En octobre dernier, Susan Wojcicki, la CEO de YouTube est monté au créneau pour appeler les créateurs de vidéos à protester contre l'article 13 de la directive Copyright qui, selon elle, menace des milliers d'emplois. Elle a, en effet, mis en garde les réalisateurs de vidéos contre la directive et les a exhorté à protester vivement contre la réglementation : s’appesantissant tout particulièrement sur l’article 13, elle explique aux réalisateurs de vidéos dans un billet de blog que « cette législation menace à la fois leur gagne-pain et leur capacité à partager leur voix avec le monde ». « L'article 13 menace des centaines de milliers d'emplois, de créateurs européens, d'entreprises, d'artistes et tous leurs employés. La proposition forcera les plateformes, comme YouTube, à donner la priorité au contenu d’un petit nombre de grandes entreprises. Le fardeau de la preuve du droit d'auteur sera trop lourd pour la plupart des créateurs indépendants », disait-elle.
Rappelons que le 12 septembre dernier, les eurodéputés ont voté en faveur de la directive réformant le droit d’auteur à l’heure du numérique. En ce qui concerne article 13, les parlementaires ont légèrement atténué celui-ci qui prévoyait notamment que, faute d’un accord entre ayants droit et grandes plateformes (Facebook, YouTube, Twitter…), ces dernières devraient mettre en place des mécanismes de filtrage automatique des contenus postés par les internautes, afin qu’ils ne contreviennent pas au droit d’auteur. Le texte précise désormais que le « blocage automatique (de contenus) doit être évité » au maximum, et introduit davantage de garanties pour éviter les risques de suppressions injustifiées de contenus. Les blocages automatiques figuraient parmi les principales objections des adversaires de la directive, qui soulignaient les risques de censure inhérents à ce type de mécanismes.
Dans un billet de blog, Susan Wojcicki remonte au créneau pour s'exprimer à propos de la directive européenne sur le droit d'auteur. Elle dit qu'il est impossible pour une plateforme comme YouTube de respecter les réglementations suggérées. Elle déclare que YouTube n'a pas les capacités techniques ou financières pour appliquer le type de restriction du droit d'auteur que l'Union européenne recherche. « L'approche du parlement est irréaliste dans de nombreux cas, car les titulaires de droits d'auteur ne sont souvent pas d'accord sur qui détient quels droits. Si les propriétaires ne peuvent s'entendre, il est impossible d'espérer que les plateformes ouvertes hébergeant ce contenu prennent les bonnes décisions en matière de droits », a-t-elle annoncé.
Pour s'expliquer, elle a pris l'exemple de « Despacito », la vidéo la plus regardée sur YouTube. « Cette vidéo contient plusieurs droits d'auteur, allant de l'enregistrement sonore aux droits de publication. Bien que YouTube ait passé des accords avec plusieurs entités en vue de la licence et du paiement de la vidéo, certains détenteurs de droits restent inconnus. Cette incertitude signifie que nous pourrions devoir bloquer de telles vidéos pour éviter toute responsabilité au titre de l'article 13. Multipliez ce risque par la taille de YouTube, où plus de 400 heures de vidéo sont téléchargées chaque minute et le passif potentiel pourrait être si important qu'aucune entreprise pourrait prendre un tel risque financier », dit-elle.
Depuis son lancement en octobre 2007, YouTube a investi plus de 100 millions de dollars dans son système d’identification du contenu. Wojcicki le considère toujours comme le meilleur moyen de détecter les violations du droit d’auteur et de veiller à ce que les titulaires de droits d’auteur soient payés lorsque leur contenu est utilisé. Elle pense aussi que le Content ID est la solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale. YouTube a « déjà pris des mesures pour lutter contre la violation du droit d'auteur en développant une technologie, telle que notre programme Content ID, afin d'aider les titulaires de droits à gérer leurs droits d'auteur et à gagner de l'argent automatiquement. Plus de 98 % des droits d'auteur sur YouTube sont gérés via Content ID. À ce jour, nous avons utilisé le système pour verser aux titulaires de droits plus de 2,5 milliards d'euros pour l'utilisation de leur contenu par des tiers. Nous pensons que Content ID constitue la meilleure solution pour gérer les droits à l'échelle mondiale », a-t-elle déclaré.
Pour elle, les conséquences de l'article 13 vont même au-delà des pertes financières. « Les résidents de l'UE risquent d'être coupés de vidéos qui, au cours du mois dernier, ont été visionnés plus de 90 milliards de fois. Ces vidéos proviennent du monde entier, y compris de plus de 35 millions de chaînes de l’UE, et comprennent des cours de langue, des tutoriels scientifiques et des vidéos de musique », dit-elle. Toutefois, elle se réjouit à l'idée de travailler avec les décideurs et les plateformes pour développer une solution au sein de l'article 13 qui protège les titulaires de droits tout en permettant à l'économie créative de prospérer. « Cela pourrait inclure des accords de licence plus complets, une collaboration avec les détenteurs de droits pour identifier qui possède quoi et une technologie intelligente de gestion des droits, similaire à Content ID », propose-t-elle.
Elle conclut en disant que « les plateformes qui respectent ces règles et s'efforcent d'aider les détenteurs de droits à identifier leur contenu ne doivent pas être tenues pour responsables de chaque élément de contenu téléchargé par un utilisateur ». Elle exhorte les décideurs politiques à trouver une solution qui protège à la fois les titulaires de droits et les créateurs, et d'écouter le nombre croissant de voix de l'UE, y compris de certains pays membres, qui s'accordent à dire qu'il existe une meilleure voie à suivre ». En effet, Susan Wojcicki n'est pas la seule à protester contre l'article 13 de la directive. La fondation Mozilla estime que le filtrage automatique de contenu et les dispositions relatives aux droits d’auteur figurant à l’article 13 sont impraticables pour les sociétés de logiciels open source, dont elle fait partie, et l’écosystème open source en général. Le filtrage automatique concerne en effet toutes les formes de contenu protégé par le droit d'auteur, y compris les logiciels. Le coût et le risque juridique associés à ces nouvelles règles vont donc pousser les petits développeurs de logiciels open source hors de l’Europe et menacer les plateformes de partage de code dont ils dépendent pour innover.
Le mois dernier, l'EFF a appelé les internautes européens à suivre l'exemple italien et faire entendre leurs voix à propos des articles 11 et 13. En juillet dernier, l’Italie s'est montré en faveur de l'élimination complète des articles 11 et 13. Après les démarches entreprises par les internautes Italiens qui ont fait part de leurs inquiétudes à leur gouvernement concernant ces directives, le ministre du Travail et du Développement économique, Luigi Di Maio, a publiquement fait part de ses préoccupations face aux propositions : « Nous allons nous opposer à la réforme de toute notre force, à commencer par le Parlement européen », ajoutant que « nous souhaitons également ne pas la mettre en œuvre », si la directive reste telle quelle.
Source : Billet de blog
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Selon la CEO de YouTube
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Le , par Bill Fassinou
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