Des responsables de la division antitrust du ministère de la Justice et de la Commission fédérale du commerce (FTC), qui appliquent tous deux la loi antitrust, se sont réunis ces dernières semaines pour discuter du cas de Google, ont déclaré les sources, qui ont demandé à conserver l'anonymat parce qu'elles n'étaient pas autorisées à prendre la parole.
Auparavant, la FTC avait engagé des poursuites contre la société en 2011 au sujet de l’installation de cookies de suivi dans le navigateur Safari d’Apple. Cette affaire a été résolue un an plus tard par une condamnation civile de 22,5 millions de dollars, à l'époque le plus important jugement de ce genre jamais remporté par la FTC devant les tribunaux.
La FTC a lancé une autre enquête sur Google en 2013 pour de vastes violations des lois antitrust, mais a clos le dossier sans engager de poursuite, se contentant de lui donner une tape sur les doigts. Sous la pression de la FTC, Google a accepté de mettre fin à la pratique consistant à « supprimer » les critiques et autres données des sites Web des concurrents pour ses propres produits, et à permettre aux annonceurs d’exporter des données afin d’évaluer leurs campagnes de manière indépendante.
À présent, le ministère de la Justice est à la tête d'une nouvelle évaluation antitrust potentiellement sans précédent de la société. En effet, une source a déclaré que l'enquête potentielle, rapportée pour la première fois par le Wall Street Journal, portait sur des accusations selon lesquelles Google donnerait la préférence à ses propres entreprises dans les recherches.
La recherche de Google, YouTube, les critiques, les cartes et d’autres activités, largement gratuites pour les consommateurs car financées par la publicité, ont permis à Google de passer du statut de jeune entreprise à multinationale figurant parmi les plus riches du monde en seulement deux décennies.
En cours de route, Google s’est fait des ennemis à la fois dans le monde de la technologie, étant donné que ses concurrents se sont plaints à plusieurs reprises d’un abus de position dominante, et à Washington, où les législateurs se sont plaints de problèmes allant de son prétendu parti pris politique à ses projets pour la Chine.
Le directeur général et co-fondateur de TripAdvisor, Stephen Kaufer, s'est félicité des informations selon lesquelles Google pourrait être soumis à un contrôle antitrust du Département de la justice.
« TripAdvisor reste préoccupée par les pratiques de Google aux États-Unis, dans l'Union européenne et dans le monde entier » , a déclaré Kaufer dans un communiqué.
« Pour le bien des consommateurs et la concurrence sur Internet, nous nous félicitons de tout regain d’intérêt des autorités de réglementation américaines pour le comportement anticoncurrentiel de Google ».
La candidate démocrate à la présidence, Elizabeth Warren, a fait pression pour que Google, ainsi que d’autres grandes entreprises de la technologie, soient dissociées. La sénatrice Kamala Harris, également candidate à la présidence du parti démocrate, lui a fait écho.
« Il s'agit d'une très grosse nouvelle et attendue depuis longtemps », a déclaré sur Twitter le sénateur Josh Hawley, critique républicain de Google, à propos de l'enquête.
La situation européenne
Google a fait également face à des accusations d’abus de position dominante en Europe :
Android
Mi-juillet, la Commission européenne a infligé une amende de 4,34 milliards d'euros (soit 5 milliards de dollars) à Google pour violation des règles de concurrence de l'UE avec Android. « Aujourd'hui, l'internet mobile représente plus de la moitié du trafic internet mondial. Il a changé la vie de millions d'Européens », a déclaré Margrethe Vestager, commissaire chargée de la politique de concurrence, dans un communiqué. « L'affaire qui nous occupe porte sur trois types de restrictions imposées par Google aux fabricants d'appareils Android et aux opérateurs de réseaux pour faire en sorte que le trafic sur les appareils Android soit dirigé vers le moteur de recherche de Google. De cette manière, Google utilise Android comme un véhicule pour consolider la position dominante de son moteur de recherche. Ces pratiques ont privé ses concurrents de la possibilité d'innover et de lui livrer concurrence par leurs mérites. Elles ont privé les consommateurs européens des avantages d'une concurrence effective sur le marché important des appareils mobiles », dit-elle.
Restrictions sur AdSense
En mars 2019, le géant de la recherche a été condamné à payer 1,49 milliard d’euros en raison de ses restrictions sur AdSense, la régie publicitaire qui détient 80 % du marché européen de l’intermédiation publicitaire en ligne.
« Google a consolidé sa position dominante dans les annonces de recherche en ligne et s'est protégé de la pression concurrentielle en imposant des restrictions contractuelles anticoncurrentielles aux sites Web tiers. C'est illégal en vertu des règles antitrust de l'UE. L'inconduite a duré plus de dix ans et a privé d'autres entreprises de la possibilité de rivaliser sur le fond et d'innover - et les consommateurs des avantages de la concurrence » a déclaré Margrethe Vestager.
AdSense est la régie publicitaire de Google utilisant les sites web ou les vidéos YouTube comme support pour ses annonces. Pour qu'un webmaster devienne partenaire d'AdSense et génère des revenus publicitaires pour son propre compte, il doit publier du contenu sur son propre site et y faire figurer le code Adsense fourni par Google.
La débauche de Google concerne l’interdiction aux éditeurs de placer des moteurs de recherche concurrents sur leurs sites web. Pire encore, les éditeurs devaient demander l’autorisation écrite de Google avant d'entrer tout changement concernant l’affichage de publicités rivales.
Google Shopping
En 2017, Google a été menacé d’une amende de 2,4 milliards d'euros par la Commission européenne. Pour y échapper, l’entreprise devait créer des conditions de concurrence équitables, selon des concurrents tels que les sites de comparaison britanniques Foundem et Kelkoo et d'autres les marchés de la recherche, de la cartographie numérique et de l'édition.
La proposition de Google consiste à permettre aux concurrents d'enchérir sur les annonces en haut d'une page de recherche afin de leur donner la chance de concourir sur un pied d'égalité.
Margrethe Vestager
Un an après, les commissaires européens se sont appuyés sur des chiffres pour indiquer que la concurrence allait en s’améliorant. Margrethe Vestager a déclaré en juin 2018 : « Nous savons, d’après notre suivi, qu’il y a eu une augmentation constante des chiffres au cours des derniers mois. Les données les plus récentes montrent qu’au moins un rival apparaît dans environ un tiers des nouveaux encarts commerciaux , contre 15 % en mars dernier ».
Une situation qui s’avère donc meilleure que celle qui prévalait, bien qu’encore loin d’une situation d’une solution considérée comme plus équitable par les lobbies.
Quant aux clics sur les produits affichés par les solutions rivales de Google Shopping, ils sont aussi en hausse : ils sont passés de 2,5 % en février 2018 à 6,1 % en juin 2018 : « De même, la part des clics des produits des concurrents dans les boîtes de shopping Google a également augmenté de 2,5 % en février à 6,1 % maintenant. Il est encore trop tôt pour tirer des conclusions. Nous continuerons notre surveillance active et parlerons aux participants du marché », a-t-elle fait savoir.
Source : Reuters
Et vous ?
Que pensez-vous de cette situation ? Cela est-il surprenant ou pouvait-on s'y attendre ?
Voir aussi :
Vente de smartphones : Huawei enregistre la plus forte croissance et reste second malgré son absence aux USA, d'après les statistiques de Gartner
La Chine s'apprête à publier sa liste d'entreprises étrangères jugées à risque et à bannir de son marché comme l'ont fait les USA avec Huawei
Huawei dépose une plainte pour l'annulation du décret d'interdiction de ses équipements aux USA, signé par Trump, qu'il juge « anticonstitutionnel »