La proposition de directive sur le droit d'auteur avance à grands pas. Cette semaine, l’UE va demander aux États membres de voter sur la position du Conseil avant la négociation finale. Par la suite, des négociations en trilogue sont prévues entre le Parlement et le Conseil pour qu’enfin, le vote final aura lieu pour instaurer cette réforme drastique du droit d’auteur dans les 28 États de l’union.
L’approche alarmante de la finalisation de cette loi a poussé l’EFF (Electronic Frontier Foundation) a réagir une troisième fois. L’ONG basée à San Francisco a encore tiré la sonnette d’alarme concernant la directive avec ses deux articles controversés : l’article 11 et l’article 13.
« Alors que la majorité des règles de la nouvelle directive constituent des changements inoffensifs du droit d'auteur européen, deux parties de la directive représentent une grave menace pour l'internet mondial », a écrit l’EFF.
En effet, deux articles dans le texte de l’UE ont provoqué pas mal de remous. Le premier, l’article 11, traite du droit de reproduction des publications de presse et de les rendre accessibles au public. Le second, l’article 13, préconise d’obliger les services d’hébergement d’œuvres à surveiller les téléversements (upload) de leurs utilisateurs, en mettant en place par exemple des technologies de filtrage de contenus.
L’article 11 propose de créer un droit voisin (d’une durée de 20 ans) pour les éditeurs de publications de presse. Il leur permettrait donc d'être rémunérés lorsqu'une partie de leur contenu est reprise dans des services d’agrégation d'actualités tels que Google News. L’EFF pense que cet article définit de façon floue les termes « publications de presse », « plateformes commerciales » et « liens » (repris par les plateformes), ce qui ouvre la voie à la création de 28 régimes de licences mutuellement exclusifs et contradictoires, estime l’ONG. Cette règle concerne même les sites non commerciaux et Creative Commons qui eux aussi ne peuvent pas renoncer à ce droit (linking right).
En ce qui concerne l’article 13, il « comprenait un mandat explicite de développer des "filtres" qui examineraient chaque publication publiée sur les médias sociaux par tout le monde et vérifieraient si elle correspondait aux entrées d'une base de données ouverte, alimentée par la foule, de documents censés être protégés par des droits d'auteur », a écrit l’EFF. « Dans sa forme actuelle, la règle stipule que les filtres "doivent être évités", mais n'explique pas comment des milliards de publications sur les médias sociaux, les vidéos, les fichiers audio et les blogs doivent être surveillés sans un système de filtrage automatique. »
Concernant ce point, la PDG de YouTube a informé en novembre que la mise en œuvre de l’article 13 est financièrement impossible. Selon elle, même YouTube qui a déjà investi plus de 100 millions de dollars dans son système d’identification du contenu serait incapable de respecter les réglementations suggérées.
Une fois encore, l’EFF met en garde contre l’application de ces deux règles qui auraient des implications désastreuses sur la liberté d’expression en ligne. À dire vrai, l’ONG estime que la réforme va doter les grands groupes de presse en Europe du « pouvoir de décider qui peut discuter et critiquer leurs reportages, et subvertir le journalisme d'intérêt public et dont l'accès libre. »
Pour une énième fois, l’EFF a rappelé aux citoyens européens que leur voix compte afin de contrecarrer le vote de cette réforme, qui devrait décider « si oui ou non l’Europe devient un exportateur mondial de censure et de surveillance. »
« Votre voix compte : lorsque vous communiquez avec vos ministres, vous parlez en tant que citoyen à un autre citoyen, dans un contexte national, de questions importantes pour vous et vos voisins. Votre gouvernement national dépend de votre bonne volonté pour obtenir les suffrages nécessaires à la poursuite de son mandat. Il s'agit d'un moment rare dans l'élaboration de la législation européenne où les liens locaux des citoyens comptent plus que les entreprises internationales bien financées. »
L’EFF a appelé les internautes à contacter leurs ministres pour les informer de leur préoccupation autour des articles 11 et 13.
L’EFF n’est pas la seule organisation qui a dénoncé la réforme du droit d’auteur. Avant même son premier vote, des sommités dont Vint Cerf et Tim Berners-Lee se sont mobilisées contre le filtrage automatique des téléchargements en Europe. De même, Mozilla est montée au créneau contre la proposition européenne.
Des internautes ont noté que cette directive pourrait avoir d’autres effets néfastes sur l’innovation, notamment l’entrée de nouveaux acteurs sur le marché. « Toute réglementation est une barrière à l'entrée. Plus la réglementation est compliquée, plus elle est mauvaise pour la concurrence, » a écrit un internaute.
En France, la directive est soutenue par la SACEM et la SACD, les créateurs estimant qu’ils ont le droit de vivre de leurs œuvres. La Quadrature du net pour sa part estime que ce texte ne met pas en péril internet puisqu’il s’applique juste aux « plateformes centralisées et lucratives ».
Source : eff
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Le , par Coriolan
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