Le 8 février, les gouvernements nationaux de l’UE ont adopté comme position commune l’accord conclu entre la France et l’Allemagne sur la directive européenne sur le droit d’auteur. L'accord franco-allemand divulgué plus tôt cette semaine venait pour résoudre le problème de savoir si les petites plateformes devraient appliquer les règles de filtrage automatique de contenu mis en ligne (article 13). Sur ce point, la France et l'Allemagne, les deux géants de l'UE, n'étaient pas du même avis ; ce qui avait conduit le mois dernier à la suspension des discussions au niveau du Conseil.
Pour la France, l'article 13 doit s'appliquer à toutes les plateformes, quelle que soit leur taille. Et elles doivent démontrer qu'elles ont fait tout leur possible pour empêcher le téléchargement de contenu protégé par le droit d'auteur. Alors que pour l'Allemagne, l'article 13 ne devrait pas s'appliquer à tout le monde. Les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 20 millions d’euros par an devraient être exclues, afin de ne pas nuire aux startups et aux PME européennes de l’Internet.
La France, qui n'a préconisé aucune exception pour les petites entreprises, a finalement accepté une version selon laquelle seules les sociétés de technologie comptant moins de 5 millions d'utilisateurs annuels ne seraient pas obligées d'installer des outils pour le filtrage automatique des contenus mis en ligne par les internautes. Mais ces entreprises devraient également être accessibles au public depuis moins de trois ans et avoir un chiffre d'affaires annuel inférieur à 10 millions d'euros ; deux critères qui élargissent encore la base de plateformes qui tombent sous le coup de l'article 13. Pour l'eurodéputée Julia Reda du Parti Pirate, opposée à ces changements, l'accord entre la France et l'Allemagne a donc rendu la directive Copyright plus néfaste en proposant une machine de censure de plus grande portée.
Toutefois, comme on s'y attendait, la proposition franco-allemande a été adoptée par la majorité des gouvernements de l'UE. L’Italie, la Pologne, les Pays-Bas, la Suède, la Finlande et le Luxembourg ont maintenu leur opposition au texte et ont même été rejoints par Malte et la Slovaquie. Mais le soutien de l’Allemagne à la France à travers l'accord qu'ils ont négocié secrètement au cours des dernières semaines a pesé suffisamment pour sortir de l’impasse précédente.
« Cette nouvelle position du Conseil est en réalité extrême par rapport aux versions précédentes, imposant à toutes les plateformes de plus de 3 ans de censurer automatiquement tous les téléchargements de leurs utilisateurs et faisant peser un fardeau déraisonnable, même sur les entreprises les plus jeunes », regrette Julia Reda. Elle annonce que « l'accord au Conseil ouvre la voie à un dernier cycle de négociations avec le Parlement au cours de la semaine prochaine, avant le vote de l'ensemble du Parlement européen et du Conseil sur l'accord final. »
Pour tenter encore une fois de freiner les efforts des gouvernements de l'UE, Julia Reda a exhorté les législateurs, dans un tweet, à rejeter le projet et à ne pas laisser « les gouvernements français et allemand nous intimider pour conclure un accord dont personne ne veut ». Elle appelle aussi les Européens à contacter leurs eurodéputés et leur demander de rejeter un accord sur le droit d'auteur qui violerait leurs droits de partager des créations légales telles que des parodies, et qui inclut des mesures telles que la taxe sur les liens qui limitera l'accès aux informations et poussera les petits journaux en ligne à la faillite (article 11).
Le projet de directive de l'UE sur le droit d'auteur - la première mise à jour de législation européenne depuis près de 20 ans - a été proposé pour la première fois par la Commission européenne en 2016. Pour elle, il est destiné à aider à rééquilibrer la relation entre les plateformes Internet et les industries créatives en offrant une rémunération plus équitable aux éditeurs et en forçant entreprises de technologie à supprimer tout contenu protégé par le droit d'auteur qui sera mis en ligne par leurs utilisateurs. Pour la Commission, la nouvelle position du Conseil est donc une victoire qu'elle n'a pas manqué de saluer. « Je suis heureux de voir les pays de l’UE retrouver une voix commune dans la réforme du droit d’auteur », a déclaré Andrus Ansip, commissaire européen en charge du numérique. « Les Européens méritent que les règles du droit d'auteur soient adaptées à l'ère numérique : c'est bon pour les créateurs, les plateformes et les utilisateurs réguliers d'Internet », estime-t-il.
Sources : Blog Julia Reda, Financial Times
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Visant à instaurer des machines de censure de plus grande portée
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Le , par Michael Guilloux
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