
« Dans les usines, loin de chez eux, ils vivent généralement dans des dortoirs séparés, suivent une formation organisée en mandarin et en idéologie en dehors des heures de travail, sont soumis à une surveillance constante et n'ont pas le droit de participer à des pratiques religieuses », note le rapport.
Ces usines fournissent au moins 83 grandes marques connues dans les secteurs de la technologie, de l'habillement et de l'automobile. Parmi elles figurent notamment Apple, Samsung, Huawei ou Foxconn.
Apple particulièrement pointé du doigt
Parmi ces usines, l'ASPI a pointé celles de la société O-Film, qui fournit les caméras selfie pour l'iPhone 8 et l'iPhone X d'Apple, ainsi que des modules de caméras et des composants d'écran tactile pour Huaweil, Lenovo, Samsung ainsi que d'autres marques bien connues.
L'une des usines du fournisseur, située à Guangzhou, a été visitée par Tim Cook, le CEO d'Apple entre le 28 avril et le 1er mai 2017. Il avait alors félicité O-Film pour son « approche humaine envers les employés » et affirmé que les travailleurs étaient « capables de gagner de la croissance à l'entreprise, et de vivre heureux », dans un communiqué actuellement supprimé.
Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'avant cette visite, 700 Ouïghours auraient été transférés de Xinjiang vers une autre usine d’O-Film à Nanchang, dans la province de Jiangxi. Et en octobre 2017, le gouvernement de Hotan, dans le Xinjiang, avait même informé le fournisseur la possibilité de fournir 1 300 travailleurs supplémentaires.
Une publication de Tim Cook dans le réseau social chinois Weibo, lors de sa visite à Guangzhou
Foxconn emploie aussi des Ouïghours dans son usine de Zhengzhou. D'après un document officiel, 560 ouvriers appartenant à la minorité ont été transférés pour travailler dans la province centrale du Henan, où se situe l'usine du fournisseur de composants pour Apple, Dell ou Sony. D'ailleurs, cette manufacture fabriquerait la moitié des iPhone du monde, c'est pourquoi Zhengzhou est surnommée la « ville de l'iPhone ». D'après un rapport l'ONG China Labor Watch sorti en septembre dernier, les ouvriers de cette usine font au moins 100 heures supplémentaires par mois.
Une autre usine, cette fois-ci située dans la province de Hubei, et appartenant à la société Hubei Yihong, est également pointée par l'ASPI. Le 17 mai 2018, celle-ci a accueilli 105 travailleurs ouïghours en provenance du comté de Keriya, dans le Xinjiang. L'usine fabrique des rétroéclairages et des couvercles de batterie destinés à plusieurs clients, dont Apple et Huawei.
En 2017, Hefei Highbroad Advanced Material a signé un contrat avec le gouvernement Hotan pour accueillir 1 000 Ouïghours chaque année pendant les trois prochaines années, avait déclaré son vice-président. Et dans son rapport annuel 2018, la société a indiqué avoir fabriqué principalement des composants pour des écrans LCD et OLED utilisés dans des smartphones, tablettes et ordinateurs. Highbroad fournit notamment Japan Display, LG Display, Dell, Lenovo, Samsung ou Sony. 79,19 % de ses revenus d'exploitation proviennent des ventes à la multinationale BOE Technology, un des principaux fournisseurs d'écrans de Huawei et d'Apple.
En réaction à ce rapport, John Rosentock, porte-parole d'Apple a déclaré dans le Washington Post : « Apple est déterminé à garantir que chaque membre de notre chaîne d'approvisionnement soit traité avec la dignité et le respect qu'il mérite. Nous n'avons pas vu ce rapport, mais nous travaillons en étroite collaboration avec tous nos fournisseurs pour garantir le respect de nos normes élevées ».
Les recommandations de l'ASPI
L'ONG a formulé plusieurs recommandations à l'intention du gouvernement chinois, des entreprises visées, des consommateurs et des gouvernements étrangers.
Premièrement, « le gouvernement chinois doit faire respecter les droits civiques, culturels et du travail inscrits dans la Constitution et les lois nationales, mettre fin à la détention extrajudiciaire des Ouïghours et des autres minorités musulmanes du Xinjiang, et veiller à ce que tous les citoyens puissent déterminer librement les conditions de leur propre travail et de leur mobilité ».
Deuxièmement, « les entreprises qui utilisent le travail forcé des Ouïghours dans leurs chaînes d'approvisionnement pourraient se trouver en infraction avec les lois qui interdisent l'importation de biens fabriqués avec du travail forcé ou exigent la divulgation des risques liés à la chaîne d'approvisionnement du travail forcé. Les entreprises citées dans ce rapport doivent immédiatement procéder à une vérification approfondie de leur travail en Chine, notamment par des audits sociaux et des inspections solides et indépendantes. Il est essentiel que, grâce à ce processus, les travailleurs concernés ne soient pas exposés à d'autres préjudices, y compris des transferts involontaires ».
Troisièmement, « les gouvernements étrangers, les entreprises et les groupes de la société civile devraient identifier les possibilités d'accroître la pression sur le gouvernement chinois pour qu'il mette fin au recours au travail forcé et aux détentions extrajudiciaires des Ouïghours. Il faudrait notamment faire pression sur le gouvernement pour qu'il ratifie la Convention (n° 29) sur le travail forcé de 1930 de l'Organisation internationale du travail (OIT) et le protocole de 2014 à la Convention sur le travail forcé ».
Et dernièrement, « les consommateurs et les groupes de défense des consommateurs devraient exiger des entreprises qui ont des usines en Chine de faire preuve de diligence raisonnable en matière de droits de l'homme sur leurs chaînes d'approvisionnement afin de garantir qu'ils ne sont pas complices de programmes de travail coercitifs ».
Source : ASPI
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