La gouvernance des géants du numérique est beaucoup contestée depuis un certain temps. Les actionnaires de Facebook attendent leur assemblée annuelle du 30 mai pour procéder à un vote et tenter à nouveau de démettre Zuckerberg du poste de président du groupe, renverser la structure à deux catégories d'actions de Facebook et imposer une nouvelle gouvernance sur le réseau social. A l'approche de l'assemblée annuelle des actionnaires d'Alphabet en juin, les actionnaires de la société mère de Google ont aussi appelé au démantèlement d’Alphabet, invoquant des préoccupations concernant les violations des droits de l'homme et la possibilité de nouvelles mesures réglementaires, selon Yahoo News.
Dans une motion qui sera présentée à l'assemblée générale des actionnaires, les actionnaires d'Alphabet ont soutenu que la société est « trop grande et trop complexe pour être gérée efficacement » et ont demandé la mise en place d'un comité d'administrateurs indépendant pour restructurer l'entreprise. La proposition a été soumise aux actionnaires par le groupe international de consommateurs SumOfUs au nom des actionnaires du groupe, demandant la dissolution d’Alphabet. SumOfUs représent un total de 131 actions.
La résolution présentée par quatre membres individuels de SumOfUs propose qu'Alphabet trouve des alternatives à sa structure actuelle qui rendraient l'entreprise plus gérable, en citant les préoccupations de regroupement de centaines d'entreprises et les violations des droits humains. Lisa Lindsey, conseillère en marchés des capitaux chez SumOfUs, a écrit dans un courriel envoyé à Search Marketing Daily :
« Nous pensons que le conseil d'administration de Google devrait évaluer si une rupture est dans le meilleur intérêt des actionnaires, mais il ne fait aucun doute qu'une rupture serait bonne pour les annonceurs ». « Il y a un an, Google et ses sociétés affiliées détenaient une part de marché de 88 % dans la publicité de recherche, ce qui constitue un monopole effectif. La part de marché de Google est probablement encore plus élevée aujourd'hui. Lorsqu'il n'y a qu'un seul vendeur d'un service tel que la publicité par moteur de recherche, il n'y a pas de concurrence effective pour réguler les prix et Google peut faire payer ce qu'il veut aux annonceurs », a-t-elle ajouté.
Google et les autres géants de la Silicon Valley font déjà l’objet de plusieurs menaces de démantèlement. L’une des menaces de démantèlement à l’encontre de Google a été évoquée par Margrethe Vestager, la commissaire européenne, selon le journal britannique The Telegraph. La déclaration est survenue après que le géant de la recherche a été condamné à payer une amende record de 2,42 milliards d’euros pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche. La Commission européenne reprochait à Google d’avoir systématiquement favorisé son propre service de comparaison de prix et rétrogradé ceux de ses concurrents.
La taille des entreprises pose parfois un sérieux problème lorsqu’elle est très importante. En effet, certaines peuvent alors manipuler le marché pour peser de tout leur poids et laisser peu de chance pour une concurrence loyale. C’est ainsi qu’en novembre dernier, Tim Berners-Lee, le père du World Wide Web a estimé que les géants de la technologie de la Silicon Valley tels que Facebook et Google étaient devenus tellement dominants qu’ils ont peut-être besoin d’être démantelés, à moins que des challengers ou des changements de goût ne réduisent leur influence.
Un autre appel au démantèlement des géants de la Silicon Valley a été lancé par la sénatrice Elizabeth Warren, candidate démocrate à l’élection présidentielle américaine 2020. En mars dernier, pendant qu’elle était en campagne dans le Queens aux Etats-Unis, la candidate a fait la promesse de démanteler des géants de la technologie comme Amazon, Google et Facebook si elle était élue présidente des États-Unis afin de promouvoir la concurrence dans le secteur technologique. Selon elle, il est grand temps de s'attaquer à la domination croissante des plus grandes entreprises technologiques des États-Unis qui ne permettent pas aux petites et aux nouvelles entreprises de s’épanouir sur un marché déjà conditionné par leur influence.
La motion des actionnaires d’Alphabet a mentionné :
« Les fonctionnaires des États-Unis et de l'UE continuent d'être préoccupés par le pouvoir de marché d'Alphabet en raison des restrictions imposées aux monopoles. Nous croyons que les actionnaires pourraient tirer plus de valeur d'une réduction stratégique volontaire de la taille de l'entreprise que des ventes d'actifs imposées par les organismes de réglementation. »
La proposition des actionnaires demande que « le conseil d'administration amorce un processus ordonné pour retenir les services de conseillers afin d'étudier les solutions de rechange stratégiques et habilite un comité d'administrateurs indépendants pour évaluer ces solutions dans l'exercice de leurs responsabilités fiduciaires afin de maximiser la valeur pour les actionnaires ».
Selon Yahoo, les raisons qui ont poussé le groupe d’actionnaires à proposer cette motion sont, entre autres, les pratiques anticoncurrentielles, les atteintes à la vie privée, les fuites de données et le tracking illégal d'Alphabet, ainsi que les milliards de dollars d'amendes.
La proposition voudrait que le conseil d’administration envisage l'unification des actions des catégories A et B d'Alphabet comme une option de changement stratégique. En effet, Alphabet est toujours contrôlé par deux de ses fondateurs, Sergey Brin et Larry Page, bien qu'ils ne détiennent pas d'actions de catégorie A, qui représentent 86 % des actions en circulation au 29 mars 2018, selon les actionnaires.
Une autre préoccupation soulevée par le groupe représentant les actionnaires est le travail de Google avec le gouvernement chinois sur le projet Dragonfly. En août dernier, une fuite d’information a permis à The Intercept de découvrir que Google travaillait sur une version censurée de son navigateur qu’il adaptait au bon vouloir des dirigeants communistes chinois. Mais, le 11 décembre dernier, face à un panel du Congrès américain et sous la pression de ses employés et des organismes des droits de l’homme, le PDG de Google, Sundar Pichai a déclaré que la firme n'avait pas l'intention de relancer un moteur de recherche en Chine.
Cependant, selon un article publié par The Intercet en mars, un groupe d'employés qui a continué à surveiller de près les systèmes internes de l'entreprise a découvert que la firme travaillait toujours sur son moteur de recherche censuré pour la Chine, même si Google a nié tout en bloc. SumOfUs, à l’origine de la motion, a déclaré a ce propos que Google doit être encadré et prendre la responsabilité de ses mauvais actes – de la collusion avec des régimes répressifs à la diffusion de contenus haineux et extrémistes.
Selon les actionnaires, la gouvernance actuelle influence également les bénéfices d’Alphabet. En effet, le groupe a annoncé en début de semaine un bénéfice net trimestriel de 6,7 milliards de dollars US, contre 9,4 milliards de dollars US il y a un an. Le bénéfice net est en baisse malgré des revenus en hausse à 36,3 milliards de dollars. Cette baisse serait en partie due à l'amende de 1,5 milliard d'euros infligée par la Commission européenne à Google en mars, lorsque son réseau publicitaire AdSense s'est révélé contraire aux règles de concurrence de l'UE.
Il faut noter aussi que les revenus ont augmenté de 17 %, un rythme plus lent que celui auquel les investisseurs s'étaient habitués, d’après Yahoo. Dans la même période l'an dernier, ils étaient en hausse de 26 %.
Facebook, Google et les autres géants du numérique demeurent sous le coup des menaces de démantèlement à cause de leur taille. La grande taille d’une entreprise serait-elle synonyme de la mauvaise gouvernance ?
Source : Yahoo News, MediaPost
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Le , par Stan Adkens
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