
L’administration Trump ne s’est pas arrêtée là. Selon le Wall Street Journal, les États-Unis ont lancé, en novembre dernier, une « campagne extraordinaire de sensibilisation » de ses alliés afin de tenter de persuader les fournisseurs d'accès à Internet sans fil dans ces pays d'éviter les équipements de télécommunication provenant du chinois Huawei, évoquant des préoccupations de sécurité nationale. La Maison-Blanche a même envoyé des responsables du gouvernement dans les capitales européennes pour avertir que l'équipement de Huawei ouvrirait une porte dérobée aux espions chinois.
Cependant, si la stratégie américaine contre le géant chinois a marché chez certains alliés comme l’Australie et la Nouvelle-Zélande, elle rencontre quelques difficultés en Europe où les États-Unis ont même menacé de mettre fin à l'échange de renseignements si l'Europe ignorait ses conseils. En effet, jusqu'à présent, aucun pays européen n'a interdit Huawei, selon un article de Bloomberg publié le mardi.
Moins d’un mois après l’appel des États-Unis à ses alliés de boycotter les équipements télécoms du chinois Huawei, l’Allemagne a exprimé son scepticisme concernant cette exhortation américaine, affirmant n'avoir trouvé aucune preuve que la société pourrait utiliser son équipement pour l’espionnage. Spiegel Arne Schoenbohm, chef de l'Office fédéral allemand de la sécurité de l'information (BSI) a déclaré que pour des décisions aussi sérieuses qu'une interdiction, il faut des preuves, ajoutant que son agence ne disposait pas de telles preuves. Il a fait également savoir que les experts du BSI avaient examiné les produits et composants Huawei du monde entier avant de se prononcer.
En février dernier, la Grande-Bretagne a emboité le pas à l’Allemagne en refusant de céder aux pressions des Etats-Unis pour bannir Huawei, en citant, elle aussi, l'absence d'élément de preuves d'espionnage. En effet, en parlant au nom de la Grande-Bretagne, Ciaran Martin, directeur du National Cyber Security Centre (NCSC), a affirmé qu’aucun élément de preuve susceptible de confirmer une quelconque activité malveillante de la part de l’entreprise technologique Huawei n’existe et qu’elle est en mesure de gérer les risques de sécurité liés à l’utilisation des équipements de télécommunications fournis par ladite entreprise.
Depuis l’année dernière, la Maison-Blanche a accentué ses pressions sur l’équipementier chinois. Si l’interdiction ne tient pas, Huawei est en lice pour des contrats de construction de réseaux téléphoniques 5G, la technologie sans fil ultra-rapide que les leaders européens espèrent pour alimenter la croissance d'une économie basée sur les données.
Selon Bloomberg, le chef espion du Royaume-Uni a déclaré qu'une interdiction de Huawei en Grande-Bretagne est peu probable, citant un manque d'alternatives viables pour améliorer les réseaux de télécommunications britanniques. Quant au gouvernement italien, il a refusé d’obéir aux conseils des États-Unis à un moment où le pays cherche à stimuler le commerce avec la Chine, selon Bloomberg. En Allemagne, qui vend des ondes 5G dans le cadre d'une vente aux enchères qui devrait rapporter jusqu'à 5 milliards d'euros (5,7 milliards de dollars), les autorités ont proposé des règles de sécurité plus strictes pour les réseaux de données plutôt que de faire blocage à Huawei. La France qui a examiné pendant longtemps l'idée de restrictions sur Huawei, a fini par opter pour le renforcement de ses règles de sécurité au lieu de bannir l’entreprise.
« Le déploiement de la 5G est l'un des projets technologiques les plus complexes et les plus coûteux jamais entrepris », a déclaré Paul Triolo, analyste chez Eurasia Group, une société de conseil en risques politiques. « Le défi pour l'Europe est de trouver un moyen de minimiser les risques de sécurité liés aux fournisseurs chinois, mais pas de retarder la 5G, qui est si importante pour la région. », a-t-il ajouté.
Lors d'une conférence qui s’est tenue mardi à Berlin, la chancelière allemande Angela Merkel s’est exprimée relativement aux conseils des Etats-Unis à ses alliés. « Il y a deux choses auxquelles je ne crois pas », a-t-elle déclaré. « D'abord, pour discuter publiquement de ces questions de sécurité très sensibles, et ensuite, pour exclure une société simplement parce qu'elle vient d'un certain pays. », a-t-elle ajouté.
Selon Bloomberg, ces gouvernements européens ont considéré ce qu’ont dit certaines compagnies de téléphone comme Vodafone Group Plc, Deutsche Telekom AG et Orange SA, qui ont averti que l’éviction de Huawei retarderait la mise en œuvre de la technologie 5G de plusieurs années et ajouterait des milliards d'euros en coûts. « Nous n'avons vu aucune preuve de portes dérobées dans le réseau », a déclaré Helen Lamprell, la meilleure avocate et lobbyiste en chef de Vodafone au Royaume-Uni, d’après le rapport de Bloomberg. « Si les Américains ont des preuves, qu'ils les mettent sur la table ».
Par ailleurs, lors d'une conférence de presse au Mobile World Congress à Barcelone en février dernier, le président de Vodafone, Nick Read, a déclaré qu'abandonner les équipements Huawei retarderait le déploiement de la 5G en Europe « de probablement deux ans ». Lors de l’événement, Huawei et Vodafone ont vanté leur partenariat commercial appuyé d’une démonstration 5G. La société britannique s'appuie sur les équipements de la société chinoise pour gérer bon nombre de ses réseaux, selon CNBC.
En février, les États-Unis ont envoyé des représentants à MWC Barcelona, le plus grand salon annuel de l'industrie, qui ont encore exhorté les dirigeants et les politiciens à éviter Huawei et ses pairs chinois. Et ce mois-ci, l'ambassadeur des États-Unis à Berlin a écrit une lettre au gouvernement allemand pour lui dire qu'il devrait laisser tomber Huawei ou risquer d'étouffer le partage des renseignements américains.
Huawei a commencé à réagir à la pression américaine. Le 18 février dernier, lors d’une interview accordée à BBC New, Ren Zhengfei, le fondateur de Huawei a déclaré qu’« Il n'y a aucun moyen pour que les Etats-Unis puissent nous écraser », a-t-il dit. « Le monde ne peut pas nous quitter parce que nous sommes plus avancés. Même s'ils persuadent d'autres pays de ne pas nous utiliser temporairement, on peut toujours réduire un peu les choses. », a-t-il ajouté. En début de mars, Huawei a intenté un procès contre le gouvernement américain qui alléguait que la société avait été injustement et incorrectement interdite comme une menace pour la sécurité.
Huawei pourrait toujours être sous le coup d’une probable interdiction en Europe
Toutefois, Huawei pourrait être toujours menacé par une probable interdiction. Selon Bloomberg, les tenants de la ligne dure au sein de la communauté du...
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