L'année dernière, les avocats d'Apple ont envoyé une lettre à Henrik Huseby, le propriétaire d'un petit atelier de réparation d'appareils électroniques en Norvège, lui demandant d'arrêter immédiatement d'utiliser des écrans d'iPhone de rechange dans son entreprise de réparation.
Les douaniers norvégiens avaient saisi une cargaison de 63 écrans de remplacement pour iPhone 6 et 6S en route vers la boutique d'Henrik depuis l'Asie et avaient alerté Apple, la compagnie a dit qu'ils étaient contrefaits.
Afin d'éviter d'être poursuivi en justice, Apple a demandé à Huseby « des copies de factures, des listes de produits, des formulaires de commande, des informations de paiement, des impressions sur Internet et autres documents pertinents concernant l'achat [d'écrans], y compris des copies de toute correspondance avec le fournisseur ... nous nous réservons le droit de demander d'autres documents à une date ultérieure. »
La lettre, envoyée par Frank Jorgensen, un avocat du cabinet d'avocats Njord pour le compte d'Apple, comprenait un accord de règlement qui lui notifiait également que les écrans seraient détruits. L'entente de règlement stipulait que Huseby acceptait de ne pas fabriquer, importer, vendre, commercialiser ou traiter de quelque façon que ce soit des produits qui portent atteinte aux marques d'Apple, et lui demandait de payer 27 700 couronnes norvégiennes (2896 euros) pour mettre fin au problème sans passer par un procès.
« Le droit de la propriété intellectuelle est un domaine de droit spécialisé, et dans de nombreux cas, il est recommandé de demander un avis juridique », a fait valoir Jorgensen dans la lettre accompagnant l'accord de règlement. « Cependant, nous pouvons vous informer que d'autres procédures et coûts peuvent être évités en réglant l'affaire. »
Néanmoins, Huseby a choisi d’aller au tribunal.
« C'est une lettre sur laquelle je ne mettrai jamais ma signature », a déclaré Huseby dans un courriel. « Ils ont lancé toutes sortes de réclamations contre moi, me balançant des articles de loi, ont agi amicalement parce qu’ils voulaient simplement que je signe cet accord pour que tout soit terminé. J'avais un bon avocat qui comprenait parfaitement le problème, faisait de bonnes recherches et lisait la loi correctement », a-t-il rajouté.
Apple l'a donc poursuivi. Selon les médias locaux, Apple a envoyé cinq avocats dans la salle d'audience pour cette affaire.
Cela n’a pas empêché Huseby de remporter le procès. Selon les documents de la Cour, Huseby est propriétaire de l’entreprise PCCompanet. Cette dernière, dont l’activité consiste à réparer des PC cassés ainsi que des appareils mobiles parmi lesquels ceux d’Apple, est complètement légale. Aussi, Huseby a fait valoir qu’Apple ne peut pas revendiquer le monopole de réparation de ses propres produits.
Sans compter que la société a refusé de vendre des pièces Apple d'origine à d’autres réparateurs que ceux qu’Apple a elle-même agréés.
Le document nous apprend également que, parce qu’Apple refusait de lui vendre des pièces tant que sa boutique n’était pas agréée, Huseby a commandé ses pièces de Chine, même si les pièces ne sont pas d’une aussi bonne qualité que les pièces originales. Il affirme que son entreprise n’a pas fait porter les logos d’Apple sur ces écrans et n’a aucun intérêt à le faire.
Le tribunal a estimé qu’il n’y a pas de contrefaçon de marque et donc la destruction de ces matériaux n’est pas légitime, donnant ainsi raison à Huseby. Ce dernier a également demandé une indemnisation pour la perte qu’il a subie du fait de la détention de ces écrans, estimant à 1000 couronnes par écran (105 euros par écran), mais la Cour a estimé qu’il n’a pas fourni de documentation suffisante pour permettre à la Cour de statuer sur ces estimations.
Apple a fait appel de la décision devant un tribunal supérieur; le tribunal n'a pas encore décidé d'accepter l'appel.
Des iPhone hors de prix qu'on ne peut pas réparer soi-même, construits dans des usines de montage où des travailleurs chinois décrivent des conditions extrêmement difficiles, avec une obsolescence programmée et qui intègrent des verrous logiciels qui empêchent la réparation, et ce, avec une marge de près de 200 %, est-ce que Apple ne pousse pas le bouchon un peu trop loin ?
Sources : DN, décision de justice, MB
Et vous ?
Cette affaire vient-elle souligner l'importance de généraliser le Fair Repair Act (le droit des utilisateurs de réparer - entre autres - leurs iPhone) ?
Voir aussi :
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Le , par Stéphane le calme
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