En juin dernier, La Commission européenne a infligé une amende record de 2,42 milliards d’euros à l’entreprise technologique américaine Google pour abus de position dominante sur le marché des moteurs de recherche. Elle estimait que Google et Alphabet avaient, de manière intentionnelle ou par pure négligence, violé les règles anticoncurrentielles de l’UE et étaient parfaitement conscients du fait que ce comportement constituait une infraction les exposants à des sanctions.
Le montant de l’amende en question avait été calculé en se basant sur la valeur des recettes que la filiale d’Alphabet réalise grâce à son service de comparaison de prix qui est déployé dans 13 pays de l’EEE, à savoir : l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, l’Italie, les Pays-Bas, l’Espagne, la Pologne, la République tchèque, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, la Norvège et la Suède). Ce montant tenait également compte des ventes provenant des résultats des produits achetés et des pubs affichées sur le site Web de Google Shopping.
La commission reprochait à la firme de Mountain View qui, il faut le rappeler, contrôle plus de 80 % du marché de la recherche en ligne dans la plupart des pays européens d’avoir systématiquement favorisé son propre service de comparaison de prix et rétrogradé ceux de ses concurrents.
À ce propos, Margrethe Vestager, la commissaire en charge de la politique de concurrence, avait déclaré : « ce que Google a fait est illégal au regard des règles de concurrence de l’UE. Elle a empêché les autres sociétés de livrer concurrence sur la base de leurs mérites et d’innover. Et surtout, elle a empêché les consommateurs européens de bénéficier d’un réel choix de services et de tirer pleinement profit de l’innovation. »
D’après les dernières informations fournies par le média Bloomberg, il semblerait qu’en sanctionnant aussi sévèrement Google, l’UE voulait surtout envoyer un signal fort aux autres géants d’Internet afin que ceux-ci évitent à l’avenir de suivre la voie empruntée par Google et qu’ils prennent d’ores et déjà leurs dispositions pour rester dans la légalité. La lourde peine infligée à la filiale d’Alphabet devait non seulement servir d’exemple, mais aussi créer un « effet dissuasif » suffisamment fort pour inciter les autres entreprises du secteur à se conformer aux exigences de l’UE. Mais des voix s’élèvent déjà pour remettre en cause la sentence de la Commission qu’ils jugent inadéquate et disproportionnée.
« Il était nécessaire de veiller à ce que l’amende ait un effet suffisamment dissuasif non seulement sur Google et Alphabet, mais aussi sur les autres entreprises de cette envergure disposant de ressources similaires », a souligné la Commission européenne dans un rapport de 215 pages. Cette dernière a ajouté que le chiffre d’affaires « particulièrement important » d’Alphabet, la société mère de Google, a influencé le montant final de l’amende. Les modalités exactes ayant permis de fixer ce chiffre n’auraient cependant pas été complètement divulguées dans ce document. En effet, sa valeur initiale aurait été multipliée par un nombre non spécifié dans le rapport afin de fixer le montant final.
« Il est assez surprenant qu’on entende parler de dissuasion alors que, dans l’affaire de Google en l’occurrence, les faits décrits sont nouveaux », a déclaré Dirk Auer, chercheur à l’Institut de la concurrence et de l’innovation de l’Université de Liège. D’après lui, « les amendes importantes ne pourraient avoir un effet dissuasif que si les entreprises ont conscience que leur comportement peut constituer une violation de la loi », a-t-il ajouté. Et il lui semble que ce n’est pas le cas dans le dossier actuel impliquant la firme de Mountain View.
« Je me demande s’il était même raisonnable que la commission impose une amende », a déclaré Damien Geradin, professeur au Centre de droit et d’économie de l’Université de Tilburg. Ce dernier estime que les explications fournies par les régulateurs ne justifient pas qu’il ait fallu gonfler de cette manière la note de Google. D’après lui, « le montant total d’une amende devrait refléter la gravité de l’infraction » et tout porte à croire que le comportement reproché à Google n’était pas suffisamment grave pour entrainer une sanction de cette ampleur.
Signalons au passage que, suite à cette condamnation, Google a déposé un recours pour contester cette condamnation. Les premières informations ayant filtré suggèrent que le Tribunal général de l’UE devrait prendre plusieurs années pour se prononcer sur le cas. Malgré tout, Google n’aurait pas demandé un ordre provisoire pour suspendre la décision de l’UE. Cela signifie que l’entreprise devra payer, mais pourra se faire rembourser si l’amende est revue à la baisse ou annulée. Google pourrait aussi offrir une garantie bancaire à la Commission, en mettant l’argent sur un compte bloqué dans une banque, jusqu’à ce que la décision finale tombe. Pour sa part, le régulateur européen de la concurrence dit être prêt à défendre sa décision devant le tribunal.
Malgré son désaccord avec la sanction prise à son encontre et le fait que la société a déjà initié un recours en justice pour contester cette décision, Google a confié avoir « mis en place un système pour assurer l’égalité de traitement pour les concurrents comme l’a ordonné la CE ». « Nous avons pleinement coopéré avec la Commission européenne au cours de ces sept années d’enquête sur les pratiques concurrentielles », a ajouté l’entreprise et « nous maintenons que nos innovations dans les achats en ligne ont été bonnes pour les acheteurs, les détaillants et la concurrence en général ».
Source : Bloomberg
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L'amende de 2,42 milliards d'euros infligée à Google par l'UE devait avoir un effet dissuasif,
Mais des experts la jugent excessive et inadéquate
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Le , par Christian Olivier
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