Ces dernières années, une panoplie d’études ont été publiées sur la question du risque de disparition d’emplois à cause de l’automatisation. En raison du développement rapide de la technologie, de l’IA surtout, de plus en plus d’économistes ont commencé à intéresser à l’impact de l’automatisation sur l’emploi.
Parmi les études de référence, on trouve celle de Carl Benedikt Frey et Michael Osborne de l’université d’Oxford. En 2013, ces deux chercheurs se sont intéressés à la façon dont les emplois seraient susceptibles d’être informatisés. Pour leur évaluation, ils ont développé une méthodologie afin d’estimer la probabilité d'informatisation pour 702 professions détaillées, en utilisant un classificateur de processus gaussien. C’est sur la base de ces estimations qu’ils ont examiné les prévisions d’impacts de l'informatisation future sur les résultats du marché du travail des États-Unis, dans le but principal d'analyser le nombre d'emplois à risque et la relation entre la probabilité d'informatisation d'une profession, les salaires et le niveau de scolarité. Selon leurs estimations, environ 47 % du marché de l'emploi total des États-Unis est à risque. Ils ont tenté d’apporter des éléments de preuves montrant que les salaires et le niveau de scolarité présentent une forte relation négative avec une probabilité d'informatisation d'une profession.
Une autre étude plus récente cette fois a trouvé que dans les 32 pays de l’OCDE, 14 % des jobs sont hautement vulnérables avec au moins 70 % de chances d’être automatisés. Une autre 32 % est moins menacée avec une probabilité oscillant entre 50 % et 70 %. Si l’on prend en considération les taux actuels d’emploi, cette étude met 210 millions de jobs en risque de disparaître.
Les études alarmantes de ce genre ne manquent pas à tel point que certains économistes ont commencé à se demander si on n’est pas en train d’accorder beaucoup trop de temps à chercher le pourcentage des emplois susceptibles de disparaitre au lieu d’apporter des solutions réelles au problème. C’est en tout cas la conclusion d’un nouveau document publié par un think tank américain (Center dor Global Developement) sur les effets potentiels de la robotique et l’IA sur le marché global de l’emploi.
Les auteurs du document Lukas Schlogl et Andy Sumner estiment qu’il est impossible de savoir exactement combien de jobs seront détruits ou bien entravés par une nouvelle technologie. Mais une chose est sûre, ils sont certains qu’il y aura des effets significatifs sur l’emploi, surtout dans les pays en voie de développement où prédominent surtout des emplois qui ne requièrent pas un haut niveau de qualification (travail dans les usines ou l’agriculture). Cela nous rappelle le rapport accablant de la Banque Mondiale qui a montré que les employés des pays en développement seront les plus affectés par la robotisation, car deux tiers des emplois dans les pays émergents seront automatisés et vont disparaitre, néanmoins on ne connait pas le rythme de ce changement qui dépend en premier lieu des avancées technologiques. De plus, le rapport indique que les pays émergents seront les plus touchés par la robotisation, puisque les emplois concernés ont déjà été éliminés dans les pays développés.
Devrait-on craindre une Robocalypse à l’horizon ? Schlogl et Sumner estiment que malgré les effets attendus de l’automatisation sur les nations, on ne devrait pas craindre un effet de chômage de masse. Ce qu’on devrait plutôt craindre, c’est la stagnation des salaires et la disparition des emplois stables de la classe moyenne. En d’autres termes, il y aura toujours du travail pour tout le monde, mais il va consister de plus en plus en des professions ou les branches d’activités à faible salaire. De plus, les salariés seront dépourvus des avantages sociaux comme les congés payés, l’assurance maladie ou encore les pensions. D’un autre côté, un petit nombre d’individus riches va continuer à concentrer les richesses et les bénéfices en grande partie grâce à la productivité accrue favorisée par la technologie.
Avec le déclin de la sécurité de l’emploi et du standard de vie de beaucoup de gens, il faudrait s’attendre un mécontentement populaire. Les mutations technologiques récentes ont affecté négativement les emplois de certaines couches de la population et beaucoup de gens se sont sentis désavantagés. Certains décideurs et économistes estiment que c’est ce sentiment qui a nourri le populisme politique qui a contribué au Brexit ainsi qu’à l’élection du président Donald Trump. Aux États-Unis, certains suggèrent que l’impact de l’automatisation s’est déjà fait sentir dans certaines villes où le risque de disparition ou précarisation de l’emploi pousse les gens à voter pour le parti républicain.
Pour surmonter les défis de l’automatisation, Schlogl et Sumner proposent une série de solutions à implémenter, mais restent sceptiques quant à leur efficacité. Parmi les mesures envisagées : taxer les biens manufacturés par des robots (ou bien taxer les robots eux-mêmes) et introduire des régulations qui rendent difficile l’automatisation des jobs actuels. Toutefois, les deux chercheurs rappellent qu’il sera difficile de mettre en application ces mesures dans « une économie ouverte », car si l’automatisation va favoriser la production de biens et services à moindre prix, les consommateurs vont tout simplement aller les chercher en dehors de la zone où les régulations sont en place.
Une autre solution est de réduire le coût du travail humain (abaisser les salaires, supprimer les avantages sociaux …), mais Schlogl et Sumner ne sont pas sûrs à quel point cette mesure peut être appliquée et si elle est politiquement désirable et faisable ; une autre façon de dire à quel point « vous pouvez faire souffrir les gens avant qu’ils ne se révoltent dans les rues. »
Schlogl et Sumner sont convaincus que ces premières solutions sont « quasi-luddites ». Pour cette raison, ils proposent une autre catégorie de solutions pour pallier les effets de l’automatisation : réorienter la formation des employés dont les jobs sont menacés ou carrément assurer un revenu universel de base à ceux affectés.
Des solutions applicables certes, mais dont les coûts sont énormes sachant que l’on ne connait pas encore quelles nouvelles compétences vont résister à l’automatisation pour justifier la mise en place de programmes coûteux de requalification. De plus, dans les pays en voie de développement, il sera plus difficile d’envisager cette mesure à cause du manque d’infrastructure de formation. Tandis qu’un revenu universel de base sera quasiment non applicable dans ces pays.
Les chercheurs concluent que la recherche ne couvre toujours pas les solutions politiques et économiques envisageables pour ce qui pourrait être le problème le plus grave auquel fait face l’humanité pendant ce siècle. Notre civilisation a été bâtie sous la notion qui dit que si vous ne travaillez pas, vous ne pouvez pas vous nourrir. Or, bientôt il n’y aura plus de travail ou bien il sera plus précaire.
Lors des révolutions industrielles précédentes, le luddisme n’a pas toujours été une insulte, il a représenté un mouvement apparu en réponse à la perte de l’emploi causée par de nouvelles technologies, des pertes qui n’ont été compensées que plusieurs décennies plus tard.
Schlogl et Sumner reconnaissent ce qui pourrait être une crise globale majeure et proposent leur propre solution : « à long terme, aussi dystopique que cela peut paraitre aujourd’hui, il y a des raisons morales pour instaurer un cadre global de redistribution financé par les profits tirés de pays riches. » Une solution qui devra rendre furieux les mouvements antimondialistes ; mais d'un point de vue politique, les deux chercheurs rassurent qu’eux-mêmes ne savent pas comment un tel cadre pourra être appliqué.
Source : cgdev
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Pensez-vous que des mesures (comme le revenu universel de base) sont nécessaires pour limiter les dégâts ?
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Le , par Coriolan
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