TikTok, le troisième réseau social le plus utilisé dans le monde des adolescents, aurait demandé à ses modérateurs de supprimer de la plateforme les publications conçues par des utilisateurs jugés comme trop « laids », présentant des traits de pauvreté ou de handicap. Cette révélation vient des documents internes appréhendés récemment par The Intercept qui indique aussi d’autres sources auprès des modérateurs mêmes de TikTok.
Cela s’ajoute alors à des informations divulguées (par Netzpolitik) selon lesquelles la plateforme de partage de courtes vidéos ordonnait également aux modérateurs de censurer les publications des utilisateurs en situation de handicap. Les autres documents indiquent d’ailleurs que ce réseau social pratique aussi une forte censure contre les discours politiques susceptibles de nuire à l’image des dirigeants et autorités politiques et religieux chinois.
Dorénavant, ByteDance, le créateur de TikTok, a pour ambition d’élargir davantage l’audience de son réseau social en développant une politique assez pointue pour attirer de nouveaux utilisateurs. Dans cet ordre d’idées, la stratégie adoptée est de ne diffuser dans la catégorie « For you » de la plateforme que des séquences vidéo considérées comme attrayantes.
De ce fait, certaines caractéristiques particulières de personnes figurant dans ces vidéos sont mises à l’index : être peu attrayant, présentant des signes de pauvreté ou autres traits indésirables risque de réduire le taux de rétention de nouveaux utilisateurs, selon le document interne intercepté. Cette considération prendrait davantage d’importance lorsque l’utilisateur constitue le point focal du clip à publier. Une apparence moins bonne du personnage ou encore de l’environnement de fond d’une séquence vidéo rendrait cette dernière sans valeur pour être recommandé aux utilisateurs.
Dès lors, en vertu de cette politique, les modérateurs ont reçu explicitement l’ordre de supprimer tout clip uploadé par des utilisateurs qui présentent des défauts physiques manifestement désagréables à voir. Plus précisément, cela concerne, toute forme corporelle anormale, le nanisme, les regards moches du visage, le ventre de bière, les rides, les défauts oculaires visibles, ainsi que de nombreux autres traits de « faible qualité ». Un seul de ces critères suffit à faire écarter une vidéo de la plateforme de TikTok. Il en est de même pour l’environnement de prise de vue, quand celui-ci présente une apparence médiocre, met en scène un milieu délabré, comme les bidonvilles, les champs ruraux (sauf s’il s’agit de beaux paysages), les logements en piètre état, etc.
Le document interne, en chinois et traduit en anglais, indique aux modérateurs de prêter une attention particulière lorsqu’il est question de vidéo tournée à l’intérieur d’une habitation. Il faudrait éviter tout clip où figurent des éléments annonçant la pauvreté, ce qui exige un scan minutieux de chaque séquence vidéo pour détecter la présence éventuelle d’image de fissure sur le mur, de vieille décoration peu recommandable, par exemple. TikTok devrait conserver un air ambitieux pour attirer et retenir de nouveaux utilisateurs, alors que ce type d’environnement peu attrayant ne serait pas adapté à ces derniers.
Le porte-parole de TikTok, Josh Gartner, a déclaré que cette politique ainsi évoquée dans ce document appréhendé par Intercept est similaire à celle qui faisait l’objet d’une publication également par Netzpolitik en décembre 2019. En fait, l’on rappelle que, dans cette publication, TikTok a été accusé de supprimer artificiellement l’accès aux vidéos mises en ligne par des personnes en situation de handicap, en surpoids, et par les utilisateurs LGBT.
Gartner explique que cette censure représentait un effort « pour prévenir l’intimidation », et que cette pratique n’est plus mise en œuvre au moment où The Intercept a reçu ces documents internes. Toutefois, objectivement, l’on constate que ces documents nouvellement appréhendés rapportent d’autres éléments au-delà de ce qui a été évoqué par Netzpolitik (suppression des contenus publiés par des personnes laides et pauvres). De plus, ces documents ne contiennent aucune mention faisant allusion à l’anti-intimidation : bien au contraire, l’accent est surtout mis sur la rétention de nouveaux utilisateurs.
L’on note d’ailleurs que la popularité de TikTok augmente exponentiellement, notamment auprès des adolescents. Ainsi, cette plateforme revendique 800 millions d’utilisateurs actifs par mois et plus de 700 millions de nouveaux téléchargements en 2019. Mais le gouvernement américain se méfie de ce réseau social que Washington considère comme faisant progresser les objectifs de la politique étrangère de Pékin.
Sources : The Intercept, Netzpolitik
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TikTok ordonne aux modérateurs de supprimer les publications des gens laids ou pauvres,
Selon des documents internes de l'entreprise
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Le , par Victor Alisson
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