Le secrétaire du Trésor américain Steve Mnuchin a informé qu’il n’est pas préoccupé par le fait que l’intelligence artificielle va remplacer les employés humains, et que ce scénario n’est pas prêt à avoir lieu avant 50 ou 100 ans. En réalité, les rapports récents montrent que ce scénario a déjà commencé. Selon une étude de PwC, 38 % des emplois aux États-Unis sont menacés de disparaitre avant 2030 en raison du recours de plus en plus accru aux machines. Une autre étude de l’Université d’Oxford cette fois a trouvé des résultats similaires : les chercheurs estiment que l'IA pourrait faire disparaitre 47 % des emplois aux États-Unis durant les deux prochaines décennies et accentuer davantage l'inégalité des revenus durant les deux prochaines décennies.
Si la robotisation et l’ascension de l’IA sont devenues des sujets d’actualité en Occident, ce sont plutôt les pays émergents qui pourraient être les plus affectés par la quatrième révolution industrielle ou « l’industrie 4.0, » où les machines sont regroupées en réseau dans des « usines intelligentes » qui n’ont besoin que d’une intervention minime des humains.
Cette réalité est devenue évidente en Chine, dont l’économie a connu un essor considérable ces 20 dernières années grâce à l’afflux des capitaux et des investissements directs étrangers, et les entreprises occidentales qui ont transféré leur activité manufacturière là-bas. Les usines chinoises se tournent désormais vers des machines intelligentes pour remplacer les employés humains. Récemment, nous avons rapporté le cas de l’usine chinoise qui a déjà remplacé deux tiers de son personnel par des robots, ce qui a permis d’augmenter la productivité de 250 %. L’entreprise ravie par les résultats de sa démarche compte désormais remplacer 90 % de ses employés par des robots dans les années à venir. Foxconn, un géant chinois de l’assemblage et la fabrication d’appareils électroniques, a récemment remplacé 60 000 employés par des robots dans une seule usine. Ces exemples, loin d’être de simples anecdotes, témoignent de l’ampleur du phénomène en Chine. Le pays devrait dépasser les États-Unis et l’Allemagne l’année prochaine en termes du nombre de robots industriels utilisés dans le pays.
Alors que le nombre de jobs en industrie manufacturière diminue de plus en plus, beaucoup ont peur que la robotisation aille conduire à une vague de chômage de masse. Cette crainte peut être tout à fait raisonnable si on reconnait que la Chine emploie plus de 100 millions ouvriers dans le secteur industriel (un quart de la production globale).
Un rapport de la Banque mondiale a trouvé que deux tiers des emplois dans les pays émergents seront automatisés et vont disparaitre, néanmoins on ne connait pas le rythme de ce changement qui dépend en premier lieu des avancées technologiques. De plus, le rapport indique que les pays émergents seront les plus touchés par la robotisation, puisque les emplois concernés sont déjà disparus dans les pays développés.
La question qu’on se pose désormais, si cette tendance d’usines robotisées et connectées en réseau va continuer, à quoi faut-il s'attendre ?
Durant les années 80, les entreprises manufacturières aux États unis et en Europe en quête de main-d'œuvre bon marché ont commencé à délocaliser leurs usines dans les pays en voie de développement. Cette pratique appelée communément offshoring a eu des effets immédiats sur le taux de l’emploi de l’industrie qui a chuté drastiquement entre les années 80 et aujourd’hui. Cette nouvelle mondialisation a été suivie par ce que les économistes appellent la désindustrialisation, c’est-à-dire la période de transition d’un pays d’une économie basée sur l’industrie à une économie de services.
Pour les pays en voie de développement, ce processus a constitué une opportunité pour la création de richesse, à l’image de l’incroyable boom économique qu’ont connu la Chine et une poignée de pays asiatiques. Les études ont montré qu’au fur et à mesure que les salaires augmentent, la demande des biens s’accroit de façon disproportionnée à la demande de services. En d’autres termes, la désindustrialisation et le passage à une économie de services ont constitué une étape naturelle de tout pays industrialisé.
Le problème c’est que la désindustrialisation qui commence à toucher les pays émergents n’est pas liée à la délocalisation, comme il a été le cas dans les pays développés, mais en raison des avancées en robotique et l'entreprise réseau. En effet, les firmes ne cherchent plus à transférer leur activité vers d’autres pays pour bénéficier d’une main-d’œuvre bon marché.
Les pays comme les États-Unis ont eu l’opportunité de s’industrialiser avant le début du processus de désindustrialisation, contrairement aux pays émergents comme la Chine qui n’ont pas eu le temps d’atteindre cette maturité. Cette désindustrialisation prématurée dans les pays émergents veut dire que les salaires n’ont pas eu le temps d’atteindre les niveaux des salaires aux États-Unis et l’Europe de l’Ouest, à cause notamment de la transition rapide vers une économie de services. En d’autres termes, les salaires bas dans les pays émergents n’aideront pas à créer une force consommatrice capable de soutenir une production établie grâce à la robotisation (industrie 4.0).
De plus, l’émergence de nouvelles formes de travail et de dépenses (ubérisation et économies de partage) a radicalement changé la nature de l’économie de services ; cette dernière n’est donc plus perçue comme une alternative sûre. Les phénomènes comme Uber ont certainement eu un impact très fort sur le secteur de services, mais ils n’ont pas eu l’effet positif de créer de l’emploi et certainement pas l’augmentation de salaire, a expliqué Jörg Mayer, économiste à l’ONU.
« Dans les secteurs où vous avez l’ubérisation, la situation est précaire. Vous n’êtes payés que pour le temps où vous travaillez réellement et les salaires sont vraiment bas. Et puis, vous avez les problèmes de la couverture sociale, l’assurance travail, etc. », a ajouté Mayer. Et cela sans prendre en compte l’objectif d’Uber de recourir à une flotte de voitures autonomes dans le futur.
La quatrième révolution industrielle vient à peine de commencer, ce qui veut dire qu’il n’existe pas assez de données pour faire des prévisions sur le futur, et savoir comment la robotisation en réseau va affecter l’emploi dans le secteur de l’industrie. De plus, la révolution de l’industrie 4.0 va aussi créer des emplois. Mais malheureusement, ces nouveaux jobs ne seront pas suffisants pour remplacer le nombre d’emplois moins qualifiés perdus en raison de la robotisation, et se concentreront principalement sur les métiers hautement qualifiés.
En l’absence de taxes sur les robots, les pays en voie de développement devront adopter la révolution du numérique, en repensant leur système d’éducation afin de créer les talents managériaux et les compétences nécessaires pour exploiter les nouvelles technologies, explique le rapport.
Cependant, beaucoup d’économistes ne sont pas optimistes ; un rapport de Davos a indiqué que la quatrième révolution industrielle va détruire près de 5 millions d’emplois dans 15 pays industrialisés et émergents avant 2020. Mais les participants à Davos comme la chancelière allemande Angela Merkel ont noté qu’il n’y a aucune raison à repenser le modèle actuel de la firme ou la production en réseau. Au lieu de cela, ceux qui ont perdu leur travail devront accepter leur sort, « s’adapter ou périr ».
Bien évidemment, certains vont considérer que le changement a toujours fait part de l’équation, depuis les trois premières révolutions industrielles (création de l’usine durant le XVIIIe siècle, la chaine de montage durant le XXe siècle et l’accélération de la robotisation à partir des années 80) jusqu’à l’arrivée de la quatrième révolution industrielle. Mais en aucune période de l’histoire, les deux tiers des emplois des humains n’ont été menacés par des machines. Cette réalité nous pousse à penser que nous ne sommes pas face à un changement de paradigme, mais plutôt un effondrement de paradigme.
Source : The Outline
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Voir aussi :
Les robots de plus en plus dominants dans l'industrie manufacturière suisse, face à un franc fort et des salaires élevés
Les employés des pays en développement seront les plus affectés par la robotisation
Les deux tiers des emplois sont menacés par les machines
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Le , par Coriolan
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