
Le pass sanitaire a deux fonctions. Une fois « activité », il doit permettre la reprise de diverses activités interrompues en raison de la crise sanitaire et la réouverture des lieux fermés impliquant de grands rassemblements de personnes (à partir de 1 000 personnes). Le pass sanitaire « frontières », mis en œuvre dans le cadre du futur certificat numérique covid de l’Union européenne (qui est entré en vigueur le 1er juillet). Il doit permettre de faciliter la libre circulation au sein de l’Union européenne.
Le document, papier ou électronique, porte de nombreuses informations personnelles. Outre le résultat d'un examen de dépistage virologique négatif, un justificatif de statut vaccinal ou un certificat de rétablissement à la suite d'une contamination par le covid-19, on y trouve de nombreuses données nominatives, accessibles via un code en deux dimensions. La Quadrature du Net a pointé de multiples contrariétés avec les textes, notamment la loi relative à la sortie de l’état d’urgence sanitaire qui demande que cette présentation soit « réalisée sous une forme ne permettant pas aux personnes habilitées ou aux services autorisés à en assurer le contrôle de connaître la nature du document ni les données qu'il contient ».
Le ministère de la Santé a défendu le passe sanitaire devant le Conseil d’État
Lors d’une audience le 22 juin, le Conseil d’État a examiné le référé déposé par la Quadrature du Net. Le ministère de la Santé a tenté de défendre la solidité juridique du passe sanitaire, dont le cadre de mise en œuvre est critiqué par l’association de défense des libertés. Une fois la loi adoptée en mai, il est revenu à un décret de prévoir les modalités pratiques d’application. Or, ce décret du 7 juin 2021 est apparu aux yeux de la Quadrature en pleine contrariété avec le texte législatif.
En effet, on y découvre que les justificatifs générés par le passe sanitaire comportent « les noms, prénoms, date de naissance de la personne concernée et un code permettant sa vérification ». Mieux, le pass contient également un code en deux dimensions derrière lequel on trouve, outre ces informations nominatives, de nombreuses données de santé. Un code facilement lisible par des tiers non autorisés, au point que la CNIL a appelé le gouvernement, dans son avis, « à mettre en place des mesures d’information des personnes, afin qu’elles soient conscientes de la sensibilité des données stockées dans ces codes, sous forme papier ou numérique, et qu’ils prennent soin de ne les exposer qu’aux personnes spécialement habilitées à les contrôler ».
Pour l’avocat de la Quadrature, Me Alexis Fitzjean Ó Cobhthaigh, pas de doute : « la présence de ces informations sur l’état civil et sur la santé des personnes détentrices de pass sanitaire constitue une ingérence grave et manifestement illégale dans plusieurs libertés fondamentales parmi lesquelles le droit à la vie privée et le droit à la protection des données personnelles ».
Dans sa défense, s’agissant des données relatives à l’état civil des personnes, le ministère de la Santé a opposé en réponse une mesure de « bon sens ». Pour son directeur des affaires juridiques et le DSSI présents à l’audience, ces données d’identification sont « rigoureusement nécessaires ». Elles permettent de prouver que ces éléments se rapportent bien à la personne qui les présente lorsqu'elle désire accéder à des concerts ou d’autres manifestations.
Plutôt qu’un système local, le ministère a conclu que son choix d’un système décentralisé « remplit un motif d’intérêt public dans le domaine de la santé publique ». Quand bien même la Quadrature du Net avait mis sur la table une alternative, à savoir un traitement national générant un simple feu rouge ou vert, l’option choisie par le gouvernement ne viole pas le RGPD, selon le ministère.
Enfin, il a considéré que le choix de ne pas saisir la CNIL de l’analyse d’impact associée à ce traitement n'est pas illégal, au regard justement des faibles risques d’accès illégitimes à ces données.
Rejet des critiques contre le pass sanitaire
Son ordonnance rendue mardi, le Conseil d’État a rejeté tour à tour les critiques de l’association. Cette contrainte légale a surtout été posée pour empêcher que des tiers n'apprennent si la personne est vaccinée, rétablie ou non contaminée. Elle n’interdit pas « la présence dans le justificatif de données d’identité de la personne concernée ». Avant de considérer que le pass sanitaire n'est donc pas manifestement illégal, le juge des référés a rappelé, dans une analyse de proportionnalité, que cet instrument est aussi de nature à permettre de réduire la circulation du virus dans le pays.
Face à la critique de violation du principe de minimisation des données, cher au RGPD, la plus haute juridiction administrative a trouvé qu’il n’en est absolument rien. « Ces données d’identification sont nécessaires pour contrôler que le pass présenté est bien celui de la personne qui s’en prévaut ».
La Quadrature estimait par ailleurs que le code en deux dimensions ne pouvait, sans violer la loi, contenir des données de santé. Elle pointait aussi le risque de détournement de ces informations classées comme sensibles par le règlement général sur la protection des données. Le Conseil d’État a au contraire considéré que le résultat de l’examen de dépistage et les autres informations assimilées peuvent figurer dans le traitement.
Le même juge des référés a été par ailleurs convaincu des arguments portés par le ministère de la Santé : d’un, il y avait une contrainte de temps. De deux, une telle solution a été préférée à un système centralisé générant les pass et croisant les données de santé. De trois, le risque de fuite à l’échelle individuelle « semble peu élevé », puisqu’il suppose qu’un tiers non autorisé dispose d’un logiciel de lecture et surtout d'un accès à l’écran du smartphone.
Le juge des référés a également relevé que le pass sanitaire numérique est facultatif et repose sur la conservation et le contrôle par chacun, sur son propre téléphone...
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