Nos confrères indiquent que non seulement, les bogues sont légion mais, pour certains, il n’y a « a priori pas de possibilité de s’en prémunir ». Cette dernière affirmation proviendrait d’ailleurs de la note technique de 30 pages que le Parisien assure avoir consultée. Pourtant, « la période pilote était justement destinée à détecter des bugs éventuels et à les résoudre en amont, rappelle un haut fonctionnaire de Bercy. Le hic : alors qu’elle se termine, les anomalies sont toujours massives et apparaissent de façon complètement aléatoire ».
Concernant le prélèvement de l’impôt à la source (PAS), la fréquence et le nombre d’anomalies constatées lors des tests varient du tout au tout d’un mois à l’autre, selon ladite note. Peu nombreuses certains mois, elles ont dépassé les 350 000 en février.
Selon une experte citée par nos confrères, qui dit ne pas savoir « mesurer l’ampleur du phénomène », « chaque anomalie peut concerner des milliers de contribuables, voire plus ». L’une des catégories de bogues concerne les doublons financiers (erreur sur le montant) avec des prélèvements effectués deux, trois ou quatre fois. Ils évoquent aussi les doublons nominatifs (erreur sur le nom), qui sont les plus nombreux selon la note de la DGFiP, pouvant conduire à faire payer deux fois l’impôt à certains contribuables, le leur et celui d’un homonyme.
« Depuis un an, d’un mois sur l’autre, les tests sont tantôt parfaits, tantôt désastreux, confirme un haut fonctionnaire. Lancer le prélèvement à la source dans ces conditions, c’est jouer à la roulette russe. Peut-être qu’en janvier, tout ira bien, mais qu’en février ce sera la panique .» Dans le document, la DGFiP évoque un scénario cauchemardesque baptisé « l’effet marée noire » qui verrait le fisc contraint de rembourser en catastrophe des centaines de milliers de contribuables.
Soulagement, en juin, toutes les anomalies avaient été corrigées. Mais le répit du fisc aura été de courte durée. Selon les informations du Parisien, en juillet et en août (soit 4 mois avant l’entrée en vigueur de la mesure) le problème est réapparu.
À la suite de cette révélation, Gérald Darmanin et Bruno Lemaire, ministre de l’Economie et des Finance, se sont montrés moins affirmatifs sur le calendrier du prélèvement à la source. Sur France Inter, le premier a évoqué pour la première fois la possibilité d’un arrêt du projet. Quant au second, il a déclaré sur BFM Politique qu’il souhaitait que le calendrier soit tenu « sous réserve que nous ayons les garanties techniques ». Tout en rappelant que la décision politique n'appartenait qu'au Président de la République et au Premier Ministre.
Comment en est-on arrivé là ?
Selon le Parisien, alors que Bercy a mobilisé un grand nombre de ses 5000 informaticiens et recruté l’an dernier 500 prestataires pour ce seul projet, les employeurs et les nouveaux collecteurs d’impôt ne sont pas prêts. Ils reçoivent correctement de Bercy le taux à appliquer au contribuable (celui choisi lors de votre déclaration de revenus), mais les déclarations sociales nominatives (DNS) qu’ils renvoient au fisc regorgent d’erreurs ou arrivent plusieurs fois.
« Certaines entreprises, les plus grandes, maîtrisent la manipulation, concède une experte à Bercy. Mais d’autres pas du tout. On voit bien que beaucoup n’ont pas fait leurs mises à jour de logiciel, par exemple ».
« La plupart du temps, on a un problème de désynchronisation de base », avance une technicienne. Schématiquement, la base de données nominative, envoyée par les employeurs ou le ministère des Solidarités et de la Santé (également dans la boucle), se superpose mal avec celle du fisc. D’où les couacs et les doublons en rafales.
La réponse de la DGFiP
Dans un communiqué publié hier, la DGFiP a confirmé que les tests effectués permettent la mise en œuvre du prélèvement à la source dans de bonnes conditions techniques. Les informations qui circulent actuellement dans la presse sur des travaux techniques effectués en phase pilote du PAS, c’est à dire « à blanc », l’ont conduit à apporter les précisions suivantes :
- Depuis un an des tests approfondis, portant sur des dizaines de millions de cas, sont conduits en vue de s’assurer de la robustesse du dispositif. Il implique de nombreux partenaires, privés et publics. A cette occasion des dysfonctionnements peuvent être décelés, c’est d’ailleurs le but poursuivi, et des procédures de correction sont élaborées. Leur mise en œuvre est déjà effective ou planifiée d’ici la fin de l’année. Ces travaux sont tout à fait classiques en matière informatique comme peuvent d’ailleurs le confirmer les parties prenantes à ces opérations et en particulier les éditeurs de logiciels de paie. Le report d’un an de l’entrée en vigueur de la réforme décidée par le gouvernement a justement permis de mener à bien ces tests qui permettent d’identifier et de corriger des erreurs avant qu’elles ne se produisent.
- Ces tests n’ont jamais révélé de situations qui ne pourraient être résolues avant le lancement de la réforme. Ils ont, au contraire, permis d’améliorer encore le dispositif, notamment certains contrôles. Ces tests ont permis d'identifier les doublons cités dans la presse et de déterminer comment les traiter pour éviter qu'ils se reproduisent. Contrairement à ce qui est relayé, il est impossible que ces doublons conduisent à un double prélèvement des contribuables.
- C’est en raison du bilan positif fait à l’issue des tests qu'a été confirmée la faisabilité de la mise en œuvre du PAS en janvier 2019.
La DGFiP conclu en disant que la transmission des taux aux employeurs afin de préfigurer le prélèvement à la source sur les bulletins de salaires, pour ceux qui le souhaitent, est prête pour être effectuée à la mi septembre, comme prévu.
Source : Le Parisien, communiqué de la DGFiP en PJ (au format PDF)
Et vous ?
Pensez-vous que le projet du prélèvement de l'impôt à la source est techniquement prêt ?
Nous dirigeons nous vers un nouveau dysfonctionnement à la « Louvois » (le logiciel de paie de l’armée) ?
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