Lors d'un vote clé ce matin, la commission des affaires juridiques du Parlement européen a soutenu les deux éléments les plus controversés d'une réforme numérique du droit d'auteur qui pourraient, d’après les critiques, porter atteinte à la liberté d’expression sur Internet telle que nous la connaissons.
Dans le projet de directive sur le droit d'auteur, il est écrit à l’article 11 que la « Protection des publications de presse concernant les usages en ligne », qui cible les business models des agrégateurs de news en définissant un droit voisin pour les extraits de contenu journalistique nécessitant une licence de l'éditeur pour utiliser ce type de contenu (la taxe du lien), a été adopté par une majorité de 13:12 du comité juridique.
Alors qu’à l'article 13 nous pouvons lire que « l’utilisation de contenus protégés par des fournisseurs de services de partage de contenu en ligne », qui rend les plateformes directement responsables des violations de droits d'auteur par leurs utilisateurs, les poussant à créer des filtres qui surveillent tous les contenus téléchargés. - a été adopté par une majorité de 15:10.
En clair, l’article 11 obligerait des entreprises comme Google à payer pour afficher des extraits d'informations. Tandis que l’article 13 va contraindre les plateformes de médias sociaux telles que Facebook à installer des filtres pour empêcher les utilisateurs de télécharger du matériel protégé par des droits d'auteur.
Mais le groupe européen des droits numériques EDRi, qui a montré depuis longtemps son opposition à l'article 13, espère qu’il sera encore possible de révoquer l’article 13. En effet, comme le rappelle EDRi, les différentes directives doivent encore passer par différentes étapes des institutions européennes avant d’être applicables. EDRi compte donc par exemple sur les négociations avec le conseil de l’UE, qui aura lieu approximativement de juillet à octobre, pour s’y opposer.
Une coalition d’internautes qui est contre cette directive
La semaine dernière, une coalition d'architectes, d'informaticiens, d'universitaires et de sympathisants (dont Tim Berners-Lee, Vint Cerf, Bruce Schneier, Jimmy Wales et Mitch Kapor) a adressé une lettre ouverte au président du Parlement européen pour s'opposer à l'article 13, avertissant que, bien que « bien intentionnée », l'exigence que les plateformes Internet effectuent un filtrage automatique de tous les contenus téléchargés par les utilisateurs « franchit une étape sans précédent vers la transformation de l'Internet d'une plateforme ouverte de partage et d'innovation, en un outil pour la surveillance automatisée et le contrôle de ses utilisateurs ».
« En tant que créateurs nous-mêmes, nous partageons le souci d'une répartition équitable des revenus provenant de l'utilisation en ligne d'œuvres protégées, ce qui bénéficie aux créateurs, aux éditeurs et aux plateformes. Mais l'article 13 n'est pas la bonne façon d'y parvenir », ont-ils expliqué.
« En inversant ce modèle de responsabilité et en rendant les plateformes directement responsables de la légalité du contenu en premier lieu, les modèles d'affaires et les investissements des plateformes, grandes et petites, seront impactés. Le dommage que cela peut causer à l'Internet libre et ouvert tel que nous le connaissons est difficile à prévoir, mais dans nos opinions pourrait être substantiel ».
La fondation Wikimedia a également publié un billet de blog, exposant certaines préoccupations spécifiques sur l'impact que les filtres de téléchargement obligatoires pourraient avoir sur Wikipédia.
« Le genre de loi qui impose le déploiement de filtres automatiques pour filtrer tout le contenu téléchargé en utilisant l'IA ou les technologies associées ne laisse pas de place aux types de processus communautaires qui ont été si efficaces sur les projets Wikimedia », peut-on lire sur le billet.
« Comme mentionné précédemment, les filtres de téléchargement tels qu'ils existent aujourd'hui regardent le contenu à travers une lentille large, qui peut manquer beaucoup de nuances qui sont cruciales pour l'examen du contenu et les évaluations de la légalité ou la véracité ».
liste des députés qui ont voté
Sources : EDRi, lettre ouverte, blog Wikimedia
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La directive de filtrage automatique des contenus téléchargés en Europe est adoptée dans le vote initial
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Le , par Stéphane le calme
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