Cette année, Parcoursup s’apprête à entrer en service pour la deuxième fois, en même temps, la Défense des droits a réclamé plus de transparence sur le processus d’affectation des étudiants, notamment les « algorithmes locaux » utilisés par les établissements universitaires pour traiter les dossiers des futurs étudiants. Jacques Toubon, le Défenseur des droits, a pressé l’exécutif de rendre publics ces critères de tri, mis en oeuvre dans chaque établissement, après que des syndicats étudiants, enseignants et élus se sont plaints du manque de transparence et le caractère potentiellement discriminatoire de certains de ces critères.
Opacité des algorithmes locaux
Afin de trier les dossiers des futurs bacheliers, les universités peuvent avoir recours à un “outil d’aide à la décision”. « Cet outil d'aide n'est qu'une feuille de calcul préremplie a minima par la liste des candidats et certaines de leurs caractéristiques (boursier, réorientation, baccalauréat international, etc.) », informe le comité éthique et scientifique de Parcoursup.
À de multiples reprises, il a été annoncé que le code source du service Web serait rendu public, une volonté exprimée par le président de la République en mars 2018. Cette promesse avait également été faite pour le système antérieur, APB, par le précédent gouvernement, et n’avait pas été tenue. Cependant, la liberté laissée à chaque établissement supérieur d'établir son propre système de classement des futurs étudiants rend cette volonté de transparence « vaine », selon le quotidien Le Monde.
Parcoursup déroge à la loi pour une République numérique et risque potentiellement des recours en vertu du RGPD. De plus, le manque de transparence ne permet pas aux candidats de présenter leurs dossiers considérément. Dès lors, des voix se sont élevées pour réclamer plus de transparence sur le traitement des candidatures, notamment en rendant publique la totalité des critères. L’association Droits des lycéens a demandé dans un communiqué le 16 juin 2018 la transparence totale : « Pourquoi cacher les algorithmes locaux s’il n’y a rien à cacher ? ;». Des syndicats du monde éducatif ont quant à eux saisi le Défenseur des droits pour demander la publication de ces algorithmes.
Le Défenseur des droits Jacques Toubon
Les plaignants regrettent « d’une part, que les critères de départage des candidats soient opaques et, d’autre part, que dans les filières les plus demandées, les milliers de candidatures reçues aient été triées par des procédures automatisées fondées sur des algorithmes mis en place par les commissions locales d’examen, sans que les critères de pondération ne soient rendus publics et parfois sans aucun examen personnalisé ».
La Défense des droits n’a pas trouvé de « procédures entièrement automatisées de traitement des candidatures », l’institution prévient toutefois que la « majorité des établissements universitaires sollicités » n’ont pas répondu à ses appels.
Alors que le gouvernement continue de résister aux réclamations de transparence sous motif de préserver le principe du secret des délibérations et souveraineté du jury, l’autorité indépendante présidée par Jacques Toubon estime que « le secret des délibérations du jury ne doit pas s’opposer à l’information des candidats sur le contenu exact et la manière précise d’évaluation de leurs candidatures ». Elle ajoute que la publication de ces informations « ne porte pas atteinte aux principes de souveraineté du jury et du secret de ses délibérations, étant donné qu’il ne vise pas à dévoiler le contenu de l’appréciation portée sur chaque candidature, mais uniquement les critères pris en compte dans cette appréciation ainsi que leur méthode d’application ».
Mobilité et mixité sociale
Le Défenseur des droits a mis l’accent aussi sur la nécessité d’assurer la mobilité et la mixité sociale. Jacques Toubon a préconisé de rendre « effective la possibilité de mobilité géographique pour les candidats qui le souhaitent, en particulier en Île-de-France » et de « favoriser l’accueil de candidats boursiers dans toutes les formations de l’enseignement supérieur afin d’atteindre l’objectif de mixité sociale ».
Pour lui, « le recours au critère du lycée d’origine pour départager les candidats peut être assimilé à une pratique discriminatoire s’il aboutit à exclure des candidats sur ce fondement », et s’est dit « favorable à l’idée d’anonymiser les candidatures déposées dans Parcoursup afin que le lieu de résidence ne soit pas visible ».
Le Défenseur des droits promet un suivi attentif du dossier
L’institution a exhorté le ministère de l’Enseignement supérieur à rendre publiques dans les deux mois « toutes les informations relatives au traitement, y compris algorithmique, et à l’évaluation des dossiers des candidats (...), afin d’assurer la transparence de la procédure et de permettre aux candidats d’effectuer leurs choix en toute connaissance de cause ».
« Tant que la transparence ne sera pas faite sur ces critères, on ne lèvera pas le profond sentiment d’injustice ressenti par les lycéens des quartiers populaires », a dit Stéphane Troussel, le président du département de Seine-Saint-Denis. « À parcours et dossier scolaire équivalent, ont-ils les mêmes chances que les autres ? Le lycée d’origine a-t-il été pris en compte ? ;»
Le ministère de l’Enseignement supérieur a deux mois pour répondre aux prescriptions de la Défense des droits. Jacques Toubon promet de suivre attentivement le fonctionnement de Parcoursup en cette deuxième année.
Le gouvernement réagit
Jérôme Teillard, le responsable de la plateforme Parcoursup, a réagi ce mardi aux recommandations du Défenseur des droits. « On a pris acte » des recommandations adressées par le Défenseur des droits, répond le responsable de Parcoursup à France Inter. Jérôme Teillard qui défend la plateforme : « le Défenseur des droits reconnaît qu'il n'y a pas de discrimination ». Toutefois, le responsable promet d'examiner attentivement les préconisations de l’institution. Il a aussi mis en avant les actions prises par le ministère de l'Enseignement supérieur pour améliorer la transparence du processus d'attribution des affectations après le bac.
« Le ministère a, vis-à-vis des établissements, systématiquement produit les éléments de manière à rappeler la nécessité de la transparence vis-à-vis des candidats, de critères généraux d'examens, qui sont rendus publics cette année, ainsi que le droit nouveau, garanti par la loi, d'avoir l'ensemble des critères et des motifs qui ont présidé à une décision. »
Source : Décision du Défenseur des droits - 20minutes - Le Monde - franceinter - rapport (Parcoursup)
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