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Droit voisin : la presse française s'attaque à Google devant l'Autorité à la concurrence
Espérant forcer le moteur de recherche à proposer une offre tarifaire pour la reprise des contenus

Le , par Stéphane le calme

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15  0 
Publiée fin juillet et transposant une directive européenne, la loi française créant « un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse » impose à l’ensemble des plateformes, réseaux sociaux et autres sites internet de verser une rémunération juste aux médias dont ils utilisent les articles et dont ils tirent d’importants revenus.

Néanmoins, Google a décidé de ne pas procéder au paiement pour l’affichage d’extraits d'articles, photos et vidéos en Hexagone. En fait, la plateforme ne reprendra plus ces contenus sans l'accord des agences de presse et éditeurs de presse. Dans un billet de blog, le vice-président de Google en charge de Google Actualités, Richard Gingras, a expliqué les changements à venir sur la plateforme :

« Fin octobre entrera en vigueur la nouvelle loi française sur le droit d’auteur qui accorde davantage de droits aux éditeurs de presse présents sur internet. Cette loi est la première transposition de la directive européenne sur le droit d’auteur, qui fut adoptée il y a quelques mois. Suite à cela, nous allons procéder à des changements dans la manière dont les résultats d’actualités apparaîtront dans notre moteur de recherche. Si vous êtes en France, vous verrez que certains résultats apparaîtront différemment.


« À l'heure actuelle, lorsque nous affichons les résultats de recherches liées à l’actualité, vous voyez un titre, dont le lien renvoie directement vers le site d’information concerné. Dans certains cas, nous proposons également un aperçu de l’article, par exemple quelques lignes de texte ou une petite image appelée "vignette ;". Ces titres et aperçus vous aident à décider si le résultat correspond à votre recherche et si vous souhaitez cliquer dessus.

« Lorsque la loi française entrera en vigueur, nous n’afficherons plus d’aperçu du contenu en France pour les éditeurs de presse européens, sauf si l’éditeur a fait les démarches pour nous indiquer que c’est son souhait. Ce sera le cas pour les résultats des recherches effectuées à partir de tous les services de Google.

« Les éditeurs ont toujours eu la possibilité de choisir s’ils voulaient ou non que leurs contenus soient accessibles via le moteur de recherche de Google ou sur Google Actualités. Nous venons de mettre en place des réglages plus granulaires pour les webmasters grâce auxquels les éditeurs peuvent indiquer la quantité d’information qu’ils souhaitent voir apparaître sous forme d’aperçu dans les résultats de la recherche. Les éditeurs du monde entier peuvent ainsi utiliser ces nouveaux réglages afin de choisir le type d’aperçu le mieux adapté pour attirer les internautes vers leur site ».

La plateforme américaine estime qu'elle rend service aux publications en leur apportant une audience plus élevée, et ce, via un service gratuit pour les éditeurs. À l'inverse, ces derniers estiment que Google, ainsi que toutes les plateformes qui partagent leur contenu, ne partagent pas suffisamment la richesse créée.

Les mécontentements se multiplient

Fin septembre, le gouvernement a appelé à « une véritable négociation globale » entre Google et les agences et éditeurs de presse, jugeant « pas admissible » que le géant américain tente d’échapper aux dispositions de la nouvelle loi française sur les droits d’auteur en modifiant l’affichage des contenus d’actualité.

Le ministre de la Culture Franck Riester, qui a reçu le vice-président de Google en charge de Google Actualités, Richard Gingras, a salué l’intention du géant américain de renforcer le contrôle des éditeurs sur le référencement de leurs contenus. « C’est un premier pas qui montre que la consécration d’un droit voisin permet de rééquilibrer le rapport de force », a-t-il souligné dans un communiqué.

Il a en revanche jugé que la position de Google sur la rémunération n’était « évidemment pas acceptable », puisque l’objectif politique des textes français et européen est de « permettre un juste partage de la valeur produite, au bénéfice des plateformes, par les contenus de presse ». « La définition unilatérale des règles du jeu est contraire à la fois à l’esprit de la directive et à son texte », déclare le ministre dans son communiqué, en précisant qu’il compte aborder « très prochainement » le sujet avec ses homologues européens afin de « remédier à cette situation ».


Début octobre, c'est l'Autorité de la Concurrence qui a décidé de lancer une enquête «exploratoire» sur les nouvelles règles que va appliquer Google pour la présentation des contenus de la presse française dans son moteur de recherche. Jeudi, dans une déclaration d'un représentant de l'Autorité qui a été rapportée par l'AFP, elle a déclaré : « l'Autorité a décidé d'ouvrir, de sa propre initiative, une enquête exploratoire à la suite des annonces faites par Google sur la façon dont il envisage de mettre en oeuvre les droits voisins ».

Dans les pratiques de l'Autorité, la procédure « exploratoire » permet de recueillir des informations auprès des parties. Il est question ici de déterminer si l’idée que Google déploie de nouvelles règles pour éviter de rémunérer les éditeurs et agences de presse peut constituer une pratique anticoncurrentielle. Il ne s'agit donc pas en l'état d'une procédure contentieuse, qui pourra être lancée ensuite si les informations recueillies le justifient.

La presse française entre dans le bain

Dans un communiqué publié le 24 octobre, le ministère de la Culture demande aux plateformes et aux réseaux sociaux comme aux éditeurs et agences de presse de poursuivre les négociations pour aboutir, collectivement, à des accords permettant une mise en œuvre pleine et effective de la loi. Le prochain Conseil européen des ministres de la Culture, qui aura lieu à Bruxelles le 21 novembre, permettra de dresser un premier bilan de l’état des négociations avec l’ensemble des partenaires européens qui sont directement concernés.

L'Alliance de la presse d’information générale (APIG) a annoncé, jeudi 24 octobre, qu'elle va déposer une plainte auprès de l’Autorité de la concurrence la semaine prochaine pour dénoncer un abus de position dominante du leader mondial de la recherche en ligne, espérant ainsi forcer Google à négocier le droit voisin. Il faut dire que cette association n'est pas la seule à prendre cette initiative : le Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) veut faire de même, tout comme la Fédération nationale de la presse d'information spécialisée (FNPS).

Notons que le 24 octobre est le jour où aurait dû entrer en vigueur ce nouveau droit, car la France est le premier pays européen à avoir transcrit la directive dans son droit national, après un vote du Parlement français en juillet.


Les plaignants demandent à l’Autorité de la concurrence de prendre des « mesures conservatoires » : ordonner à Google de proposer une offre tarifaire pour la reprise des contenus, désigner un expert de l’Autorité sous l’égide duquel la négociation se mènera, fixer un délai de négociation de trois mois et imposer que le prix s’applique de façon rétroactive à partir du 24 octobre, date d’entrée en vigueur de la loi.

« Quelle que soit la solution que nous choisissons, il n'y en a aucune où Google nous verse quelque chose », ironisait Marc Feuillée, directeur général du groupe Figaro, également présent ce jeudi. L'entreprise américaine demande aux éditeurs de renoncer à une rémunération s'ils souhaitent que leurs contenus demeurent visibles sur le moteur de recherche (titre, chapeau, photo, extrait vidéo). Aucun grand média n'a refusé, de peur de voir son audience s'effondrer ; s'ils l'avaient fait, leur contenu est réduit à la portion congrue : un lien et un titre, pas plus.

Jean-Michel Baylet, président de l'APIG, a estimé que : « Ce combat nous dépasse. La France va être un cas d'école, car elle est le premier pays à appliquer la directive. Nous n'avions pas d'autre choix que d'accepter les nouvelles conditions imposées par Google, car nous assurons d'abord la stabilité de nos audiences. Mais nous avons décidé de saisir l'Autorité de la concurrence [qui a ouvert une enquête exploratoire, préalable à une autosaisine] : les plaintes seront déposées la semaine prochaine, notamment pour abus de position dominante ».


Pierre Louette, PDG du groupe Les Échos, estime qu'en dix ans, la presse a perdu 50% de son revenu publicitaire tandis que Google et Facebook ont acquis une position dominante : « La révolution numérique a aussi entraîné une baisse du nombre de lecteurs qui achetaient leur journal en kiosque. Parallèlement, Google et Facebook perçoivent aujourd'hui 90% des recettes publicitaires pour le mobile en France. Google représente aussi 90% des recherches effectuées sur internet. On peut parler d'une privatisation du marché de la publicité numérique et d'une privatisation de la recherche sur internet. On utilise parfois le terme de 'multinationale' mais ces entreprises se considèrent en fait comme des supranationales et se placent au-dessus de la souveraineté des États ».

Invité du journal de 12h30 de France Culture le 24 octobre, le député Modem Patrick Mignola (rapporteur en France de la loi qui a instauré le droit voisin) déclarait aussi :

« Le rapport de force se joue maintenant. C’est à la puissance publique, en l'occurrence au ministère de la Culture de convoquer l'ensemble des parties en présence. C'est la première initiative qu'il faudra prendre avant d'autres, comme la saisine des instances européenne. Je crois aussi qu'il faudra que l’on soit en capacité de démonter les trusts. Parce qu'aujourd'hui Google et les GAFA se permettent de s'affranchir de la loi parce qu’ils sont en situation de surpuissance. (...) C'est à nous d'organiser un système de sanction, exactement comme nous l'avions fait sur les impôts quand ils décidaient de ne pas en payer. (...) On a Google qui est en abus de situation dominante, qui dit qu’il est prêt à reconnaître qu'il existe un droit voisin c'est-à-dire une utilisation du travail qui est fait par les journalistes sur internet si et seulement si la presse et les journalistes renoncer exercice le droit. C'est un peu comme si un chef d'entreprise reconnaissait que vous avez droit à congés payés si et seulement si vous ne prenez pas de vacances, voire que vous avez droit à un salaire si et seulement si vous renoncez à le toucher ».

Quand Facebook se propose de discuter avec les éditeurs de presse pour créer un espace dédié aux actualités

Facebook a donné son point de vue sur le droit voisin. Jesper Doub, Directeur des Partenariats News, Europe, Moyen-Orient et Afrique, a déclaré dans un communiqué :

« La loi du 24 juillet 2019 tendant à créer un droit voisin au profit des agences de presse et des éditeurs de presse – qui a transposé l’article 15 de la Directive européenne sur le droit d’auteur et les droits voisins – entre en vigueur le 24 octobre 2019. Les dispositions de cette loi prévoient notamment l’autorisation des éditeurs de presse pour afficher sur les plateformes en ligne, dans un format enrichi, les liens vers leurs contenus.

« C’est déjà le cas sur Facebook. Les éditeurs de presse décident en effet de la publication de leurs contenus sur notre plateforme. Nous allons ainsi continuer d’afficher leurs contenus dans un format enrichi, en y incluant les images, les titres, les extraits et autres champs qu’ils publient via leur flux RSS. Une très petite part des contenus sur notre plateforme est cependant publiée par des utilisateurs, et ce sans avoir reçu le consentement des éditeurs de presse. Aussi, si ces derniers souhaitent que les liens publiés par les utilisateurs s’affichent dans un format enrichi sur Facebook, ils auront la possibilité de nous donner leur accord et de nous informer de leur volonté que ces liens soient affichés dans un format enrichi.


« Dans l’esprit de l’article 15, nous souhaitons créer toujours plus de valeur pour les contenus des éditeurs de presse. Ainsi, nous engageons des discussions avec les éditeurs français pour mettre en place sur Facebook un espace dédié où les utilisateurs français pourront consulter des contenus des éditeurs. Nous voulons soutenir un journalisme de qualité, et croyons qu’un nouvel espace dédié aux actualités donnera aux utilisateurs français accès à des sources plus fiables, et les amènera à découvrir de nouveaux médias, élargissant ainsi l’audience des contenus de nos partenaires. Nos discussions avec les éditeurs français pour définir ce à quoi ressemblerait la meilleure expérience en la matière et comment nous pourrions rémunérer nos partenaires de façon appropriée, sont déjà en cours et se poursuivront au-delà du 24 octobre ».

Le réseau social annonce un nouvel onglet réservé aux contenus de médias de qualité, qui seront rémunérés par la plateforme. Cette initiative est réservée aux États-Unis, mais le réseau social dit « engager des discussions avec les éditeurs français ». « Cela revient au principe de payer pour du contenu. L’attitude de Facebook est différente de celle de Google », estimait jeudi Marc Feuillée, directeur général du Figaro. Tout en mettant en garde : « Le partenariat de Facebook aux États-Unis exclut certains éditeurs et il ne vaut pas mise en conformité avec le droit voisin. Nous sommes ouverts à la discussion, mais il y a une loi ».

Sources : Facebook, ministère de la Culture, Pierre Louette, journal de 12h30

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Avatar de bk417
Membre actif https://www.developpez.com
Le 25/10/2019 à 14:07
Ils sont gonflés d'inverser les choses.
Ils admettent que Google leur apporte de l'audience mais veulent en plus qu'il les paye, énorme !

Comme si les kiosques devaient payer pour pouvoir vendre des journaux.
Comme si Allociné devait payer pour pouvoir lister les films au cinéma.
Comme si le guide Michelin devait payer les restaurants dont il fait la promotion.
Comme si Autoplus devait payer les constructeurs automobile pour pouvoir parler de leurs voitures.
17  1 
Avatar de Cpt Anderson
Membre émérite https://www.developpez.com
Le 25/10/2019 à 15:27
Non seulement Google emmène du trafic sur les sites internet de ces médias (de propagandes) mais en plus il faut quand même souligner que 95% des articles de presses sont de simples reprises de l'AFP.
13  1 
Avatar de raphchar
Membre éclairé https://www.developpez.com
Le 22/11/2019 à 13:29
Si j'étais Google, je serais tenté d'annoncer le changement suivant « Il va falloir payer pour être référencé sur Google News. Car après tout ce service doit bien être financé. Ce n'est pas admissible que la presse profite d'un service gratuit ! »
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Avatar de Médinoc
Expert éminent sénior https://www.developpez.com
Le 25/10/2019 à 14:19
Adblock est venu en réponse aux abus. Et Adblock Plus, que j'utilise, a toujours sa politique de "publicités non-intrusives" pour les sites qui n'abusent pas.

Côté Article 11, on dirait que les politiques et éditeurs de presse ne comprennent pas qu'ils exigent de Google le beurre et l'argent du beurre: "Montrez-nous au monde, mais payez-nous pour ça!"
La réaction de Google "S'il faut payer pour vous afficher, on a une solution très simple, ne plus le faire" est parfaitement légitime.
9  0 
Avatar de DevTroglodyte
Membre extrêmement actif https://www.developpez.com
Le 22/11/2019 à 13:45
La question reste toujours la même... Il ne me semble pas que la loi oblige Google à reprendre les articles de presse, donc s'ils ne veulent pas le faire, qu'est ce que la justice va trouver à y redire ?
8  0 
Avatar de byrautor
Membre éclairé https://www.developpez.com
Le 28/07/2021 à 20:16
Une pseudo fédération qui dirige sans élections.
Il faut le faire en démocratie
On va voir ce que ça donne avec la GB, mais elle semble bien s'en tirer !
8  0 
Avatar de Neckara
Inactif https://www.developpez.com
Le 27/01/2020 à 17:21
Quoi ? Ils ne veulent pas appliquer les loi Européennes ???
Ils ont qu'à quitter l'UE s'ils sont pas content !

… oh wait…
7  0 
Avatar de TidiusFF
Membre du Club https://www.developpez.com
Le 10/04/2020 à 16:44
Réponse supposée la plus logique de Google : gratuit ou non affichés ou bien fermeture du service en France.
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Avatar de Edrixal
Membre expérimenté https://www.developpez.com
Le 22/11/2019 à 13:50
Citation Envoyé par DevTroglodyte Voir le message
La question reste toujours la même... Il ne me semble pas que la loi oblige Google à reprendre les articles de presse, donc s'ils ne veulent pas le faire, qu'est ce que la justice va trouver à y redire ?
Que Google contourne la lois en s'adaptant. Du coup ils cherchent à faire condamner Google pour délit d'adaptation !
6  0 
Avatar de Médinoc
Expert éminent sénior https://www.developpez.com
Le 12/04/2020 à 0:31
Ces gens exigent d'être référencés et payés pour ça. C'est vouloir le beurre et l'argent du beurre, c'est comme s'ils ne se rendaient même pas compte que Google a une solution très simple s'il faut payer pour référencer les gens: ne plus le faire.
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