Google prévoit de déployer une version censurée de son moteur de recherche en Chine qui va bloquer des sites Web ainsi que certains termes de recherche sur les droits de l'homme, la démocratie, la religion et les manifestations pacifiques, d’après le quotidien The Intercept, qui a cité des documents Google internes et des personnes familières avec cette initiative.
Baptisé "Dragonfly”, le projet serait en développement depuis le printemps 2017 et a été boosté en décembre 2017 après une rencontre entre Sundar Pichai, PDG de Google, et un haut fonctionnaire du gouvernement chinois, selon le quotidien qui cite à nouveau les documents Google internes.
L’EFF (Electronic Frontier Foundation), le défenseur des droits numériques, s’est lancé dans un argumentaire pour partager ses soucis avec cette actualité.
« Huit ans après que Google se soit initialement opposé à la censure d’Internet en quittant le marché chinois de la recherche, nous sommes déçus d’apprendre que la société a réexaminé secrètement une collaboration étendue avec l’état de censure et de surveillance massive », a commencé l’EFF.
Et de continuer en rappelant qu’en 2010, l’EFF et de nombreuses autres organisations ont félicité Google pour son refus de sacrifier les valeurs de l'entreprise pour l'accès au marché chinois. À l’époque, cette initiative faisait suite à des réactions publiques et à plusieurs attaques sur l’infrastructure de Google qui visaient les données personnelles de plusieurs militants des droits de l’homme chinois de premier plan.
« Le départ de Google de la Chine a montré que des valeurs fondamentales fortes en matière de droits de l’homme fondamentaux pouvaient surpasser le gain économique à court terme dans le calcul d’une société Internet. Mais maintenant, il semble que la société a changé de cap », insiste l’EFF.
De 2006 à 2018, Google et la Chine ont beaucoup gagné en puissance
L’EFF rappelle que depuis 2006, les capacités de Google ont considérablement augmenté. Nous vivons à une époque où les scripts de suivi appartenant à Google sont présents sur 75% des sites Web les plus importants. Les profils personnalisés de Google de ses utilisateurs sur plusieurs services en ligne l'aident à fournir des résultats de recherche et des publicités « pertinents ».
Parallèlement, afin de maintenir leur position en matière de censure, le gouvernement chinois a dû mettre en œuvre des lois et des technologies de surveillance générales et omniprésentes. En particulier, la domination explosive d’applications centralisées telles que Weibo et WeChat, dont les communications et les transactions sont régulièrement surveillées et censurées, ce qui a finalement transformé le paysage numérique en Chine.
L'année 2017 a notamment été marquée par une nouvelle vague de mesures de répression visant à renforcer les pratiques de surveillance numérique sur l'Internet chinois. En particulier, le gouvernement a commencé à restreindre les outils utilisés pour l'anonymat et la confidentialité en demandant l’arrêt des activités des fournisseurs locaux de VPN, en interdisant les applications de chat disposant du chiffrement de bout en bout comme WhatsApp et en obligeant les plateformes Internet à exiger une vérification d'identité hors ligne pour pouvoir s’inscrire. Dans certaines régions de Chine, les citoyens qui tentent simplement d’utiliser des applications étrangères ou chiffrées telles que WhatsApp ou Telegram peuvent être invités à se présenter à la police.
Des sociétés américaines qui ne veulent pas perdre le marché chinois
Cette décision intervient alors que d’autres rapports de multinationales américaines dans le secteur de la technologie ont choisi de compromettre leurs valeurs pour entrer ou rester en Chine: Facebook a testé une version censurée de sa propre plateforme et Apple a récemment été critiqué suite au transfert de données de ses clients vers des serveurs hébergés en Chine et également pour avoir filtré le drapeau taïwanais des emoji dans la version locale de ses logiciels.
En Chine, le concurrent direct de Google, Baidu, a été confronté à un grand nombre de réactions sociales, réglementaires et économiques liées aux mauvaises pratiques publicitaires récentes, telles que la monétisation de publicités médicales discutables, des services largement dépourvus de Baidu et des sites de phishing. Il pourrait bien y avoir une demande croissante de concurrence sur le marché chinois des moteurs de recherche. Une demande dont Google compte bien profiter.
« À quels sacrifices Google consentira-t-il pour entrer sur le marché chinois ? Comment ces compromis vont-il affecter ses offres en dehors de la Chine ?
« Le public, les utilisateurs de Google et les employés de Google pèsent de moins en moins dans la balance lorsque l’entreprise se prépare à faire des compromis sur ses propres valeurs qui pourraient affecter massivement la vie des citoyens chinois ou américains, mais également des internautes du monde entier. Google s'est déjà engagé dans des processus qui prennent en compte les droits de l'homme lors de l'entrée sur de nouveaux marchés dans le cadre de la Global Network Initiative. Est-ce qu'ils les suivent?
« Google est un gardien efficace d'Internet pour la grande majorité du monde. C'est le portail sur lequel beaucoup accèdent à Internet, et à travers lequel Google lui-même continue à collecter des informations sur ces utilisateurs sur diverses plateformes. Avec ce type de responsabilité, tout le monde - à l'intérieur et à l'extérieur de Google - doit rester vigilant et continuer à tenir l’entreprise pour responsable. Éviter les contrôles internes et les critiques ne permettra pas d'éviter les réactions négatives liées au lancement d'un service complice, ni les conséquences néfastes pour les utilisateurs chinois lorsque les compromis de Google seront utilisés contre eux. Il vaut mieux avoir ce débat maintenant, en public, plutôt que de ramasser les pots cassés lorsque le mal sera fait ».
Source : EFF
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Le , par Stéphane le calme
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