Début octobre, après six mois de travaux, c'est un rapport formulant quarante propositions que la mission d’information « sur une nouvelle régulation de la communication audiovisuelle à l’ère numérique » a produit. Sans surprise, la lutte contre le piratage a été notamment mise en avant dans le rapport. « Il y a urgence à agir, car c’est 1,3 milliard d’euros de pertes », soit l’équivalent du chiffre d’affaires des exploitants de cinéma, affirmait alors la députée LREM Aurore Bergé qui était rapporteur. Soixante-cinq millions de vidéos illégales sont consultées chaque mois en France, en particulier par les 15-24 ans. Mais le rapport rappelle qu'en 2017, seules 88 amendes ont été infligées, dont une d’au moins 2000 euros, alors que 17 millions de plaintes d’ayants droit ont été adressées à la Hadopi (Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet).
Partant de ce constat, les parlementaires recommandent de renforcer les pouvoirs de la Hadopi et de la doter d’un pouvoir de transaction pénale, c’est-à-dire la possibilité d’infliger une sanction pécuniaire sans passer par le juge pour ceux qui utilisent les sites de streaming et de téléchargement. Ils plaident aussi pour que l’autorité indépendante puisse bloquer temporairement les liens de live streaming. L’enjeu est d’importance pour des opérateurs comme SFR, qui débourse 350 millions d’euros par an pour la diffusion de la Ligue des champions de football, et des chaînes comme Canal+, qui estime que la baisse du piratage lui permettrait de conquérir 500 000 abonnés en plus.
La mission propose aussi de fusionner la Hadopi avec le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) « pour créer une autorité unique de régulation des contenus audiovisuels ». C'est une idée qui avait déjà été proposée lors du quinquennat précédent avant d'être abandonnée. « Il est cohérent de fusionner le CSA (qui doit veiller au respect des conventions des chaînes et des stations, protéger le pluralisme, les jeunes publics et, demain, participer à la lutte contre la manipulation de l’information) et la Hadopi (qui a développé une expertise technique et juridique extrêmement forte) pour disposer d’une autorité de régulation vraiment puissante », estimait Mme Bergé.
Le CSA a approuvé la fusion avec la HADOPI au sein de l'ARCOM
Le Conseil approuve l'inscription dans le projet de loi de la fusion du CSA et de la HADOPI au sein de l'ARCOM :
« Combinée aux nouvelles prérogatives en matière de lutte contre le piratage confiées à cette autorité unique, cette réforme contribuera à donner un nouvel élan à la politique de protection des droits de propriété intellectuelle sur internet et à la promotion de l'offre légale, qui seront au cœur des missions de la nouvelle autorité. Elle répond ainsi aux attentes exprimées par nombre d'acteurs engagés en faveur de la création audiovisuelle, cinématographique et musicale, en particulier les sociétés d'auteurs mais aussi par toutes les victimes de piratage des évènements sportifs ».
Dans cette perspective, le CSA et l'HADOPI travaillent depuis de nombreux mois au rapprochement des deux autorités dans le cadre de la mission de préfiguration lancée en janvier 2020. Le CSA indique qu'il sera particulièrement attentif, dans la poursuite de ses travaux, à concevoir, avec l'HADOPI, une organisation à même de valoriser les expertises de l'ensemble des collaborateurs des deux institutions et de favoriser les synergies entre leurs équipes.
Le CSA demande des moyens suffisants pour sa nouvelle mission
Parmi ses principales observations, le Conseil a attiré l’attention du gouvernement sur la nécessité de doter ce nouveau régulateur de moyens budgétaires à la hauteur de ses missions :
« S'il approuve cette réforme, le Conseil souhaite attirer sans attendre l'attention du Gouvernement sur ses conséquences, tant sur la situation budgétaire du CSA que sur celle de la future autorité fusionnée.
« Depuis plusieurs années, le CSA a vu ses moyens diminuer alors que ses missions n'ont cessé de s'étendre de manière significative, tout comme ses besoins en investissement informatiques. Pour répondre à cette tension croissante, il a réduit fortement ses dépenses en fonctionnement courant afin d'être en mesure de maintenir ses équilibres financiers. Or les dépenses liées à la préfiguration de l'ARCOM, estimées à environ 1,5 million d'euros, devront être prises en charge par le CSA et l'HADOPI faute d'abondement budgétaire correspondant. Pour la même raison, le CSA devra financer en 2021, sur ses réserves, les six emplois supplémentaires qu'il a été autorisé à créer et qui sont rendus indispensables pour exercer ses nouvelles compétences en matière de régulation des plateformes en ligne. Enfin, si le projet de loi devait être adopté en l'état, l'ARCOM serait confrontée en 2022 à une hausse ponctuelle de la masse salariale affectée à son collège en raison de la présence temporaire de neuf membres permanents.
« Conscient des efforts demandés à l'ensemble de la sphère publique, le Conseil tient à souligner toutefois la nécessité que le premier budget de l'ARCOM soit à la hauteur de ces enjeux. D'une manière générale, la nouvelle autorité ne pourra exercer pleinement les missions qu'il est envisagé de lui confier sans que ne lui soient allouées les ressources financières correspondantes ».
Le bilan de l'HADOPI
L’année 2019 a marqué le dixième anniversaire de la création de la Haute Autorité. Rappelons les différents budgets de l’Hadopi depuis sa mise en route qui proviennent essentiellement de la subvention du ministère de la Culture :
- En 2010, l’État a versé 10 millions d’euros.
- En 2011, l’État a versé 11,4 millions d'euros.
- En 2012, l’État a versé 11 millions d’euros.
- En 2013, l’État a versé 8,4 millions d’euros.
- En 2014, l’État a versé 5,6 millions d’euros.
- En 2015, l’État a versé 5,52 millions d’euros.
- En 2016, l’État a versé 7,8 millions d’euros.
- En 2017, l’État a versé 9 millions d’euros.
- En 2018, l’État a versé 10 millions d’euros.
- En 2019, l’État a versé 9,4 millions d’euros.
Soit un total de 88,12 millions d’euros de subventions publiques en 10 ans.
Un montant cumulé d’amendes de 87 000 €
Dans le cadre de sa mission de protection de la création sur internet, l’Hadopi met en œuvre la procédure de réponse graduée sur les réseaux pair-à-pair. Il s'agit d'une procédure originale qui vise, par l’envoi d’avertissements successifs, à rappeler au titulaire d’un abonnement à internet qu’il doit prendre toutes mesures utiles pour éviter que sa connexion ne soit utilisée, par lui-même ou par un tiers, pour télécharger ou mettre en partage sur internet des œuvres protégées par le droit d’auteur ou par un droit voisin.
Cette procédure, essentiellement pédagogique, comporte également un volet répressif. Si les faits persistent malgré les avertissements reçus, l’Hadopi peut en effet décider de saisir l’autorité judiciaire pour que des poursuites pénales soient engagées à l’encontre du titulaire de l’abonnement à internet négligent. Les faits illicites relevés en premier lieu par les ayants droit constituent des actes de contrefaçon, matérialisés par le téléchargement ou la mise à disposition du public sur internet d’une œuvre protégée sans autorisation. Ces agissements révèlent aussi les manquements du titulaire d’abonnement qui n’a pas sécurisé sa connexion internet.
Dans son rapport, l’Hadopi note que « Depuis 2011, le montant total cumulé des amendes prononcées et portées à la connaissance de la Commission est de 87 000 €, dont près du tiers pour la seule année 2019. »
Riposte graduée : 13 millions d'avertissements envoyés aux internautes depuis 2009
Depuis la création de l’Hadopi jusqu’à la fin de l’année 2019, plus de 12,7 millions de recommandations, toutes phases confondues, ont été envoyées aux titulaires d’abonnement en raison de téléchargements et mises à disposition illicites constatés à partir de leur connexion internet.
Source : CSA
Voir aussi :
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