Par un décret publié fin octobre 2016, le gouvernement français s'est vu accordé l'autorisation de créer une base de données regroupant les données biométriques (visage, empreintes digitales, noms, domicile, sexe, couleur des yeux, taille, etc.) de la quasi-totalité de la population, avec comme objectif affiché, la simplification des démarches administratives liées à la délivrance des cartes d'identité et des passeports ainsi que la lutte contre leur falsification et contrefaçon.
Ce genre d'initiative visant à ficher les citoyens n'est pas nouveau. L'Inde par exemple s'est fait remarquer avec un projet similaire, Aadhaar. En 2014, le projet recensait déjà 650 millions de personnes et l'année passée, plus d'un milliard de personnes étaient déjà fichées dans cette gigantesque base de données biométriques. Présenté à l'origine comme fonctionnant sur la base du volontariat et destiné à fournir à tout Indien une pièce d'identité, le programme Aadhaar est devenu obligatoire ces dernières années pour un nombre croissant de services comme des subventions publiques, le paiement d'impôts ou l'ouverture d'un compte en banque. Le gouvernement indien envisageait aussi de l'étendre à l'achat de billets de train ou d'avion, entre autres. Bref, c'est un outil de rêve pour tout gouvernement Big Brother. On pouvait donc s'attendre à ce que cela inspire d'autres pays, mais pas la France. Et c'est pourtant ce qui est arrivé avec le décret autorisant la création d’un fichier centralisé de titres électroniques sécurisés (ou fichier TES).
Dès sa parution, le décret a donc suscité un certain nombre d’interrogations et inquiétudes, notamment des défenseurs de la vie privée. Le texte autorise en effet certains accès à la base de données par les agents de la Police nationale, de la Gendarmerie nationale et des renseignements. Un tel fichier peut donc entrainer des dérives, sans oublier qu'une telle base de données est plus susceptible d'attirer l'attention des hackers.
Restant rarement silencieuse sur ce genre de débats, la Quadrature du Net a déposé une requête devant le Conseil d’État visant à faire annuler ce décret. C'était le 26 décembre 2016. En mars 2017, au moment où le fichier TES s'apprêtait à être généralisé après une période d'expérimentation de cinq mois menée dans les Yvelines et en Bretagne, le défenseur des libertés numériques a envoyé un mémoire complémentaire pour développer ses arguments. Plus tard la même année, la Quadrature du Net a envoyé un autre mémoire en réplique à la suite de la défense du gouvernement.
Depuis lors, aucune activité dans l'affaire, mais l'avenir du fichier TES pourrait bientôt être scellé. En effet, le mercredi 3 octobre prochain à 14h se tiendra au Conseil d'État l'audience concernant le fichier TES.
Si la Quadrature du Net (LQDN) est vent debout contre le ficher TES, c'est parce qu'elle pense que cette base de données biométriques n'est qu'une prémisse à la reconnaissance faciale de masse. LQDN estime que « la création d'une telle base de données est inutile pour atteindre l'objectif annoncé. Celui-ci aurait pu en effet être poursuivi tout aussi efficacement en prévoyant la conservation de ces informations sur le seul titre d’identité (au moyen d'une puce électronique), tout en faisant disparaître les risques liés à leur centralisation (risques politiques de dévoiement du fichier et risques techniques de fuites de données biométriques). » Et c'est déjà ce que prévoit l'UE pour les passeports et bientôt les cartes d'identité : les données doivent être conservées sur le titre.
Ainsi, pour LQDN, l'objectif inavoué est que « la création du fichier TES (et l'enregistrement automatisé des images des visages de la population) préfigure le développement et l'utilisation par le gouvernement des technologies de reconnaissance faciale à des fins de surveillance généralisée de la population. » La Quadrature du Net soutient également ses craintes en se référant à l'actualité qui montre que la reconnaissance faciale risque d'être l'un des outils principaux de la surveillance de masse de la population par les autorités. « Si celle-ci est déjà mise en œuvre à grande échelle dans certains États (notamment en Chine), elle se développe à grande vitesse également en France, que ce soit dans nos aéroports, dans nos gares ou dans nos lycées », rappelle le défenseur des libertés numériques.
Source : La Quadrature du Net
Et vous ?
Que pensez-vous des craintes exprimées par la Quadrature du Net ? Les partagez-vous également ?
Voir aussi :
Des responsables d'un aéroport déploient une technologie de reconnaissance faciale pour améliorer la sécurité et réduire les temps d'embarquement
Biométrie sur le lieu de travail : la CNIL lance une consultation publique sur le futur règlement type dans l'environnement professionnel
UK : la technologie de reconnaissance faciale de la police aurait permis d'arrêter un suspect, grâce à l'amélioration du logiciel et de son algorithme
La base de données biométriques indiennes, qui couvre environ 89% de la population inquiète les défenseurs des droits par son degré d'intrusion
France : le fichier des titres électroniques sécurisés (TES) est généralisé à l'ensemble du pays, qu'en est-il des recommandations ?
Le Conseil d'État tiendra une audience le 3 octobre sur le fichier TES
Vu par la Quadrature du Net comme une prémisse à la surveillance de masse
Le Conseil d'État tiendra une audience le 3 octobre sur le fichier TES
Vu par la Quadrature du Net comme une prémisse à la surveillance de masse
Le , par Michael Guilloux
Une erreur dans cette actualité ? Signalez-nous-la !