 15:42:44, par Axel Lecomte, Expert éminent sénior
En novembre 2019, le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM), l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), l’Agence France-Presse (AFP) et la Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS), ont déposé chacun une plainte auprès de l’Autorité de la concurrence pour dénoncer un abus de position dominante de Google, espérant forcer le leader mondial de la recherche en ligne à négocier le droit voisin, conformément à une loi publiée fin juillet, imposant à l’ensemble des plateformes, réseaux sociaux et autres sites internet de verser une rémunération aux médias dont ils utilisent les articles et dont ils tirent des revenus.

Google a alors décidé de ne pas payer pour l’affichage de contenus en France et a notamment affirmé que dès l’entrée en vigueur de la loi, il reprendrait uniquement des liens avec titres, sans contenu, sauf accord des sites. Le leader mondial de la recherche en ligne estimait à l’époque qu’elle rendait service aux publications en leur apportant une audience plus élevée, via un service gratuit pour les éditeurs. Ces derniers estimaient par contre que Google et les autres plateformes qui partagent leur contenu ne partageaient pas suffisamment la richesse créée.


La décision prise par l’Autorité de la concurrence

Il a fallu attendre quelques mois pour que l’Autorité de la concurrence rende sa décision. En effet, dans un communiqué de presse publié le 9 avril, l’Autorité a donné raison aux éditeurs de presse. Elle a ainsi ordonné à Google, « dans un délai de trois mois, de conduire des négociations de bonne foi avec les éditeurs et agences de presse sur la rémunération de la reprise de leurs contenus protégés ».

« L’Autorité a mené, à compter de la réception des saisines, une instruction pour se prononcer sur les mesures conservatoires, en entendant, non seulement Google, les éditeurs de presse et l’AFP, mais aussi plusieurs acteurs économiques (autres moteurs de recherche par exemple) ou institutionnels. Le collège de l’Autorité a tenu une séance le 5 mars 2020 pour entendre les saisissants et Google. La décision rendue publique aujourd’hui est destinée à protéger les entreprises saisissantes des conséquences de pratiques potentiellement abusives, dans l’attente de la décision au fond, qui sera précédée d’une instruction permettant à l’Autorité de se prononcer sur l’existence d’infractions au droit de la concurrence », est-il indiqué dans le communiqué.

« À ce stade de l’instruction, l’Autorité a considéré que Google est susceptible de détenir une position dominante sur le marché français des services de recherche généraliste. En effet, sa part de marché est de l’ordre de 90 % à la fin de l’année 2019. Il existe, par ailleurs, de fortes barrières à l’entrée et à l’expansion sur ce marché, liées aux investissements significatifs nécessaires pour développer une technologie de moteur de recherche, et à des effets de réseaux et d’expérience de nature à rendre la position de Google encore plus difficilement contestable par des moteurs concurrents qui souhaitent se développer », ajoute l’Autorité.

D’ailleurs, les mesures prises par Google ont impacté le secteur de la presse, qui est économiquement fragile, alors que la loi envisageait le contraire. Certains éditeurs ont alors été contraints d’accepter les conditions imposées par le moteur de recherche.

Ainsi, l’Autorité de la concurrence estime notamment que :

  • « Ces pratiques sont rendues possibles par la position dominante que Google est susceptible d’occuper sur le marché des services de recherche généraliste. Cette position conduit Google à apporter un trafic significatif aux sites des éditeurs et agences de presse. Ainsi, d’après les données fournies par les saisissants portant sur 32 titres de presse, et non contestées par Google, les moteurs de recherche - et donc Google pour une large part - représentent, selon les sites, entre 26 % et 90 % du trafic redirigé sur leurs pages. Ce trafic s’avère aussi très important et crucial pour des éditeurs et agences de presse qui ne peuvent se permettre de perdre une quelconque part de leur lectorat numérique du fait de leurs difficultés économiques » ;
  • « Dans ces conditions, les éditeurs et agences de presse sont placés dans une situation où ils n’ont d’autre choix que de se conformer à la politique d’affichage de Google sans contrepartie financière. En effet, la menace de dégradation de l’affichage est synonyme pour chaque éditeur de presse de pertes de trafic et donc de revenus, aussi bien s’il est seul concerné par cette dégradation que si cette dégradation vise l’ensemble des éditeurs ».

Jusqu’à la fin des négociations, qui devraient aboutir à une proposition de la rémunération de la part de Google, « ni l’indexation, ni le classement, ni la présentation des contenus protégés repris par Google sur ses services ne devront en particulier être affectés par les négociations » et « Google devra fournir à l’Autorité des rapports mensuels sur la manière dont elle se conforme à la décision ».

Une décision saluée par le ministre de la Culture

Dans un communiqué, Franck Riester, ministre de la Culture, a déclaré que la décision annoncée par l’Autorité de la concurrence est « sans ambiguïté ».

« J'engage tous les acteurs à commencer au plus vite les négociations. Ceux qui utilisent les contenus d’information doivent les rémunérer. Sans cela, il n'est pas de production d’information durable et donc pas de démocratie durable », a-t-il notamment indiqué.

« Conformément aux injonctions de l’Autorité de la concurrence, il revient désormais à Google de proposer aux éditeurs une juste rémunération, à la hauteur de la valeur que le moteur de recherche retire des contenus d’information », a-t-il ajouté.

Et selon lui, “la crise sanitaire que nous traversons nous rappelle une fois de plus le caractère indispensable, dans toute démocratie, de la mission d’informer. Cette mission a un coût, elle a donc aussi un prix, celui de la juste rémunération de ceux qui la produisent ».

La réponse de Google

Quelques heures après la publication du communiqué, Richard Gingras, vice-président de Google chargé des relations avec les médias, a déclaré : « depuis la transposition en France de l’article 15 de la directive européenne sur le droit d’auteur, nous discutons avec un grand nombre d’éditeurs de presse afin d’accroître notre soutien et nos investissements au profit du secteur de la presse. Nous nous conformerons à la décision de l’autorité de la concurrence que nous sommes en train d’analyser, tout en poursuivant ces négociations ».

La réaction du SEPM

Du côté des plaignants, seul le SEPM a réagi au communiqué jusqu’à présent. Dans un communiqué publié ce matin, il se « se félicite vivement de la décision de l’Autorité de la concurrence rendue hier ». « Cette décision majeure ouvre la voie à des négociations de bonne foi avec Google et les autres plateformes sur la mise en œuvre effective d’un droit voisin donnant lieu à rémunération, en fonction de critères précis et objectifs », abonde-t-il.

Sources : Autorité de la concurrence, Ministère de la Culture, SEPM

Et vous ?

Selon vous, les négociations pourraient-elles aboutir sur une rémunération satisfaisante pour les éditeurs de presse ? Si oui, pourquoi ?

Voir aussi :

Droit voisin : la presse française porte plainte officiellement contre Google devant l'Autorité à la concurrence, espérant forcer la société à proposer une offre tarifaire pour la reprise de contenus
Droit voisin : la presse française s'attaque à Google devant l'Autorité à la concurrence, espérant forcer le moteur de recherche à proposer une offre tarifaire pour la reprise des contenus
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France : les sites doivent-ils payer les éditeurs de presse pour la reprise de leurs articles ? Oui, selon le Sénat, qui approuve cela à l'unanimité
Google a déréférencé 1,75 milliard d'URL au nom du droit d'auteur depuis mars 2011, et 1,67 milliard d'URL au nom du droit à l'oubli depuis mai 2014
  Discussion forum
852 commentaires
  • byrautor
    Membre éclairé
    Une pseudo fédération qui dirige sans élections.
    Il faut le faire en démocratie
    On va voir ce que ça donne avec la GB, mais elle semble bien s'en tirer !
  • TidiusFF
    Membre du Club
    Réponse supposée la plus logique de Google : gratuit ou non affichés ou bien fermeture du service en France.
  • Médinoc
    Expert éminent sénior
    Ces gens exigent d'être référencés et payés pour ça. C'est vouloir le beurre et l'argent du beurre, c'est comme s'ils ne se rendaient même pas compte que Google a une solution très simple s'il faut payer pour référencer les gens: ne plus le faire.
  • JP CASSOU
    Membre confirmé
    La presse est déjà subventionnée bien grassement, et si oogle doit payer les organes de presse, alors ceux-ci doivent diffuser gratuitement leurs articles.
  • steel-finger
    Membre confirmé
    500 millions Google ne va jamais s'en remettre
  • el_slapper
    Expert éminent sénior
    Envoyé par manu007
    En Espagne c'est simple, le président Sánchez et son gouvernement d'inutiles, ne foutent rien...
    Des fois, on se dit que ça serait une bénédiction. Je pense ne particulier à la fin du quinquennat Hollande et au détricotage du droit du travail, il aurait mieux fait de ne rien foutre.
  • archqt
    Membre émérite
    Rien à voir, mais pour répondre à une discussion il faut aller sur le forum à moins qu'il n'y ait un truc ici pour reprendre le texte que quelqu'un a tapé.

    Sinon oui ils vont fermer le service peut être mais pas sûr
  • ManPaq
    Membre averti
    Pour une meilleure crédibilité de l'information et une marginalisation des Fake news, une liberté accrue de la presse et une concurrence saine aussi des médias, sans créer une sanctuarisation des nouvelles sur un corps de métier (qui a ses propres contre pouvoir mais reste malgré tout assujettis à la pression de l'investissement), c'est une bonne nouvelle !
  • tanaka59
    Inactif
    Bonsoir,

    Envoyé par Mingolito
    La presse écrite est subventionnée (l'humanité, etc), pas la presse en ligne (Médiapart), ce qui est un véritable scandale.
    C'est une honte de subventionner un media comme humanité qui est un organe de désinformation, d'incitation au vol, au désordre public, à la destruction de l'entreprenariat, et à la feignantise.

    Idéalement le mieux serait de supprimer totalement ce système de subventions étatique, l'état à 3000 milliards de dettes, et n'a pas à donner un centime à tous ces torchons. Si je veux de l'infos utile le m'abonne à Médiapart, ce que j'ai fait, et voila.
    Les articles économiques sont merdiques car écrits par des socialistes qui n'y comprennent rien, mais les articles fouille merde sur les politiciens sont très bien.
    Le modèle économique des diffusions de l'infos en Europe date de ... 1946 ! Donc pas tout jeune. Les subventions sont toutes aussi vieille . C'est pour "donner un droit à l'info" à tout le monde ... Avec le temps le modèle éco s'est essoufflé ... Les médias papier historiques sont très ancrés à gauche .

    Envoyé par Ryu2000
    C'est toujours un problème le financement d'un média, souvent ils sont déficitaire et ils appartiennent à des milliardaires, ce n'est pas afin de bien vous informer que ces milliardaires acceptent de perdre de l'argent.
    Et il y a des histoires extrêmement louche :
    La Fondation Gates donne 1,9 million d’euros au «Monde»

    Plus personne n'achète de journaux, les revenus sont très faible, donc les journaux ont viré les journalistes et les correcteurs.
    Aujourd'hui être journaliste consiste principalement à recopier l'AFP.
  • ormond94470
    Membre actif
    Une partie ira aux journaux d'une façon ou d'une autre, soit en annulant leur dette soit en les subventionnent bien qu'à perte...