Une plateforme de médias sociaux peut être contrainte de divulguer des informations de compte appartenant à une femme qui s’est exprimé en ligne, sous couvert de l’anonymat,de ses projets dans le rassemblement meurtrier des nationalistes blancs qui a eu lieu à Charlottesville, en Virginie, l’été dernier, selon une décision d’un juge.
L’ordonnance de 28 pages du juge de la magistrature américaine Joseph Spero indique que les droits du premier amendement de la femme à un discours anonyme ne l'emportent pas sur l’importance de la divulgation de son identité aux avocats des plaignants qui lancent des poursuites pour violence. Les messages qui ont fuité de l’application Discord indiquent que la femme, identifiée uniquement comme étant "Madame X" dans les documents judiciaires, a probablement été impliquée dans la planification de l'événement en août dernier.
Discord, une application basée à San Francisco, qui permet d’avoir des conversations textuelles et vocales, est populaire auprès des joueurs de jeux vidéo. Mais le service a également été un outil de communication pour des extrémistes, parmi lesquels les organisateurs du rassemblement de Charlottesville.
Les avocats de la femme avaient demandé au magistrat basé à San Francisco d'annuler une citation à comparaître pour que Discord transmette les informations de son compte et le contenu de ses communications aux avocats, qui ont porté plainte en Virginie contre les organisateurs du rassemblement « Unite the Right » qui a eu lieu en août 2017.
Pour rappel, il s’agit d’une série de rassemblements de l'extrême droite américaine organisée en 2017 à Charlottesville en Virginie (États-Unis), les 11 et 12 août 2017, pour protester contre le retrait de la statue de Robert Lee, monument hautement symbolique célébrant les États confédérés pendant la guerre de sécession. Ces défilés rassemblent des suprématistes blancs, des nationalistes blancs, des membres de l'« alt-right », des néonazis et des miliciens, et attirent l'attention internationale du fait des violences qu'ils engendrent.
Les suprématistes blancs et les contre-manifestants se sont affrontés dans les rues, puis l’un des suprématistes a lancé une attaque à la voiture-bélier, tuant une contre-manifestante de 32 ans du nom de Heather Heyer et blessant au total 35 personnes.
La pêche aux infos
Spero a déclaré que la loi fédérale interdit à Discord de divulguer le contenu d'un message sans le consentement de l'expéditeur ou du destinataire. Mais il a jugé que l'intérêt des plaignants dans les informations relatives à son compte l'emportait sur toute incidence sur ses droits au titre du premier amendement.
Le magistrat a noté que les informations d'identification personnelle de la femme pouvaient rester confidentielles ou « hautement confidentielles » et donc être tenues à l'écart des avocats des plaignants.
La femme avait demandé au tribunal d'annuler une citation à comparaître qui exigeait à Discord de fournir des informations et des communications d'abonnés appartenant à au moins 32 comptes. Mais le magistrat a déclaré que la femme n’avait pas la capacité légale de contester la citation à comparaître au nom d’autres utilisateurs.
Les avocats ont soutenu que la citation à comparaître était une « pêche aux infos » conçue pour exposer les identités et détruire la vie de personnes ayant des « opinions politiques impopulaires ».
« Madame X dispose du droit constitutionnel de s’associer à des personnes qui pensent comme elle et de s’engager dans un discours politique controversé de manière anonyme, et les plaignants n’ont pas le droit d’acquérir sa correspondance ou des informations relatives à elle », ont estimé ses avocats.
Mais les avocats des plaignants ont fait valoir que les journaux de discussion de Discord sont des « preuves au cœur de l'affaire » contre les organisateurs du rallye de Charlottesville, qui ont affiché des instructions pour les participants, parmi lesquelles y venir armé.
Madame X est une « dissidente politique » autoproclamée qui a utilisé le pseudonyme « kristall.night » sur Discord. Son pseudonyme semble se référer aux pogroms meurtriers et anti-juifs de Kristallnacht en Allemagne avant la Seconde Guerre mondiale.
Des extraits des journaux de discussion de Charlottesville montrent que Madame X a participé à la planification des événements du week-end et a partagé les objectifs de « violence et d’intimidation et leurs motivations d’animosité raciale » des organisateurs.
« Elle a déclaré :" Sans les Blancs complices, les Juifs ne seraient pas un problème” et " je déteste encore plus le métissage depuis que j’ai parlé à des personnes de race mixte de leur identité », ont déclaré les avocats de la partie plaignante.
Les avocats de Madame X ont estimé que ses déclarations n'étaient « rien de plus que des conseils génériques à d'autres personnes intéressées à participer au rassemblement ». « Les plaignants ne peuvent pas violer les droits constitutionnels de Madame X simplement parce qu'ils ont des points de vue personnels qu'ils désapprouvent », ont-ils écrit.
Madame X est représentée par Marc Randazza, un avocat basé à Las Vegas, spécialisé dans les affaires de premier amendement. Parmi les clients de Randazza, on compte également Andrew Anglin, éditeur d’un site Web néo-nazi, et Alex Jones, théoricien du complot chez Infowars.
Source : Washington Post
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Le , par Stéphane le calme
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