Le retrait du projet des principales sociétés de paiement, dont Mastercard et Visa Inc., est un problème sérieux pour le projet naissant et les efforts ambitieux de Facebook Inc. pour établir une monnaie numérique d’envergure mondiale. Ces retraits signifient que la Libra Association ne peut pas compter sur ces processeurs de paiement américain majeurs pour aider les consommateurs à convertir leur monnaie en Libra et faciliter leurs transactions. Les autres membres de l'association, dont Lyft et Vodafone, sont principalement des sociétés de capital-risque, de télécommunications, de blockchain et de technologie, ainsi que des groupes sans but lucratif.
Dans un communiqué, un porte-parole de Visa a déclaré vendredi que la société « continuera à évaluer et notre décision finale sera déterminée par un certain nombre de facteurs, y compris la capacité de l'association à satisfaire pleinement toutes les attentes réglementaires requises. L'intérêt soutenu de Visa pour la Libra découle de notre conviction que des réseaux bien réglementés basés sur une blockchain pourraient étendre la valeur des paiements numériques sécurisés à un plus grand nombre de personnes et d'endroits, en particulier dans les marchés émergents et en développement ».
La société de paiement par internet pour les professionnels Stripe a donné une explication similaire pour son retrait. « Stripe soutient des projets qui visent à rendre le commerce en ligne plus accessible pour les gens du monde entier », a déclaré le porte-parole de la société. « La Libra a ce potentiel. Nous suivrons ses progrès de près et resterons ouverts à travailler avec La Libra Association à un stade ultérieur ».
eBay a abordé dans le même sens que les deux premières sociétés. « Nous respectons hautement la vision de la Libra Association », a déclaré la compagnie dans un communiqué. « Toutefois, eBay a pris la décision de ne pas aller de l'avant en tant que membre fondateur. En ce moment, nous nous concentrons sur le déploiement de l'expérience de paiement géré d'eBay pour nos clients », a-t-elle ajouté.
La solution se trouve-t-elle dans OpenLibra ?
Trente sociétés de blockchain et organisations à but non lucratif différentes envisagent de lancer un fork du projet Libra de Facebook, pour créer leur propre version sans autorisation baptisée OpenLibra. Alors que la cryptomonnaie à venir Libra de Facebook lutte pour plaire à ses partenaires et aux régulateurs, cette alternative espère pouvoir remédier à certaines de ses lacunes potentielles.
Annoncé lors de la conférence Devcon 5 de la fondation Ethereum à Osaka, au Japon, OpenLibra est décrit comme une « plateforme ouverte pour l'inclusion financière », avec une touche particulière : « Non gérée par Facebook ».
« OpenLibra est une plateforme technologique et une devise d'inclusion financière. Une alternative à la Libra de Facebook, qui met l'accent sur la gouvernance ouverte et la décentralisation économique. Le projet OpenLibra est un collectif informel d'individus. Nous n'avons ni "membres d'association", "partenaires", ni "employés" ni "leaders". Nous appartenons à des projets de blockchain et à des fondations à but non lucratif parmi les meilleurs de notre catégorie et travaillons sur une solution crypto-native concernant la Libra.
OpenLibra vise à être compatible avec Libra sur le plan technique, ce qui signifie que toute personne créant une application sur la plateforme Libra devrait également pouvoir la déployer facilement dans OpenLibra. La valeur du jeton OpenLibra sera indexée sur la valeur du jeton Libra. « Notre stratégie consiste à exploiter les atouts de la Libra, mais à l’étendre là où cela est nécessaire. OpenLibra se veut techniquement et financièrement compatible, embrassant ce qui est puissant ».
Quels sont les problèmes avec l'approche de Facebook ?
Facebook et ses partenaires créent un écosystème bancaire et monétaire numérique qui atteindra 4 milliards d'humains. Leur objectif est de remplacer l'infrastructure financière existante et de concurrencer les banques traditionnelles (et les banques centrales) du monde entier.
Les éditeurs notent que, telle que conçue, la plateforme Libra :
- sera distribuée, mais non décentralisée ;
- nécessite des autorisations pour une interaction avec elle ;
- n'aura pas de garanties de confidentialité ;
- sera dirigée par une ploutocratie (gouvernement par les plus fortunés).
Les éditeurs notent qu'un certain nombre de caractéristiques de la Libra sont utiles et peuvent même transformer les plus vulnérables. Mais leurs plans déclarés peuvent conduire à des résultats inquiétants :
- Le jeton Libra serait régi par un groupe fermé de sociétés. Les gens du monde entier, même s'ils ne sont pas des utilisateurs de Facebook, feront partie du réseau Libra, mais n'auront aucun recours direct aux politiques de l'association. Si la Libra devient la banque centrale de l’Internet, il devient urgent de mettre en place une forme de gouvernance plus inclusive.
- La valeur revient aux fondateurs. La valeur créée au sein de l'écosystème de la Libra sera capturée par les quelques sociétés qui font déjà partie du consortium. À ce jour, Facebook n'a pas l'intention d'inclure plus de partenaires dans le consortium ou de redistribuer les recettes avec plus d'acteurs au sein de leur réseau.
- Le financement de la surveillance. La capacité d'une personne à s'engager financièrement (par exemple, emprunter en Libra) sera potentiellement déterminée par son graphique social et son activité en ligne.
« Malgré les oppositions des États-nations, nous pensons que Facebook atteindra probablement son objectif. Les gouvernements des pays de l’OCDE se concentreront sur leurs propres résultats et n’ont en réalité que peu de pouvoir législatif pour s’opposer à une force transnationale telle que la Libra de Facebook. Pour cette raison, nous créons OpenLibra ».
Alors que Libra sera une blockchain autorisée (ce qui signifie en gros que seules les parties autorisées pourront exécuter un nœud Libra), OpenLibra sera sans permission dès le début. Il y a aussi une différence importante dans la gouvernance. La Libra sera initialement gérée par une fondation comprenant jusqu'à 100 sociétés et organisations à but non lucratif. La manière dont OpenLibra sera gouvernée n’est pas tout à fait claire, mais l’équipe principale du projet, composée de 26 personnes, comprend des personnes liées à des projets de cryptomonnaies tels qu'Ethereum et Cosmos.
Lucas Geiger, cofondateur de la startup crypto Wireline (et membre de l'équipe principale mentionnée ci-dessus), a dévoilé mardi le projet OpenLibra sur la scène de Devcon. Selon CoinDesk, il a déclaré que les personnes et les organisations exploitant OpenLibra avaient « moins de responsabilités réglementaires que Facebook », et que les membres étaient décentralisés « non seulement géographiquement, mais aussi politiquement et économiquement ».
En ce qui concerne le financement, Geiger indique que les dépenses du projet sont initialement couvertes par une subvention de la Fondation Interchain, qui soutient les développeurs de Cosmos, et que d’autres subventions seront versées.
Jusqu'à présent, le projet OpenLibra a publié une version sans autorisation de la machine virtuelle Libra sur GitHub. Contrairement à la Libra de Facebook, les calculs de code sur OpenLibra, appelés « MoveMint », s’exécutent sur un logiciel blockchain Tendermint spécialement conçu pour être utilisé sur des plateformes publiques blockchain telles que Cosmos.
« Vous pouvez simplement faire un glisser-déposer sur OpenLibra de tout ce qui fonctionne sur la Libra de Facebook. Les finances fonctionneront de la même manière. Le code fonctionnera de la même manière », a déclaré Geiger. Ce dernier a précisé que l'idée de la Libra et de sa technologie était non seulement brillante, mais « susceptible de devenir la monnaie de l'internet ». Il a résumé en cette expression : « en Libra nous avons confiance, en Facebook non » (« In Libra we trust, in Facebook we don’t »).
Source : OpenLibra, déclarations de Geiger
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