L’Europe a du mal à se mettre d’accord sur la réforme des règles fiscales qui permettraient de faire payer aux entreprises numériques leur juste part d’impôt. À l’origine du projet aux côtés de l'Allemagne, la France a, dans un premier temps, en septembre, avancé plusieurs idées auprès de ses partenaires européens pour parvenir à un accord. Paris a déclaré ne pas être hostile à l’idée d’offrir une compensation financière à l’Irlande pour pallier les pertes de revenus fiscaux que pourrait entraîner l’instauration de cette taxe.
Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, l’un des plus fervents partisans de cette taxation, a tenté de trouver un compromis en proposant d’ajouter une « clause de caducité » à ce nouvel impôt. La proposition prévoit de supprimer la taxation dès qu’un accord est trouvé au niveau mondial avec les poids lourds de l’internet. Cette proposition a été accueillie comme une avancée par les partenaires européens.
Malheureusement, cela n'a pas permis de faire avancer les choses d'une manière significative. Aussi, la semaine dernière, Bruno Le Maire a dénoncé les tergiversations de certains pays européens sur l’instauration de cette taxe, prévenant que l’absence de décision pourrait être sanctionnée dans les urnes lors des européennes de mai 2019.
« Les discussions, ça suffit, les palabres ça suffit, les prétextes ça suffit (...) Je veux un accord et surtout je veux une décision », a déclaré le ministre français de l’Economie et des Finances sur Public Sénat. « Des millions de citoyens aujourd’hui ne comprennent plus l’absence de décision » et demanderont des comptes à leurs dirigeants sur les décisions prises pour les protéger et les défendre, et notamment en matière d’équité fiscale, lors de la campagne en vue des élections européennes du 26 mai 2019, a-t-il prévenu.
Pour Bruno Le Maire, « ce qui coince (...) c’est comme toujours en Europe, c’est le manque de volonté politique (car) tous les problèmes techniques ont été réglés ».
Alors que plusieurs Etats membres de l’Union sont encore réticents vis-à-vis d’un projet qui requiert l’unanimité, le ministre français de l’Economie et des Finances en a appelé à la « justice fiscale » et à la nécessité de prouver que l’Europe pouvait décider sur des sujets de « souveraineté »
« Aujourd’hui, il y a une injustice fiscale qui est inacceptable. Les géants du numérique payent en moyenne 14 points d’impôts en moins que les autres entreprises européennes. Personne ne peut accepter cela”, a-t-il dit lors d’un point de presse au Parlement européen.
« C’est à la fois un enjeu de justice fiscale, (...) c’est un enjeu d’efficacité, (...) et il y a enfin un enjeu de souveraineté économique européenne », a-t-il ajouté.
Bruno Le Maire devait rencontrer mardi des responsables de groupes politiques, des commissaires européens et être auditionné par la commission des Affaires économiques et monétaires.
La France souhaite qu’un accord soit trouvé d’ici la fin de la présidence autrichienne de l’Union, si possible lors du sommet des ministres des Finances du 2 novembre et, en tout cas, avant les élections européennes de mai 2019.
La France compte toujours sur l’Allemagne
« Nous avons besoin d’une Europe capable de décider. Je suis convaincu, quand vous voyez aujourd’hui la montée des mouvements extrêmes en Europe, l’une des raisons principales, quel que soit le sujet, c’est le manque de décision européenne », a déclaré le ministre.
La proposition présentée en mars dernier par la Commission européenne prévoit une taxe de 3% sur le chiffre d’affaires des entreprises du numérique affichant un chiffre d’affaires annuel supérieur à 750 millions d’euros au niveau mondial et un revenu annuel de plus de 50 millions d’euros dans l’UE.
Cette taxe serait transitoire, dans l’attente d’un accord mondial sur un mécanisme de taxation des profits des GAFA, accusées de transférer leurs bénéfices vers des États membres à la fiscalité avantageuse comme le Luxembourg ou l’Irlande.
Si le Luxembourg, d’abord hostile, s’est rallié au projet, l’Irlande et les pays scandinaves y restent hostiles, soit par peur de perdre une partie de leurs ressources, soit pour des raisons juridiques et par crainte de représailles de la part des pays partenaires de l’UE.
L’Allemagne, qui avait dès le départ soutenu la proposition française, semble depuis plus réservée, au regard notamment des menaces que font peser les Etats-Unis sur ses exportations.
« L’Allemagne est à l’origine de ce projet. Je ne peux pas imaginer une seconde qu’un engagement pris par le gouvernement allemand puisse être défait », a estimé Bruno Le Maire, en qualifiant de « très constructives » ses discussions avec son homologue allemand Olaf Scholz, qu’il retrouvera vendredi à Berlin pour faire avancer le dossier.
Source : Reuters
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Le , par Stéphane le calme
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