
Un projet que soutiendraient leurs dirigeants
En 2010, l’Electronic Frontier Foundation (EFF) et de nombreuses autres organisations ont félicité la firme de Mountain View pour son refus de sacrifier les valeurs de l’entreprise et de céder à l’appât du gain pour l’accès au marché chinois. À l’époque, cette initiative faisait suite à des réactions publiques et à plusieurs attaques sur l’infrastructure de Google qui ciblaient les informations personnelles de plusieurs militants des droits de l’homme chinois de premier plan. En boudant ainsi le marché de la recherche en ligne en Chine, la filiale d’Alphabet avait affiché sa ferme résolution de combattre la censure sur Internet.
Mais récemment, l’EFF s’est offusqué du fait que Google a retourné sa veste en réexaminant dans le plus grand secret une collaboration étendue avec le gouvernement chinois, alors que pendant près de huit ans la société a plusieurs fois affiché son soutien pour l’Internet libre. Baptisé « Dragonfly », ce projet serait en développement depuis le printemps 2017 et aurait été boosté en décembre 2017 après une rencontre entre Sundar Pichai, PDG de Google, et un haut fonctionnaire du gouvernement chinois, selon le quotidien qui cite à nouveau les documents Google internes.
Google aurait ainsi prévu de déployer sur le marché chinois une version censurée de son moteur de recherche qui va bloquer des sites Web ainsi que certains termes de recherche sur la démocratie, les droits de l’homme, la religion et les manifestations pacifiques.
Suite à ces révélations, des centaines d’employés de Google, contrariées par la décision de l’entreprise de construire secrètement une version censurée de son moteur de recherche pour le marché chinois, ont signé une lettre réclamant plus de transparence afin de comprendre les conséquences éthiques de leur travail.
Dans la lettre obtenue par le média US « The New York Times », les employés ont écrit que le projet et la volonté apparente de Google de se conformer aux exigences de censure de la Chine « soulèvent des questions morales et éthiques urgentes » de leur point de vue, avant d’ajouter : « actuellement, nous ne disposons pas des informations nécessaires pour prendre des décisions éclairées sur le plan éthique concernant notre travail, nos projets et notre emploi ». Cette lettre circule sur le réseau de communication interne de Google et aurait déjà été signée par 1400 employés environ.
La lettre appelait également Google à permettre aux employés de participer aux examens éthiques des produits de la société, à désigner des représentants externes pour assurer la transparence et à publier une évaluation éthique des projets controversés.
« Nous avons besoin de toute urgence d’une plus grande transparence, d’un siège à la table et d’un engagement envers des processus clairs et ouverts : les employés de Google doivent savoir ce que nous construisons », a indiqué la lettre.
Cet activisme interne pourrait constituer un obstacle supplémentaire au retour potentiel de Google sur le marché chinois, huit ans après son retrait officiel du pays pour protester contre la censure et le « piratage » gouvernemental. La Chine revendique à ce jour la plus grande audience sur Internet au monde, mais elle oblige les géants technologiques américains à se soumettre à des restrictions de contenu ou des blocages de services pour opérer sur son marché local.
Cette action est la dernière en date illustrant la manière dont la masse salariale de Google peut agir en faveur d’un changement de stratégie ou de comportement de la part de leur employeur. À ce propos, on peut rappeler qu’en avril dernier, les salariés de Google ont dénoncé l’implication de leur groupe dans un programme du Pentagone qui vise à utiliser l’intelligence artificielle pour améliorer l’armement, ce qui Google deux mois plus tard a déclaré qu’il ne renouvèlerait pas son contrat avec le Pentagone dans le cadre de ce projet.
« Si nous faisons bien notre travail, nous devons sérieusement réfléchir à la manière d’en faire plus en Chine », a déclaré M. Pichai, cofondateur de Google, lors de la réunion du personnel, enregistrée par le Times avant d’ajouter : « Cela dit, nous ne sommes pas près de lancer un produit de recherche en Chine ».
Source : New York times, Lettre (PDF)
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