Le CRA (Congressional Review Act), comme son nom le suggère, est une loi qui habilite le Congrès à revoir, au moyen d'un processus législatif accéléré, de nouveaux règlements fédéraux publiés par des organismes gouvernementaux et, par l'adoption d'une résolution commune, à renverser un règlement.
Une fois qu'une règle est ainsi abrogée, le CRA interdit également la réémission de la règle essentiellement sous la même forme ou l'émission d'une nouvelle règle qui est essentiellement la même « sauf si la nouvelle loi est spécifiquement autorisée par une loi promulguée après la date de la résolution commune désapprouvant la règle originale » (5 US Code § 801 (b) (2)).
Il faut préciser que le Congrès dispose d'une fenêtre de temps qui dure 60 jours législatifs (c'est-à-dire, les jours de session du Congrès, plutôt que de simples jours civils) pour désapprouver une règle donnée par un vote à la majorité simple. Autrement, la règle va entrer en vigueur à la fin de cette période
C’est à ce pouvoir qu’a fait appel le sénateur démocrate Edward J. Markey pour enclencher un processus visant à défaire le vote de la FCC qui a décidé d’abroger la neutralité du Net en décembre dernier. Il a reçu suffisamment de signature pour obliger le Sénat à se pencher à nouveau sur la question et à voter.
Un vote qui a finalement eu lieu mercredi ; le Sénat a opté de rétablir les protections garanties par la neutralité du Net à 52 voix contre 47 (et une abstention). En vertu du CRA, comme nous l’avons précisé plus haut, seule la majorité est nécessaire pour adopter une loi. Avec le sénateur républicain John McCain actuellement hospitalisé et tous les démocrates qui se sont montré en faveur de ce rétablissement, le vote d’un seul républicain aurait été décisif. Les sénateurs Susan Collins, John Kennedy et Lisa Murkowski se sont tous désolidarisés de leurs collègues républicains et, par leurs votes, ont validé la résolution.
Pour le chef de la majorité au Sénat, Mitch McConnell, « cette résolution nous mène dans la mauvaise direction ». Selon lui, il s’agit là d’une tentative partisane de régler une question de campagne. Toutefois, McConnell ne s’est pas attardé sur les raisons pour lesquelles il s'oppose aux protections de la neutralité du Net.
De leurs côtés, les démocrates ont tenté de réfuter certaines allégations concernant des problèmes affectés à la neutralité du Net. Le sénateur Marie Cantwell, par exemple, s’est opposé à l’idée selon lequel les protections de la neutralité du réseau ralentissaient l'investissement dans les réseaux :
« Dans l'année qui a suivi la mise en place de la règle, l'ensemble de l'industrie montre que les dépenses en immobilisations totales ont augmenté de plus de 550 millions de dollars par rapport à l'investissement de l'année précédente. Par exemple, dans son rapport sur les résultats de 2017, Comcast, le plus important fournisseur de services à large bande du pays, a constaté que ses dépenses en immobilisations augmentaient de 7,5% et qu'elle continuait de déployer sur des plateformes comme X1 et les passerelles sans fil. De même, AT & T a dépensé 22 milliards de dollars en investissements de capitaux de 20 milliards de dollars par rapport à l'année précédente. En fait, l'année 2016 représente le saut le plus important de l'industrie des réseaux à large bande depuis 1999 ».
D'autres démocrates ont longuement parlé de l'importance de la neutralité du Net pour les médias locaux, les interventions d'urgence, les utilisateurs ruraux, les personnes défavorisées et les petites entreprises. Le sénateur Ron Wyden a souligné que la fin de la neutralité du Net aura un impact direct sur les consommateurs et les services qu'ils choisissent d'utiliser, comme le streaming vidéo en ligne et les jeux vidéo. « Il n'y a pas de vote que ce corps va prendre en 2018 qui aura un impact plus direct sur les portefeuilles des Américains que celui qui va se passer dans quelques heures », avait alors insisté Wyden.
Le vote d'hier signifie que la proposition peut désormais aller à la Chambre des représentants où les démocrates devront convaincre les 25 républicains de soutenir la neutralité du net pour que la mesure passe - et ils ont jusqu'au mois de janvier de l'année prochaine pour le faire.
Sources : Sénat, C-SPAN
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Le , par Stéphane le calme
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