Une étude parue le 13 juin 2018 dans la revue Économie et statistique de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) vient montrer que la réussite en licence dépend en partie du niveau acquis à la fin de l'école primaire. Dans leur étude, les chercheurs Yaël Brinbaum (CNAM), Cédric Hugrée (Cresppa) et Tristan Poullaouec (CENS) analysent le devenir, dix ans après, d’une cohorte de 18 000 élèves entrés en classe de 6e en 1995, et dont 8000 ont débuté des études supérieures.
Après la publication de leur étude, Le Monde a pu recueillir les commentaires de deux des chercheurs dans une interview, ce qui a permis d'avoir plus de précision sur l'impact du passé scolaire et des origines sociales sur la réussite en licence. Cela dit, la réussite en licence est-elle corrélée au passé scolaire de l’étudiant ou à ses origines sociales ? Aux deux, a répondu Cédric Hugrée. La réussite en licence dépend des origines sociales parce que lorsqu'on observe la cohorte de bacheliers, on constate que 71 % des enfants de cadres ou de professions intermédiaires obtiennent une licence, contre 52 % d’enfants d’ouvriers. Et à milieu comparable, on se rend également compte que les enfants d’immigrés obtiennent moins souvent la licence.
La réussite en licence est également corrélée au passé scolaire, et cela est mis en évidence par le fait que « les bacheliers généraux obtiennent majoritairement la licence, contrairement aux bacheliers professionnels ou technologiques », explique Cédric Hugrée dans l'interview accordée au quotidien Le Monde. « Mais la réussite en licence diffère aussi au sein des bacheliers généraux, selon leurs parcours au collège et au lycée, et leur mention, etc. Le fait d’avoir redoublé au collège ou au lycée a clairement un impact », dit-il. « De fil en aiguille, on remonte jusqu’aux évaluations des élèves à l’entrée en 6e en mathématiques et français. Et là, on s’aperçoit que les étudiants dont les résultats étaient faibles en fin de primaire sont certes peu nombreux à être parvenus jusqu’à l’université, mais quand c’est le cas, ils ont beaucoup moins souvent obtenu la licence. »
Mais de ces deux facteurs liés à la réussite en licence, le passé scolaire est le plus déterminant dans la réussite en licence. Tristan Poullaouec explique en effet que si l’obtention de la licence dépend à la fois du passé social et du passé scolaire, « lorsqu’on essaie de mesurer les effets en isolant un seul paramètre, on voit que c’est le passé scolaire qui joue le plus. »
C'est ce que montre le graphique ci-dessous qui illustre certains résultats de l'étude. On peut lire par exemple que 88 % des jeunes inscrits en premier cycle universitaire après avoir obtenu un bac général avec mention obtiennent une licence lorsque leurs parents sont tous les deux employés ou l’un d’entre eux employé et l’autre ouvrier ou inactif. Cette proportion passe à 85 % lorsque leurs deux parents font partie des cadres ou professions intermédiaires.
Ainsi, « ce n’est pas le fait de venir d’un milieu plus populaire qui fait que l’on obtient ou non sa licence, mais plutôt le type de bac, le fait de l’avoir décroché « à l’heure », d’avoir eu une mention ou non, etc. », explique M. Poullaouec.
Les chercheurs insistent toutefois sur les origines sociales qui, selon eux, jouent d’abord en amont, avant la sixième, et surtout pour les enfants des familles populaires. Pour atteindre l'objectif de 50 % de réussite en licence que s'est fixé le gouvernement, ils suggèrent donc de s'intéresser davantage aux jeunes issus des classes populaires.
Tristan Poullaouec soutient en effet que l’école française n'a pas réussi à transmettre équitablement les savoirs scolaires, mais pire, elle aggrave ces inégalités au fil du temps. « Dans le contenu des enseignements, comme dans la formation des enseignants, on suppose trop souvent que les élèves des classes populaires n’ont pas les ressources pour manier l’abstraction, le raisonnement logique et la réflexivité. » Dans l'étude, « nous montrons sous un nouveau jour l’importance des apprentissages à l’école primaire et leurs conséquences sur le temps long pour les élèves. La démocratisation de l’enseignement supérieur passe donc par la lutte contre les inégalités scolaires à l’école primaire », dit-il. Dans la même idée que son collègue, Cédric Hugrée ajoute que l’expérience montre qu’une bonne entrée dans les savoirs élémentaires annule quasiment le désavantage des étudiants issus des classes populaires.
Sources : Le Monde, Rapport de l'étude
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Le , par Michael Guilloux
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