Pour cela la science ouverte s'appuie fortement sur le recours à l'Internet ouvert, à l'open data, aux outils de travail collaboratif (dont Wikipédia et Wikiversité ou Wikispecies font partie), au e-learning et au web social de manière à rendre la recherche scientifique et ses données accessibles à tous (amateurs et professionnels). Parce que pro-activement ouverte, elle peut aussi favoriser la multidisciplinarité de la recherche et éventuellement un caractère multilingue en considérant la science et les données comme un « bien commun ».
La science ouverte a pour objectif de faire sortir la recherche financée sur fonds publics du cadre confiné des bases de données fermées. Elle réduit les efforts dupliqués dans la collecte, la création, le transfert et la réutilisation du matériel scientifique. Elle augmente ainsi l’efficacité de la recherche.
La science ouverte favorise également les avancées scientifiques, particulièrement les avancées imprévues, ainsi que l’innovation, les progrès économiques et sociaux, en France, dans les pays développés et dans les pays en développement. Enfin, la science ouverte constitue un levier pour l’intégrité scientifique et favorise la confiance des citoyens dans la science. Elle constitue un progrès scientifique et un progrès de société.
Le contexte
Depuis des années, le système historique de publication des résultats de la recherche est âprement critiqué par des institutions dont les budgets sont en baisse alors que les recherches, elles, se multiplient. Conséquence prévisible, les bibliothèques de recherche peinent de plus en plus à proposer des ressources pertinentes à leurs étudiants.
À l'origine de ces difficultés, selon les professionnels, des tarifs d'accès devenus prohibitifs du côté des grands éditeurs d'articles scientifiques, qui gèrent des revues historiques dans différents secteurs. Et un système éditorial qui paraît bancal pour un certain nombre – y compris au sein de la communauté des chercheurs. En effet, les éditeurs de ces revues comptent sur les chercheurs pour en assurer les corrections, le plus souvent avec une rémunération moindre, voire inexistante.
Enfin, notamment dans le domaine de la recherche publique, il apparaît contre-productif, pour certains chercheurs, de publier les résultats d'une recherche financée par l'argent public dans une revue privée qui en fera payer l'accès. Parmi ces éditeurs historiques, comme Elsevier, Springer ou encore Macmillan, la plupart ont mis en place des formules d'accès ouvert, que beaucoup jugent trop chères ou trop contraignantes. De leur côté, ces éditeurs mettent en avant la valeur ajoutée de leurs revues, ainsi que la crédibilité apportée aux résultats publiés dans leurs pages.
C'est dans ce contexte que la ministre de l'Enseignement supérieur, de la Recherche et de l'Innovation Frédérique Vidal a annoncé le plan national pour la science ouverte à l'occasion du congrès annuel de la LIgue des Bibliothèques Européennes de Recherche (LIBER), organisé à Lille du 4 au 6 juillet. D'après elle, seules les universités les plus riches du monde et les groupes industriels profitent de l'état actuel des choses, et de l'inflation démesurée des prix des revues scientifiques. « Alors que les fausses nouvelles sont très facilement accessibles, les publications scientifiques sont protégées derrière des péages qui sont autant de barrières à l’accès au savoir. Il faut dix minutes pour inventer et diffuser une fausse nouvelle, croustillante, étonnante et facile à comprendre. Mais il faut dix ans pour produire une démonstration scientifique apportant une information scientifique de qualité », a ajouté Frédérique Vidal, saluant au passage l'encyclopédie libre et ouverte Wikipédia.
Avec ce Plan, la France se dote d’une politique pour la science ouverte ambitieuse, qui s’inscrit pleinement dans les engagements internationaux qu’elle a pris au titre du Partenariat pour un gouvernement ouvert (OGP - Open government partnership), initiative associant 70 pays et visant à développer la transparence de l’action publique. Ce plan national répond également à l’ambition européenne de l’Amsterdam Call for Action on Open Science. La France se dote ainsi d’une politique qui prolonge et amplifie les efforts de l’Union européenne dans ce domaine.
Ce plan est divisé en trois axes.
Premier axe : généraliser l’accès ouvert aux publications
L’ouverture des publications scientifiques doit devenir la pratique par défaut aussi vite que possible. Pour engager cette dynamique, les publications issues de recherches financées au moyen d’appels à projets sur fonds publics seront obligatoirement mises à disposition en accès ouvert, que ce soit par la publication dans des revues ou ouvrages nativement en accès ouvert, soit par dépôt dans une archive ouverte publique comme HAL.
Inscrire ces pratiques dans la durée nécessite de faire évoluer le système d’évaluation des chercheurs et des établissements en phase avec les principes et les pratiques de la science ouverte. Cette évolution de l’évaluation des chercheurs visera à réduire la dimension quantitative au profit d’une évaluation plus qualitative, dans l’esprit de la San Francisco Declaration on Research Assessment (DORA) ainsi que du Manifeste de Leiden pour la mesure de la recherche, et en s’appuyant notamment sur les citations ouvertes, dans la continuité des efforts de l’Initiative for Open Citations (I4OC).
D’une façon générale, la communauté scientifique doit reprendre le contrôle du système éditorial, dans l’esprit de l’Appel de Jussieu pour la science ouverte et la bibliodiversité. Elle doit faire converger ses efforts vers les acteurs vertueux qui développent un environnement éditorial moins concentré, obéissant aux principes d’un accès ouvert et éthique, notamment en termes de transparence, de gouvernance et de propriété intellectuelle.
Trois mesures sont envisagées ici :
- Rendre obligatoire la publication en accès ouvert des articles et livres issus de recherches financées par appel d’offres sur fonds publics ;
- Créer un fond pour la science ouverte ;
- Soutenir l’archive ouverte nationale HAL et simplifier le dépôt par les chercheurs qui publient en accès ouvert sur d’autres plateformes dans le monde.
Deuxième axe : structurer et ouvrir les données de la recherche
L’ambition qui a été évoquée est de faire en sorte que les données produites par la recherche publique française soient progressivement structurées en conformité avec les principes FAIR (Facile à trouver, Accessible, Interopérable, Réutilisable), préservées et, quand cela est possible, ouvertes. Lors de l’annonce du plan « Intelligence artificielle » au Collège de France, le 29 mars 2018, le Président de la République a annoncé la mise en place d’un principe d’ouverture par défaut pour toutes les données publiées dans le cadre d’appels à projet sur fonds publics. Cette obligation sera limitée par les exceptions légitimes encadrées par la loi, par exemple en ce qui concerne le secret professionnel, les secrets industriels et commerciaux, les données personnelles ou les contenus protégés par le droit d’auteur. Elle sera par ailleurs encadrée par les bonnes pratiques définies par chaque communauté scientifique, par exemple pour définir des durées d’embargo.
D’autre part, le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation se dotera d’un administrateur des données de la recherche. Il travaillera avec l’administrateur général des données de la France et animera un réseau des administrateurs de données de la recherche dans les établissements concernés. Un appel « flash » de l’ANR permettra d’accélérer la structuration de la communauté scientifique afin de promouvoir les principes « FAIR » et de développer l’ouverture des données. D’une façon générale, les dépenses de traitement des données seront éligibles dans les appels à projets.
Voici les mesures envisagées :
- Rendre obligatoire la diffusion ouverte des données de recherche issues de programmes financés par appels à projets sur fonds publics ;
- Créer la fonction d’administrateur des données et le réseau associé au sein des établissements ;
- Créer les conditions et promouvoir l’adoption d’une politique de données ouvertes associées aux articles publiés par les chercheurs.
Troisième axe : s’inscrire dans une dynamique durable, européenne et internationale
Le succès de la science ouverte implique le développement de nouvelles pratiques quotidiennes pour les chercheurs. Cela nécessite la définition de nouvelles compétences, le développement de nouvelles formations et l’adoption de nouveaux services. Le Comité pour la science ouverte, qui rassemble plus de 200 experts du domaine, travaillera à la définition des nouvelles compétences nécessaires. Les premiers efforts seront réalisés à destination des écoles doctorales, qui constitue le bon niveau et le bon moment dans le parcours du chercheur pour mettre en place des formations adaptées.
Un label « science ouverte » sera décerné aux écoles doctorales qui proposeront une offre de formation adaptée aux objectifs décrits dans ce Plan. Par ailleurs, afin de développer une offre de formation dédiée aux compétences sur les données ainsi qu’à celles de la science ouverte en général, un appel à manifestation d’intérêt financera des propositions et expérimentations sur ces thèmes.
Afin d’amplifier le plan et de le déployer sur le territoire, tous les opérateurs de la recherche sont invités à développer une politique de science ouverte en leur sein.
L’évolution de l’écosystème de la science ne sera pas possible sans transparence : il est donc important d’ouvrir les jeux de données concernant les financements des appels à projets et leurs lauréats, mais aussi les dépenses d’acquisition des revues et de livres par les établissements
Mesures :
- Développer les compétences en matière de science ouverte notamment au sein des écoles doctorales ;
- Engager les opérateurs de la recherche à se doter d’une politique de science ouverte ;
- Contribuer activement à la structuration européenne au sein du European Open Science Cloud et par la participation à GO FAIR.
Les connexes
Un fond pour la science ouverte sera mis en place pour garantir la diversité éditoriale et, sans doute, apporter un soutien aux initiatives allant dans le sens d'un « réinvestissement du contrôle du système éditorial par la communauté scientifique ». Les archives ouvertes HAL seront à nouveau soutenues, pour faciliter leur usage tant pour la publication que pour la consultation.
Un poste d’administrateur des données (Chief data officer) au ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation sera créé, avec pour mission de coordonner l’action publique en matière de données scientifiques, « afin d’optimiser leur structuration, leur conservation et leur circulation ».
Enfin, une formation spécifique à la science ouverte sera en partie financée par le ministère de l'Enseignement supérieur, qui encourage également les institutions de recherche à se doter d'une politique d'ouverture des résultats de la recherche.
Le plan Science ouverte du ministère de l'Enseignement supérieur est doté, pour sa première année, de 5,4 millions €, puis de 3,4 millions € les années suivantes. Avec celui-ci, la France ambitionne de se placer en tête de l'innovation pour la science ouverte au niveau européen, aux côtés de l'Allemagne et des Pays-Bas, et ainsi inciter les autres pays à faire de même.
Remerciements du club
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Source : plan en pièce jointe (au format PDF)
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