Pendant son séjour à la Maison-Blanche, Donald Trump s'est servi de Twitter pour communiquer de manière plus fréquente que son prédécesseur Barack Obama l'a fait. Entre tweets agressifs, comiques et décisions politiques, le président avait pris l'habitude de tout annoncer sur sa page Twitter. Et même si certains de ses messages n'étaient parfois pas totalement en accord avec les politiques de la plateforme, le président bénéficiait d'une certaine immunité pour s'exprimer librement. En effet, durant sa présidence, Trump a été un tweeter notoirement provocateur.
Trump a flirté avec les interdictions et les suspensions à plusieurs reprises jusqu'à son retrait effectif de la plateforme. Par exemple, en mai 2020, Twitter a caché un des tweets de Trump, car il violait l'une de leurs règles de longue date interdisant la glorification de la violence. Après les manifestations de masse qui ont eu lieu aux États-Unis à la suite du meurtre de George Floyd, le président a menacé « d'envoyer la Garde nationale » et a ajouté un avertissement selon lequel « lorsque les pillages commencent, les tirs commencent ».
Pour un compte normal, cela entraînerait une suspension, mais Twitter a fait une exception. Une des justifications de Twitter pour garder le tweet de Trump et le cacher, plutôt que de le suspendre entièrement, était que le président américain était un individu « digne d'intérêt », pour lequel ils font des exceptions. Une personne « digne d'intérêt » est considérée comme un fonctionnaire élu ayant plus de 250 000 partisans. Mais le géant des médias sociaux a déclaré à l'époque qu'après le départ de Trump en janvier, il perdrait cette distinction.
Trump a redéfini la politique en utilisant Twitter pour contourner les canaux officiels et les médias traditionnels. Ainsi, à la suite de l'élection présidentielle du 3 novembre 2020, Trump s'est donc également servi du média pour contester les résultats. De la proclamation des résultats jusqu'à son départ de la Maison-Blanche, Trump n'a jamais reconnu sa défaite à l'élection présidentielle. Il a longuement déclaré que le suffrage avait été volé et invitait ses partisans via Twitter à protester contre la supposée manipulation dont ils ont été victimes.
La contestation de Donald Trump et de ses partisans a conduit à l'émeute du Capitole du 6 janvier 2021, et même si l'implication directe de l'ancien président n'était pas encore prouvée, Twitter a jugé que ces messages étaient assez incitatifs pour pousser ses supporters à prendre d'assaut le Capitole. Résultat, Trump a été retiré de la plateforme le 8 janvier 2021. La veille, Facebook avait fait de même. Les responsables de Twitter ont jugé que les posts de Trump pendant les émeutes du Capitole le 6 janvier ont incité à la violence, ce qui constitue une violation des conditions de service de la plateforme.
Envoyé par Twitter
Vient alors Elon Musk qui réactive son compte, évoquant le « vote populaire »
Peu de temps après avoir pris le contrôle du réseau social, Elon Musk a déclaré qu'il ne rétablirait aucun compte suspendu définitivement tant que la société n'aurait pas mis en place et convoqué un conseil de modération de contenu avec « des points de vue très divers ». Après trois semaines à la tête de Twitter, Elon Musk n’a toujours pas mis en place ce fameux conseil éthique. D'ailleurs, il prend les décisions importantes lui-même, directement ou sous couverture.
Une illustration de la dernière stratégie a eu lieu vendredi, lorsqu'il a décidé d'interroger ses propres abonnés sur Twitter : « Réintégration de l'ancien président Trump », a-t-il tweeté, à côté d'un sondage avec des boutons pour choisir « Oui » ou « Non ». Elon Musk a d'ailleurs influencé le vote, en laissant entendre que la gauche avait créé des robots pour cliquer massivement sur « Non ».
Rappelons que le milliardaire a tenté de se retirer de l'accord de rachat de Twitter en affirmant que jusqu'à 20% des comptes Twitter étaient faux, et il a un jour suggéré que les bots étaient responsables des résultats de son sondage controversé sur la Russie et l'Ukraine.
À la suite de ce sondage, le « Oui » l'a emporté par une mince marge de 52 à 48. Par la suite, il a écrit « Vox Populi, Vox Dei » (littéralement « la voix du peuple est la voix de Dieu »). Quelques minutes après le message d'Elon Musk, le compte de Donald Trump était de nouveau visible, le dernier tweet datant du 8 janvier 2021.
Plus de 134 millions de personnes ont vu le sondage, selon Musk, bien qu'il n'y ait eu qu'un peu plus de 15 millions de réponses. Cela suggérerait qu'environ 11% de ceux qui l'ont vu ont cliqué sur l'un des boutons.
Nous ne saurons probablement jamais si Musk a réellement pris la décision sur la base du sondage ou s'il s'était déjà résolu à réactiver le compte de l'ancien locataire de la Maison-Blanche. Pour mémoire, en novembre 2021, il a vendu 10% de ses actions Tesla après avoir interrogé ses abonnés, et la majorité a répondu qu'il devrait le faire. À l'époque, il écrivait: « Je respecterai les résultats de ce sondage, quelle que soit la manière dont il se déroulera ». Mais le Wall Street Journal a révélé qu'il avait déjà pris la décision de vendre ces actions en septembre, deux mois plus tôt, dans le cadre d'un plan de négociation prédéfini destiné à empêcher les dirigeants de commettre des délits d'initiés.
La réaction de Donald Trump
Après avoir été éjecté de Twitter, Trump a annoncé son intention de lancer sa propre plateforme de réseau social, TRUTH Social, qui, selon lui, « tiendra tête aux entreprises Big Tech » telles que Twitter et Facebook qui l'ont exclu de leurs plateformes. Il a déclaré que cette plateforme s'opposerait à la tyrannie des grandes entreprises technologiques, qu'il accuse de réduire au silence les voix opposées aux États-Unis.
« Twitter s'immisce maintenant dans l'élection présidentielle de 2020. Ils disent que ma déclaration sur les bulletins de vote par correspondance, qui entraîneront une corruption et une fraude massives, est incorrecte, sur la base d'une vérification des faits par Fake News. Twitter étouffe complètement la liberté d'expression et en tant que président, je ne permettrai pas que cela se produise ! » Avait lancé Donald Trump, qui avait mal digéré le fait que son réseau social préféré décide désormais de le traiter comme un citoyen lambda en essayant de le remettre à l'ordre.
Lancée le 21 février, Truth Social a connu des vertes et des pas mûres : six semaines après son lancement, l'application était qualifiée de désastre.
L'application Truth Social qui ressemble énormément à Twitter, s'est trouvée pendant un certain temps en tête des téléchargements de l'App Store. Mais le magasin d'applications en ligne d'Apple, a eu un certain nombre de problèmes techniques l'ont rendue inaccessible pour beaucoup d'internautes. Plusieurs raisons expliquent cela : en plus de n'être disponible qu'aux États-Unis, Truth Social ne fonctionne que sur iOS, le système d'exploitation des smartphones d'Apple. Elle n'est pas non plus opérationnelle sur navigateur web, ce qui pourrait pourtant permettre aux utilisateurs de smartphones Android de s'y rendre. « Cela a été un désastre », a déclaré Joshua Tucker, directeur du Center for Social Media and Politics de NYU.
En outre, lors de son lancement, l'application avait rencontré un certain nombre de soucis techniques. En a résulté une longue liste d'attente pour s'y inscrire. Cette dernière ne semble aujourd'hui pas avoir évolué, comptant au moins un million et demi de personnes. Certains estiment que le plus grand problème de Truth Social est toutefois l’absence de sa star. Donald Trump n’y a toujours rien publié. Les autres grandes figures du trumpisme se contentent, elles, d’y recopier leurs messages Twitter. Dans ces conditions, difficile de convaincre leurs partisans de migrer sur un autre réseau, aussi « libre » soit-il.
En août, il a été porté à la connaissance du public que l'application n'était même pas disponible sur Play Store. Devin Nunes, le PDG de Truth Social a déclaré lors d’une interview que la disponibilité du nouveau réseau social sur le Play Store dépendait de Google : « Nous attendons qu’ils nous approuvent. Je ne sais pas ce qui prend autant de temps. Ils peuvent l’approuver et demain il démarrera pour toutes les personnes qui ont maintenant précommandé. Et je dois dire que nous sommes disponibles en précommande sur Google Play Store. Mais ce serait bien s’ils nous approuvaient. Et comme vous le savez, nous avons construit cela à partir de zéro brique par brique afin que nous ne puissions pas être rejetés. Mais les entreprises avec lesquelles nous devons travailler sont Apple et Google. Tout le monde regarde parce qu’ils ont le monopole sur ces marchés. Google a le monopole avec son Play Store et Apple évidemment avec son iPhone. Nous avons eu beaucoup de succès avec Apple. Avec Google, on attend simplement », a déclaré Devin Nunes.
Un représentant de Google a fait la déclaration suivante : « Le 19 août, nous avons informé Truth Social de plusieurs violations des politiques standards dans leur soumission d’application actuelle et avons réitéré que le fait d’avoir des systèmes efficaces pour modérer le contenu généré par l’utilisateur est un indispensable de nos conditions d’utilisation pour toute application qui veut démarrer sur Google Play ». Et d’ajouter que « la semaine dernière, Truth Social a répondu en reconnaissant nos remarques et en disant qu’ils travaillaient à résoudre ces problèmes ». À en juger par cette déclaration, le problème résiderait donc dans l’incapacité de Truth Social à modérer suffisamment et efficacement les contenus sur sa plateforme. L’entreprise voudrait-elle donc forcer la validation de son application ? Selon certaines indiscrétions, les préoccupations de Google concernent des contenus tels que des menaces physiques et des incitations à la violence. Nous soulignons que pour ce qui concerne la modération Truth l’applique sur sa plateforme. Mais, selon certains utilisateurs et même Hunt-Majer, chercheuse en responsabilité Big Tech chez Public Citizen, cette modération reste ciblée, car après avoir a écrit « l’avortement, c’est la santé », la chercheuse a rapidement découvert que sa publication faisait l’objet d’un shadow banning (qui pourrait être traduit par bannissement furtif, ce qui signifie qu’après sa publication, elle ne pouvait le trouver nulle part sur le site Web). En outre, un article sur Blake Shelton en faveur de la possession d’armes à feu a été « banni furtivement », ont découvert les utilisateurs.
Les problèmes semblent avoir été résolus puisque l'application est disponible sur le Play Store depuis octobre.
Malgré tout, Donald Trump prétend ne pas vouloir revenir sur Twitter et encourage ses partisans à venir (ou rester) sur Truth Social
Donald Trump a déclaré samedi qu'il n'avait aucun intérêt à revenir sur Twitter : « Je ne vois aucune raison de le faire », a déclaré l'ancien président par vidéo lorsqu'on lui a demandé s'il prévoyait de revenir sur Twitter par un panel lors de la réunion annuelle des dirigeants de la Coalition juive républicaine.
Il a dit qu'il s'en tiendrait à sa nouvelle plate-forme Truth Social, l'application développée par sa startup Trump Media & Technology Group (TMTG), qui, selon lui, avait un meilleur engagement des utilisateurs que Twitter et se débrouillait « phénoménalement bien ».
Trump, qui a lancé mardi une offre pour regagner la Maison Blanche en 2024, a fait l'éloge de Musk et a déclaré qu'il l'avait toujours aimé. Mais Trump a également déclaré que Twitter souffrait de bots, de faux comptes et que les problèmes auxquels il était confronté étaient « incroyables ».
Si Trump revenait sur Twitter, cette décision soulèverait des questions sur son engagement envers Truth Social, qui a été lancé sur l'App Store d'Apple en février et sur le Play Store de Google en octobre. Trump compte quelque 4,57 millions de followers sur Truth Social.
Truth Social est la principale source de communication directe de Trump avec ses abonnés depuis qu'il a commencé à publier régulièrement sur l'application en mai. Il a utilisé Truth Social pour promouvoir ses alliés, critiquer les opposants et défendre sa réputation dans le contexte d'un examen juridique par des enquêteurs d'État, du Congrès et fédéraux.
Son accord avec la société permet cependant à Trump de s'engager largement sur d'autres plateformes. Trump est obligé de donner à Truth Social une exclusivité de six heures sur n'importe quel message – mais est libre de publier « des messages politiques, des collectes de fonds politiques ou des votes » sur n'importe quel site, à tout moment, selon un dossier de la SEC datant de mai.
Sources : Elon Musk, réaction de Donald Trump (vidéo dans le texte)
Et vous ?
Êtes-vous surpris de voir le compte de Donald Trump rétabli ? Que pensez-vous de la manière dont cet évènement a été géré (vote d'Elon Musk au lieu de la décision du conseil de modération - qui n'est toujours pas formé - ) ?
Pensez-vous qu'Elon Musk avait déjà pris cette décision avant le vote comme il l'a fait pour la vente de ses actions Tesla ? Pourquoi ?
Une manière de détourner l'opinion publique des gros problèmes fonctionnels de Twitter notamment avec des équipes entières qui ont démissionné ?
Que pensez-vous d'une telle décision du point de vue des annonceurs ? Susceptible de les rendre frileux ?
Comprenez-vous pourquoi Donald Trump indique n'avoir aucun intérêt à reprendre ses activités sur Twitter ? Peut-il, selon vous, se le permettre étant donné le contexte (préparation des prochaines élections présidentielles américaines) ? Pourquoi ?
Voir aussi :
Twitter confirme que Donald Trump ne tweetera plus jamais. L'ancien président américain est banni à vie de la plateforme même s'il décide de briguer à nouveau une fonction publique
L'ancien président américain Donald Trump lance TRUTH Social, un nouveau réseau social à la gloire de Trump
L'application Truth Social de Trump n'est pas approuvée sur Google Play Store. Le réseau social est également à court d'argent et a du mal à trouver de nouveaux utilisateurs