La CIA a accusé Huawei d’avoir reçu des fonds de la Commission de la sécurité nationale chinoise, de l’Armée de libération du peuple et d’une troisième branche du réseau de renseignement chinois, a rapporté le journal britannique, citant une source britannique.
Plus tôt cette année, le renseignement américain a partagé ses revendications avec d'autres membres du groupe de partage du renseignement Five Eyes, qui comprend la Grande-Bretagne, l'Australie, le Canada et la Nouvelle-Zélande.
Sans surprise, Huawei a rejeté ces accusations dans une déclaration citée par le journal :
« Huawei ne commente pas les allégations non fondées étayées par zéro élément de preuve provenant de sources anonymes », a déclaré un représentant de Huawei au Times.
L’accusation vient à un moment de tensions commerciales entre Washington et Beijing et face à la crainte, aux États-Unis, que l’équipement de Huawei puisse être utilisé pour l’espionnage. La société a déclaré que les préoccupations ne sont pas fondées.
Les autorités américaines enquêtent sur Huawei à la recherche de violations présumées des sanctions.
Des soupçons qui ont donné lieu à des enquêtes dans d’autres pays
Mi-février 2018, devant la commission permanente du Sénat des États-Unis dédiée à la surveillance de la communauté du renseignement américaine, le directeur du FBI Chris Wray a déclaré :
« Nous sommes profondément préoccupés quant aux risques liés à l'insertion dans notre réseau de télécommunications d'une entreprise ou entité détenue par un gouvernement étranger qui ne partage pas nos valeurs ». Et de poursuivre en assurant que « Cela ouvre la voie à des possibilités de pression ou de contrôle sur notre infrastructure de télécommunications. Cet état de choses permettrait à des tiers de modifier ou extirper des informations de façon furtive ».
L'Union européenne devrait se méfier de Huawei et d'autres entreprises technologiques chinoises en raison des risques qu'elles représentent pour l'industrie et la sécurité. C'est ce qu'a déclaré début décembre le chef de la technologie de l'UE. « Faut-il se méfier de Huawei ou d'autres sociétés chinoises ? Oui, je pense que nous devons nous méfier de ces entreprises », a déclaré Andrus Ansip, commissaire européen en charge de la technologie, lors d'une conférence de presse à Bruxelles. Ansip a déclaré qu'il était préoccupé par le fait que les sociétés de technologie chinoises étaient tenues de coopérer avec les services de renseignement chinois, notamment grâce à des portes dérobées pour permettre l'accès aux données cryptées. Ansip a également déclaré que ces entreprises chinoises produisaient de micropuces qui seraient utilisées pour espionner d'autres entreprises.
On se souvient d'un cas récent où la Chine aurait infiltré Apple et d'autres sociétés américaines en utilisant des micropuces « espion » insérées sur des cartes mères de serveurs. Selon un rapport publié le 4 octobre dernier par Bloomberg, le spécialiste américain des cartes mères de serveurs, Supermicro, aurait été compromis en Chine, où des groupes affiliés au gouvernement auraient infiltré sa chaîne d'approvisionnement pour insérer de minuscules puces, de taille comparable à un grain de riz ou à un bout de crayon, sur des cartes mères qui se sont retrouvées dans des serveurs déployés aux États-Unis. De tels propos ont été rapidement contesté par les sociétés américaines concernées. Apple a dit avoir ouvert une enquête à l'interne qui n'a révélé la présence d’aucune micropuce espionne dans ses cartes mères. Le géant américain dit n'avoir jamais « trouvé de puces malveillantes, de manipulations matérielles, ni de vulnérabilités créés intentionnellement sur un serveur ». Elle a nié également avoir connaissance d'une quelconque enquête du FBI sur cette affaire.
« Aucun gouvernement n'a jamais demandé à Huawei de d’introduire des portes dérobées ou de compromettre des réseaux, et nous n'aurions jamais toléré un tel comportement de la part de notre personnel », a déclaré la société dans un communiqué. Huawei a nié ces allégations et dit que ces commentaires de Ansip ne sont que de simples malentendus. Ansip a fait ces déclarations quelques jours après l'arrestation d'un haut dirigeant de Huawei au Canada dans le cadre d'une enquête sur une présumée fraude bancaire. En effet, une présentation PowerPoint vieille de cinq ans est au centre des allégations pénales contre le directeur financier de Huawei dans une affaire qui a des conséquences pour les relations internationales, le commerce et l'avenir de l'infrastructure de télécommunications au Canada. Meng Wanzhou a été arrêté le 1er décembre à l'aéroport de Vancouver au Canada. L’arrestation, effectuée à la demande des autorités américaines, a rendu le gouvernement chinois furieux et a aggravé les tensions préexistantes entre ces deux pays.
L’arrestation de la fille du fondateur d’Huawei pour faire pression ?
Meng Wanzhou, directeur financier de Huawei et fille de son fondateur, Ren Zhengfei, a été arrêté au Canada en décembre à la demande des États-Unis, accusé de fraude bancaire et bancaire en violation des sanctions américaines contre l’Iran.
Elle nie avoir commis des actes répréhensibles et son père a déjà déclaré que l'arrestation avait été «motivée par des considérations politiques».
Au milieu de ces accusations, de grands établissements d'enseignement occidentaux ont récemment rompu leurs liens avec Huawei pour éviter de perdre des fonds fédéraux.
Une autre société de technologie chinoise, ZTE Corp 0763.HK, 000063.SZ, a également été au centre de controverses similaires aux États-Unis.
Meng Wanzhou
Les sanctions américaines ont contraint ZTE à cesser ses activités entre avril et juillet de l'année dernière après que des responsables du département du Commerce eurent déclaré avoir rompu un pacte et se faire prendre illégalement en train d'expédier des marchandises d'origine américaine vers l'Iran et la Corée du Nord. Les sanctions ont été levées après que ZTE ait payé 1,4 milliard de dollars d'amendes.
Reuters a rapporté en début de semaine que les Etats-Unis pousseront leurs alliés lors d'une réunion à Prague le mois prochain pour adopter des mesures de sécurité et de politique partagées qui rendront plus difficile pour Huawei de dominer les réseaux de télécommunication 5G.
Les alliés américains ne suivent pas tous
Après avoir recommandé aux autres pays représentés à cette réunion de rester à l’écart de certains fournisseurs de télécommunications chinois, les États-Unis exercent également des pressions sur les autorités allemandes pour qu'elles abandonnent Huawei. L’Allemagne a exprimé son scepticisme concernant cette affaire, affirmant n'avoir trouvé aucune preuve que la société pourrait utiliser son équipement pour l’espionnage.
Spiegel Arne Schoenbohm, chef de l'Office fédéral allemand de la sécurité de l'information (BSI) a déclaré que pour des décisions aussi sérieuses qu'une interdiction, il faut des preuves, ajoutant que son agence ne disposait pas de telles preuves. Il fait également savoir que les experts du BSI avaient examiné les produits et composants Huawei du monde entier avant de se prononcer.
Cette décision du BSI n’a pas enchanté tout le monde et certains se sont exprimés. C’est le cas de Ronja Kniep, experte en sécurité dans le secteur des télécommunications qui a déclaré à l’AFP ceci : « Je pense qu'il est faux de laisser entendre que les préoccupations relatives à l'espionnage chinois sont infondées et faciles à détecter. Même si Huawei n’a aucune relation officielle avec le gouvernement chinois, cela ne signifie pas pour autant que les services chinois n’utilisent pas la société et sa technologie comme vecteurs d’espionnage. »
La Belgique vient par la voix du Centre pour la Cybersécurité Belgique (ou CCB) de clarifier sa position sur le dossier Huawei. Katrien Eggers, la porte-parole de cette agence en charge de la politique belge en matière de cybersécurité, a déclaré à ce sujet : « ;à ce jour, nous n’avons pas de preuve suffisante pour établir qu’une menace émane de Huawei. Nous avons mené une longue enquête qui nous a permis d’arriver à cette conclusion finale ;».
Comme l’Allemagne et le Royaume-Uni avant elle, la Belgique démontre avec cette annonce qu’à ce jour, il n’existe aucune preuve tangible faisant état d’actes d’espionnage ou de sabotage de la part du géant chinois des télécommunications. La campagne de diabolisation intensive menée par les États-Unis depuis plusieurs mois ne serait-elle donc motivée que par la simple volonté de calomnier ou de se débarrasser d’un concurrent gênant qui monte en puissance ;?
L’arrivée des premiers réseaux 5G est imminente et les pays de l’Union européenne se préparent à déployer cette nouvelle technologie ultra-rapide. Mais comme l’a souligné le DG du géant Vodafone, abandonner les équipements Huawei retarderait le déploiement de la 5G sur le Vieux Continent « ;de probablement deux ans ;».
Du côté de la France, les décideurs suggèrent d’adopter une « ;réponse technique et technologique à un problème technique et technologique ». Le DG de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), Guillaume Poupard, a indiqué à ce propos que « ;la priorité est avant tout de protéger l’ensemble des réseaux critiques. La 5G va être un système gigantesque et potentiellement à risque. Il ne faut pas se focaliser sur un seul équipementier, ce serait une erreur ;». Le lancement des appels d’offres pour attribuer les fréquences 5G aux opérateurs étant prévu pour l’automne prochain, un nouveau texte de loi a été récemment introduit à l’Assemblée nationale. Cette nouvelle loi de la France était attendue par les opérateurs pressés de comprendre la situation afin de faire le choix de partenariat dans leur future mise en œuvre de la technologie 5G.
Source : Sunday Times, Reuters