Apple Park, siège social d'Apple situé à Cupertino en Californie
La firme de Cupertino est l’une des entreprises qui ont le plus profité des avantages fiscaux offerts par l’Irlande, ces avantages jugés illégaux par la Commission européenne ont été la raison d’un bras de fer entre Bruxelles et le géant américain après que ce dernier a été contraint à un redressement fiscal de 13 milliards d’euros, une somme que la pomme refuse toujours de payer.
Maintenant que cette stratégie nommée le double irlandais (ou la doublette irlandaise) semble se renfermer, Apple a décidé de transférer ses fonds dans d’autres endroits où elle ne sera pas contrainte à payer des impôts. Beaucoup de firmes logent leurs capitaux dans des paradis fiscaux, ce phénomène particulièrement mondial hante les décideurs et les régulateurs. Mais quand il s’agit d’un géant comme Apple, on parle bien de sommes monstrueuses, c’est ce qu’a révélé cette enquête puisque la firme a choisi de transférer 128 milliards de dollars hors de portée du fisc. Apple fait désormais transiter ses bénéfices par l’île de Jersey, un des paradis fiscaux les plus notoires et qui dépend de la couronne britannique.
Le trésor de guerre d’Apple dépasse les 245 milliards de dollars qui sont logés en dehors des États-Unis dans des paradis fiscaux. Afin de se prémunir contre le taux d’imposition de 35 % sur les bénéfices tirés à l’étranger et imposé par la loi américaine, la firme a préféré par le passé recourir à l’endettement plutôt que de rapatrier ses capitaux sur le sol américain. Cette situation fort exorbitante a poussé l’administration Trump à proposer un plan d’amnistie fiscale qui propose de taxer ces sommes à hauteur de 10 % seulement, mais cette réforme fiscale doit encore passer par le congrès.
En tant qu’une des firmes les plus importantes du monde, Apple a toujours été critiquée pour son recours aux montages fiscaux afin de ne pas payer d’impôts. Dans un rapport publié par le Sénat américain, la firme aurait évité de payer 44 milliards de dollars d’impôts sur ses bénéfices tirés à l’étranger sur la période allant de 2009 à 2012. Le rapport a conclu que l’entreprise a tiré profit de sa situation avantageuse en Irlande et le taux d’imposition faible comparé aux États-Unis.
Trouver le bon refuge
Depuis les années 90, les multinationales basées aux États-Unis ont de plus en plus passé leurs profits dans des paradis fiscaux. Ces paradis constitués principalement des Bermudes, l’Irlande, le Luxembourg et les Pays-Bas représentent aujourd’hui 63 % de tous les profits déclarés par les firmes américaines à l’étranger, selon une étude de Gabriel Zucma, professeur assistant d’économie à l’Université de Californie, Berkeley. Ces destinations comptent toutefois moins de 1 % de la population mondiale.
Les critiques adressés envers ces montages financiers ont été souvent ignorés jusqu’à l’avènement de la crise financière de 2008 qui a mis la pression sur les gouvernements de finance du monde. Les gouvernements ont aussitôt promis de renforcer le contrôle et les réformes.
En Irlande, la loi permet aux entreprises d’échapper aux impôts si elles parviennent à convaincre les autorités qu’elles sont « gérées et contrôlées » à l’étranger. En démontrant que ses filiales en Irlande sont pilotées depuis son siège en Californie, Apple a pu éviter la résidence fiscale.
En même temps, la loi américaine a statué que les filiales sont considérées résidentes aux États-Unis seulement si les sociétés sont constituées sur le sol américain. Le gouvernement fédéral américain permet aux paiements d’impôts sur tout profit généré à l’étranger d’être retardés pendant une période de temps indéfinie, aussi longtemps que les bénéfices continuent d’être logés à l’étranger.
L’Irlande qui a longtemps défendu ses politiques de faible imposition fiscale a été contrainte en octobre 2013 à répondre à la pression internationale. Le ministre irlandais de finances a annoncé que les entreprises irlandaises doivent déclarer leur domicile fiscal quelque part dans le monde.
Durant ce temps, Apple avait accumulé 111 milliards de dollars de profits offshore, transitant principalement par ses filiales en Irlande. Des milliards de dollars de nouveaux bénéfices continuaient à arriver chaque année sans qu’ils aient à payer d’impôts.
Les dirigeants de la firme n’ont pas voulu changer ce modèle, alors Apple a cherché d’autres dispositions à son arrangement avec l’Irlande, mais en toute discrétion.
« Pour ceux d’entre vous qui ne le savent pas, Apple est sensible à la question de publicité, » a écrit en mars 2014 Cameron Adderley, chef du département corporate d’Appleby aux autres responsables partenaires. « Ils s’attendent également à ce que le travail réalisé pour eux soit discuté seulement avec les personnes qui doivent savoir. »
En préparant le nouveau refuge fiscal d’Apple, Appleby a servi en tant que contractant. Un architecte clé de ce montage a été Baker Mckenzie, un énorme cabinet d’avocats basé à Chicago. Ce cabinet a la réputation de créer des structures offshore pour les multinationales et les défendre devant les autorités de régulation. Ce cabinet a également combattu des propositions internationales pour entrer des mesures de répression contre l’évasion fiscale.
Baker McKenzie a voulu exploiter un local d’Appleby afin de maintenir un arrangement offshore pour Apple. Pour Appleby, cette attribution a constitué une énorme opportunité pour le cabinet afin de briller à un niveau international à côté de Baker McKenzie, a dit M. Adderley.
Après avoir comparé la situation dans différentes localisations, Apple a décidé de choisir l’île de Jersey pour accueillir sa nouvelle structure fiscale offshore. Cette île rattachée à la couronne britannique compte 100 000 habitants seulement, a ses propres lois et n’est pas soumise à l’ensemble des lois de l’Union européenne, ce qui fait d’elle un paradis fiscal très plébiscité.
L’ICIJ n’a pas publié tous les documents qu’il a reçus, toutefois, il a noté que Jersey n’impose aucun impôt sur les sociétés sur la plupart des entreprises. Deux des trois filiales d’Apple en Irlande ont alors été déclarées résidentes sur l’île. La troisième société, Apple Operations Europe, est toujours assujettie sur le sol irlandais.
L’ICIJ a conclu qu’Apple « a continué à bénéficier de faibles taux d’imposition sur la plupart de ses bénéfices et possède la plupart de ses profits en dehors des États-Unis (252 milliards de dollars). Pendant ce temps, les mesures entreprises par le gouvernement irlandais n’ont eu qu’un effet minime. »
À l’heure que ces fuites continuent d’illustrer l’ampleur du phénomène de l’optimisation fiscale, Apple comme d’autres sociétés multinationales continue à recourir à des montages de plus en plus sophistiqués pour payer le moins d’impôts possible. En réalité, une firme comme Apple est si puissante qu’elle se donne le droit de négocier ses propres taux d’imposition.
Source : ICIJ - The New York Times
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Voir aussi :
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