Le nouveau coronavirus continue de se propager avec plus de 200 pays et territoires touchés à ce jour. Pour ralentir la vitesse des infections, les gouvernements adoptent des mesures strictes de surveillance des populations que personne n’aurait imaginé dans certains des pays il y a seulement quelques mois. C’est dans ce contexte qu’un responsable des Nations Unies met garde contre une menace à long terme pour la vie privée dans le cadre de cette surveillance pour faire respecter les mesures de confinement contre le coronavirus.
Plus de 846 000 personnes ont été infectées par le nouveau coronavirus dans le monde et 41 482 en sont mortes, selon un rapport du WorldOmeter, un site Web qui calcule en temps réel des données relatives à la population mondiale. La pandémie de coronavirus a conduit les gouvernements à se déclarer essentiellement sur le pied de guerre - de nombreux hommes politiques faisant référence à un ennemi ou un agresseur "invisible".
Dans une tentative de rompre la chaine des infections par le virus, même les pays considérés comme les démocraties les plus libérales du monde ont mis en place des mesures de quarantaine qui semblaient impensables, coupant certaines parties de leur pays des autres et privant les populations de tout déplacement. Pour faire respecter ces mesures, les responsables de plusieurs gouvernements se sont tournés vers des technologies plus autoritaires : de la reconnaissance faciale à la localisation des téléphones pour tracer les infections et surveiller la population tout en appliquant des mesures de confinement et de quarantaine.
Cependant, le danger est que les mesures mises en place pour protéger les citoyens dans des circonstances exceptionnelles, alors que la plupart des gens reconnaissent qu'elles sont nécessaires, puissent survivre à la crise actuelle, a déclaré Joseph Cannataci, le rapporteur spécial des Nations unies sur le droit à la vie privée.
« Les dictatures et les sociétés autoritaires commencent souvent face à une menace », a déclaré M. Cannataci à la Fondation Thomson Reuters. « C'est pourquoi il est important d'être vigilant aujourd'hui et de ne pas céder toutes nos libertés », a-t-il ajouté d’après The Independent.
Selon M. Cannataci, bien qu'il soit difficile d'évaluer correctement chaque mesure pendant que la pandémie se poursuit, des garde-fous devraient être mis en place pour garantir que les réponses soient nécessaires et proportionnées. Il a déclaré à la fondation que les mesures de surveillance devraient être inscrites dans la loi et clairement limitées dans le temps.
Les technologies de surveillance mises en place par certains gouvernements
Avec des infections signalées à travers le monde depuis que les premiers cas ont été identifiés en Chine en décembre 2019, les gouvernements ont adopté diverses mesures pour endiguer la contagion.
La Chine, qui a longtemps imposé des technologies restrictives à ses citoyens, semble être sortie de sa première vague d'infection transmise à l'intérieur du pays après des mois de mesures de quarantaine fortement policées dans les régions les plus touchées, d’après The Independent.
En plus d'utiliser des drones et la reconnaissance faciale – qu'elle utilise déjà pour surveiller les musulmans ouïgours dans la province du Xinjiang, selon The Independent –, la Chine a introduit un système obligatoire de feux de circulation qui utilise une application mobile pour déterminer si les gens peuvent se déplacer ou se rencontrer. Les citoyens sont encouragés à utiliser une application de suivi pour smartphone, et les personnes classées en rouge ou en jaune sur l'application ne sont pas autorisées à voyager ou à visiter des lieux publics, tels que les restaurants ou les centres commerciaux, pendant 14 jours respectivement.
Israël a permis à son agence antiterroriste de surveiller les données de localisation des téléphones – généralement utilisé sur les Palestiniens, selon The Independent – pour alerter les personnes qui peuvent avoir été en contact avec une personne infectée ou pour signaler aux porteurs du virus qu’ils ont violé les règles de la quarantaine. « Nous allons très bientôt commencer à utiliser la technologie, les moyens numériques que nous avons utilisés pour lutter contre le terrorisme », tels ont été les mots employés par le Premier ministre d'Israël Benjamin Netanyahu.
Singapour a lancé une application de recherche de contacts sur smartphone pour aider à identifier ceux qui ont été exposés à des personnes infectées. L’innovation technologique des autorités de Singapour pour le suivi des mouvements est l’introduction d’une application dénommée TraceTogether. Elle utilise la technologie Bluetooth pour noter les contacts étroits des citoyens – les personnes dont ils se sont approchés à moins de 2 mètres et avec lesquelles ils ont passé au moins 30 minutes.
Le gouvernement sud-coréen, qui a été largement salué pour ses efforts visant à ralentir la propagation de l'épidémie, a initialement publié des informations très détaillées sur les cas confirmés, notamment l'âge, le sexe et les trajets quotidiens. Ce qui a permis aux développeurs Web d’établir des cartes détaillées des mouvements des citoyens en utilisant la vidéosurveillance, le suivi téléphonique et la localisation des transactions bancaires.
Au Royaume-Uni, les défenseurs de la vie privée ont averti Whitehall qu'il pourrait chercher à utiliser les données de localisation anonymes des clients pour cartographier les mouvements des personnes – une affirmation que la compagnie de téléphone O2 a démentie.
Selon The Independent, la police britannique n'a reçu l'ordre d'arrêter et d’infliger une amende aux gens qu'en "dernier recours", après que certaines forces aient été critiquées pour leurs tactiques. La police de Warrington a déclaré qu'elle avait délivré six citations à comparaître pour des infractions telles que le fait d'acheter des "articles non essentiels" et de "sortir en voiture par ennui", tandis que la police du Derbyshire a admis avoir utilisé des drones pour surveiller les citoyens qui se promènent dans les collines du Peak District, a rapporté The Independent.
L'ancien juge de la Cour suprême Lord Sumption a comparé l'application des mesures de confinement du Premier ministre Boris Johnson à « un état policier », tandis que l'avocat des droits de l'homme Jules Carey a accusé les forces de police trop zélées de contribuer à un « sentiment dystopique de la société ».
Les outils volontaires, tels que les applications de suivi des appels téléphoniques nécessitant le consentement des utilisateurs, devraient être privilégiés
M. Cannataci a averti que les données obtenues par le suivi téléphonique pourraient être utilisées à mauvais escient ou volées pour diffamer les minorités ethniques, religieuses ou sexuelles vulnérables, les exposant ainsi au risque de violence et de discrimination. Selon lui, si les données sanitaires peuvent être utiles pour évaluer la vulnérabilité des citoyens au Covid-19, elles pourraient également être utilisées de manière abusive pour identifier les personnes séropositives dans les pays où cette maladie est considérée comme un indicateur d'homosexualité et où l'homophobie est répandue.
« Nous devons être très prudents dans l'utilisation de ces outils », a déclaré M. Cannataci. « Et les citoyens doivent utiliser tous les moyens dont ils disposent pour influencer à la fois les politiques et les lois qui les concernent ».
Les gouvernements devraient privilégier les outils volontaires - tels que les applications de suivi des appels téléphoniques nécessitant le consentement des utilisateurs - plutôt que des pouvoirs de surveillance plus étendus, a déclaré M. Cannataci, avant d’exhorter les pays à mettre en place des organes indépendants pour superviser ces mesures. « Toute forme de données peut être mal utilisée de manière incroyablement mauvaise », a-t-il déclaré. « Si vous avez un dirigeant qui veut abuser du système, le système est là », a-t-il indiqué.
La mise en garde du responsable de l’ONU intervient alors qu’un groupe d’experts de l'UE préparent une technologie autour des smartphones, décrite comme une initiative respectueuse de la vie privée, pour aider à stopper la propagation du coronavirus. L’initiative, baptisée Pan-European Privacy Preserving Proximity Tracing (PEPP-PT), consiste en la collecte de données via des smartphones pour savoir avec qui une personne atteinte du virus a été en contact étroit, ce, pour pouvoir ensuite alerter les personnes à risque.
Le projet, qui mobilise 130 experts, doit déboucher sur la mise sur pied d’une plateforme technologique sous licence d’ici le 7 avril prochain. Celle-ci servira de base à diverses applications dont le déploiement débutera à peu près une semaine plus tard.
Bien que certains gouvernements aient déjà déployé des technologies de surveillance de masse au niveau national et international bien avant cette crise, espérons que ce nouveau déploiement de surveillance, non encadré par la législation, soit abandonné une fois que l’urgence sanitaire sera terminée.
Source : The Independent
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Le , par Stan Adkens
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