Après plusieurs mois de discussion, en mars dernier, la Commission européenne a fini par publier sa proposition de taxation des géants du numérique, qui vise à répondre aux pratiques d’optimisation fiscale dont sont accusées des entreprises comme Google, Apple, Facebook ou Amazon. Bruxelles a proposé une taxe de 3 % qui « s'appliquera aux produits générés par des activités [numériques] où les utilisateurs jouent un rôle majeur dans la création de valeurs et qui sont les plus difficiles à prendre en compte par les règles fiscales actuelles. » Parmi ces activités, la Commission a cité : la vente d'espaces publicitaires en ligne ; les activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d'interagir avec d'autres utilisateurs et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux ; et la vente de données générées à partir des informations fournies par les utilisateurs.
La taxe ne s'appliquera qu'aux entreprises dont le chiffre d'affaires brut annuel atteint au moins 750 millions € au niveau mondial et 50 millions € dans l'UE. Précisons qu'elle ne cible pas uniquement les géants américains, mais toutes les entreprises du numérique qui entrent dans ces critères, y compris les grands groupes asiatiques. Ces seuils de déclenchement ont été également choisis afin d'épargner les jeunes pousses et les entreprises en expansion de petite taille. Avec cela, l'UE estime à 5 milliards € les recettes qui pourraient être réalisées par an pour les États membres si la taxe est appliquée à un taux de 3 %.
Il s’agit toutefois d’une taxe provisoire pour permettre aux activités qui ne sont pas correctement taxées (ou pas du tout taxées) de commencer à générer immédiatement des recettes pour les États membres, le temps de mettre en place un nouveau régime fiscal pour les entreprises du numérique. Pour l'UE, cela permettrait aussi d'éviter que des mesures unilatérales soient prises pour taxer les activités numériques dans certains États membres, ce qui pourrait entraîner une multiplicité de réponses nationales, préjudiciables pour le marché unique.
Mais depuis lors, les pays de l'UE n'ont pu ni valider la proposition de la Commission ni aboutir à un accord qui satisfait tout le monde. L'adoption du projet nécessite en effet l’unanimité des 28 pays de l’Union ; or le projet suscite depuis le début l’opposition de plusieurs pays qui craignent de perdre des recettes fiscales, comme l’Irlande, ou qui redoutent des représailles des États-Unis, comme l’Allemagne et les pays scandinaves.
Vendredi dernier, le projet de taxation des GAFA s'est encore heurté à la réticence de certains pays. Une nouvelle proposition de compromis sur la création de cette taxe commune visant les géants du numérique a en effet été rejetée par plusieurs pays de l'Union européenne. Ce qui risque de compromettre l'adoption d’un texte définitif avant la fin de l’année, lors de la réunion des ministres des Finances prévue le mardi 4 décembre.
Outre l’Irlande, la Suède, le Danemark et la Finlande restent opposés à la taxe tandis que l’Allemagne, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne souhaitent un délai supplémentaire. « Nous sommes proches du but, mais il faudra quelques semaines ou quelques mois de plus pour y parvenir », a reconnu un représentant du ministère français des Finances.
Mais dans une nouvelle tentative de convaincre les autres pays, Paris et Berlin veulent limiter la portée du projet de taxation des géants du numérique à leurs revenus publicitaires. Les deux pays tenteront de s'accorder sur un texte à soumettre aux autres pays de l'UE lors de la réunion des ministres des Finances mardi à Bruxelles pour discuter d'une taxe numérique.
« Ce qui compte pour la France, c'est qu'il existe un instrument juridiquement contraignant qui puisse être adopté le plus rapidement possible », a déclaré lundi le ministre français des Finances, Bruno Le Maire. « Si nous pouvons parvenir à un accord entre la France et l'Allemagne dans les prochaines heures ... ce sera un premier pas », a-t-il ajouté.
D'après Reuters, la nouvelle proposition franco-allemande imposera toujours une taxe de 3 %, mais sera axée sur les revenus publicitaires. Elle ne couvrirait plus les ventes de données ou les activités intermédiaires numériques qui permettent aux utilisateurs d'interagir avec d'autres utilisateurs et qui facilitent la vente de biens et de services entre eux. Facebook et Google, qui sont les plus grandes entreprises de publicité en ligne, sont donc les principales cibles.
Source : Reuters
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Le , par Michael Guilloux
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