Les cabinets d'avocats spécialisés conseillent les entreprises et les particuliers sur les meilleures façons de réduire leur taux d'imposition et les aident à élaborer leurs montages fiscaux, au sein d'un pays donné comme à l'international. Dans le cas des Panama Papers, c'est le cabinet Mossack Fonseca qui était en première ligne. Dans celui des Paradise Papers, les données sont essentiellement issues d’un cabinet international d’avocats, Appleby, basé aux Bermudes, mais aussi d’Asiaciti Trust, installé à Singapour.
Au total, 13 millions de fichiers pour un poids de 1,4 To. Si les Paradise Papers font près de la moitié du volume des Panama Papers, elles contiennent en revanche beaucoup plus d'informations que d'autres fuites. Les millions de documents ont été obtenus par le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, puis partagés avec le Consortium international des journalistes d’enquête (ICIJ) et ses partenaires médias.
Fort des expériences précédentes, le Consortium international des journalistes d’enquête a permis aux médias d’échanger leurs trouvailles en toute confidentialité sur une plateforme informatique sécurisée. Une collaboration à grande échelle, avec pour mot d’ordre le « partage extrême », qui a permis de réaliser cette enquête de grande envergure.
Les Paradise Papers ouvrent aussi l’accès à des registres d’entreprises de 19 territoires reconnus pour leur opacité. Il s’agit notamment de :
- Antigua-et-Barbuda
- Aruba
- Bahamas
- Barbade
- Bermudes
- Dominique
- Grenade
- Îles Caïmans
- Îles Cook
- Îles Marshall
- Labuan
- Liban
- Malte
- Saint-Kitts-et-Nevis
- Saint-Vincent
- Sainte-Lucie
- Samoa
- Trinité-et-Tobago
- Vanuatu.
Appleby, qui emploie plus de 700 personnes, a un chiffre d’affaires annuel de plus de 125 millions dollars. Le groupe a démarré ses activités vers la fin des années 1890, aux Bermudes. Aujourd’hui, ses bureaux sont éparpillés un peu partout dans le monde, autant en Amérique qu’en Europe et en Asie.
La plupart des clients Appleby se retrouvent aux États-Unis, au Royaume-Uni et aux Bermudes comme le montre ce graphique.
Ses clients sont d’horizons divers : des particuliers (homme politique, célébrité, chef d’entreprise, etc.) comme des entreprises de divers secteurs. On retrouve notamment la populaire compagnie Apple. En 2013, une enquête du Sénat américain a déterminé que l’inventeur de l’iPhone avait évité de payer des dizaines de milliards de dollars en impôts grâce à ses filiales en Irlande, où elle avait négocié un taux d’imposition de moins de 2 %. La compagnie s’est donc tournée vers le cabinet Appleby pour trouver une autre manière de profiter d’avantages fiscaux. Apple dit avoir expliqué aux autorités sa nouvelle structure d’affaires et que cela ne réduisait pas ses impôts dans aucun pays.
Il est important de se rappeler que ce n’est pas parce que des personnes ou des entreprises se retrouvent dans les Paradise Papers qu’ils ont commis des actes illégaux ou immoraux. En effet, lorsque l’optimisation fiscale est évoquée, il faut y voir un mécanisme consistant à utiliser les instruments juridiques existants, au niveau national comme au niveau international, afin de réduire sa facture fiscale. Cette stratégie, licite – à défaut d'être toujours morale – ne doit pas être confondue avec la « fraude fiscale », qui résulte d'une action illégale et délibérée pour ne pas payer ou payer moins d'impôts.
D’ailleurs, comme le fait remarquer Le Monde, contrairement aux « Panama Papers », cette nouvelle enquête concerne moins le blanchiment d’argent sale, issu de la fraude fiscale et d’autres activités illicites (trafics d’armes, de drogue…), que des schémas légaux montés par des bataillons d’experts en optimisation fiscale. L’argent, ici, a le plus souvent été soustrait à l’impôt de façon légale ou aux frontières de la légalité, grâce aux failles du système fiscal international.
Selon les calculs spécialement effectués pour Le Monde et l’ICIJ par Gabriel Zucman, économiste français et professeur à l’université de Berkeley en Californie, l’évasion fiscale des entreprises et des grandes fortunes coûte 350 milliards d’euros de pertes fiscales par an aux États du monde entier, dont 120 milliards pour l’Union européenne. Le manque à gagner pour la France atteint 20 milliards d’euros par an. C’est la première fois qu’une estimation aussi fine et globale est réalisée.
Source : Radio Canada, Le Monde