Les géants du numérique regroupés sous l’acronyme GAFA – Google, Apple, Facebook et Amazon – sont tellement devenus puissants au point de dicter « leurs lois aux partis politiques » dans des Etats, qu’ils suscitent l’inquiétude des politiciens. Pendant que des projets de lois se préparent à être adoptés pour contenir leurs modèles d’affaires, des voix se lèvent pour réclamer leur démantèlement. Après Elizabeth Warren, candidate démocrate aux élections présidentielles de 2020 aux Etats-Unis, qui a présenté son plan de démantèlement des géants du numérique la semaine dernière lors de sa campagne électorale, c’est le tour de Benoît Hamon, candidat aux élections européennes, de vouloir casser les GAFA.
Dans une interview accordée à RTL Matin le vendredi, Benoît Hamon, membre fondateur de la formation politique Génération.s, a livré l’une des propositions de son programme pour les élections européennes de cette année. L’homme politique français veut, lui aussi, mettre fin au pouvoir des géants du numérique qu’il juge « trop puissants ».
« Je pense que ces géants économiques sont si puissants qu’ils dictent leurs lois aux partis politiques », a-t-il dit, avant d’ajouter qu’une telle proposition n’a rien « d’incantatoire ». Penser une telle chose serait, explique le candidat, la preuve que nous ignorons ce que contient la loi. « Il y a un droit européen qui nous permet de démanteler les GAFA, c’est le droit de la concurrence », a ajouté M. Hamon. L'ex-membre du Parti socialiste qui se présentera aux élections européennes dans le cadre de sa propre formation politique, Generation.s, fait de cette proposition l'une des idées clés de son programme pour ces élections.
Par ailleurs, M. Hamon a approuvé que l’actuelle commissaire européenne à la concurrence, Margrethe Vestager, partage selon lui l’envie de « casser ces géants qui pèsent trop sur les États et le pouvoir politique ». « Dans ces domaines-là, il y a besoin d’action », a-t-il conclu sur le sujet.
En effet, Google a déjà versé à la Commission européenne environ 7 milliards de dollars en guise d’amendes pour violation des règles européennes. En juillet dernier, le géant américain avait été condamné à payer 4,3 milliards d'euros. Il était accusé d’utiliser Android pour renforcer injustement sa domination dans la recherche en ligne, au détriment de ses rivaux. Mais aussi, que ses relations avec certains des plus grands fabricants de téléphones au monde (des contrats leur imposant de préinstaller Google Search et Google Chrome s'ils veulent accéder à des services populaires de la société) entravent le choix des consommateurs et réduisent la concurrence.
Environ un an avant, la firme avait également été contrainte de verser 2,4 milliards d'euros pour avoir désavantagé ses concurrents dans ses résultats de recherche. « Ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d’un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l’innovation », avait déclaré, à l’époque, Margrethe Vestager.
Pas plus tard qu’hier, un article du Financial Times annonçait que Google risque de faire l’objet d’une nouvelle amende record allant jusqu’à 13 milliards de dollars conformément aux règles de la concurrence européenne, dans une affaire qui a commencé depuis 2016. Cette fois, la Commission reproche essentiellement trois choses au à Google, à savoir que Google obligeait les sites Web de tiers à ne pas s'approvisionner en publicités de recherche auprès de concurrents ; qu'il leur demandait de réserver les places les plus importantes dans ses pages de résultats de recherche aux annonces Google ; et que Google les obligeait à demander son approbation chaque fois qu'ils voulaient modifier l'affichage des annonces de recherche concurrentes.
Aux Etats-Unis, la sénatrice Elizabeth Warren s’est aussi insurgée contre le pouvoir des GAFA en proposant un plan de démantèlement qu’elle mettrait en exécution une fois qu’elle sera élue comme présidente des USA. « Trois entreprises détiennent de gigantesques pouvoirs sur notre économie et notre démocratie. Facebook, Amazon et Google. Nous les utilisons tous. Mais, dans leur ascension, ils ont détruit la compétition, utilisé nos données personnelles à leur profit et faussé en leur faveur les règles du jeu ». Selon elle, il est grand temps de s'attaquer à la domination croissante des plus grandes entreprises technologiques des États-Unis qui ne permettent pas aux petites et aux nouvelles entreprises de s’épanouir sur un marché déjà conditionné par leur influence.
Selon BFMTV, Benoît Hamon n’est pas à sa première fois de faire une telle proposition contre les GAFA. En 2017 déjà, il avait avancé l'idée de taxer davantage ces entreprises, estimant que les impôts versés en France étaient insuffisants au regard des profits réalisés sur le territoire.
D’ailleurs en France, un projet de taxation des géants du numérique, conduite par le ministre Bruno Le Maire s'est précisé 6 mars dernier. Le projet de loi a été présenté en Conseil des ministres. Selon la dernière rédaction du projet français de taxe sur les GAFA, 3 % des revenus tirés de trois types d'activité seront prélevés : les plateformes (comme Amazon), qui mettent en relation des acheteurs et des vendeurs puis prélèvent une commission sur la transaction, la publicité en ligne et la revente des données personnelles. Cette politique s'applique exclusivement aux entreprises dont le chiffre d'affaires s'élève à plus de 750 millions d'euros dans le monde et 25 millions en France. La taxe devrait procurer 500 millions d’euros par année à la France.
Les Etats-Unis sont contre cette taxe. D’après l’administration Trump, quelle que soit la manière dont elles sont présentées, la base théorique des taxes européennes sur les services numériques que certains pays membres de l’UE, notamment la France, veulent imposer aux grandes entreprises américaines de l’Internet est « mal conçue » et « extrêmement discriminatoire ». L’administration Trump envisage même de saisir l’Organisation mondiale du commerce (OMC) en représailles afin de protéger les intérêts de ces entreprises technologiques.
Toutefois, certains acteurs du numérique – les cofondateurs d'Instagram – ne sont pas pour le démantèlement des GAFA, car pour eux, ce n'est pas la bonne manœuvre. « Nous vivons à une époque où la colère contre les grandes technologies a été multipliée par dix », a déclaré Systrom, l'ancien PDG d'Instagram. « Maintenant, que ce soit parce que les prix de l'immobilier dans votre quartier ont augmenté, ou parce que vous n'aimez pas l'ingérence de la Russie lors des élections, peu importe, il existe une longue liste de raisons pour lesquelles les gens sont en colère contre la technologie. Je pense que certaines sont bien fondées. Mais cela ne veut pas dire que la solution est de démanteler toutes les entreprises ».
Source : Interview RTL, BFMTV
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Benoît Hamon veut, lui aussi, « démanteler les GAFA »,
Parce qu'ils « pèsent trop sur les États et le pouvoir politique »
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Le , par Stan Adkens
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