Le pass a deux fonctions :
- Le pass sanitaire « activités » doit permettre la reprise de diverses activités interrompues en raison de la crise sanitaire et la réouverture des lieux fermés impliquant de grands rassemblements de personnes (à partir de 1 000 personnes).
- Le pass sanitaire « frontières », mis en œuvre dans le cadre du futur certificat numérique Covid de l’Union européenne (qui entrera en vigueur le 1er juillet prochain). Il doit permettre de faciliter la libre circulation au sein de l’Union européenne.
Le principe du passe sanitaire, accompagné d’un certain nombre de garanties, a été décidé par la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire. Après avoir rendu un premier avis sur le principe du passe sanitaire le 12 mai dernier, la CNIL s’est prononcée, le 7 juin 2021, sur les conditions de sa mise en œuvre.
Des données conservées en clair
Christian Quest (porte-parole d’OpenStreetMap France, entre autres), a noté que « cette application qui avait promis, craché, juré qu’elle ne contiendrait pas de données personnelles vient donc de revenir très discrètement sur ses promesses ». Selon lui, « les différents QRCode et 2D-DOC présents sur les certificats papier (y compris ceux que l’on peut récupérer sur https://attestation-vaccin.ameli.fr/attestation) contiennent des données personnelles et des données de santé ».
Sans compter que « ces données sont en “clair” pour qui sait extraire de ces codes-barres les données qu’ils contiennent, car rien n’est chiffré même si ce n’est pas lisible par un humain ». TousAntiCovid (et toute autre appli qui les scannera) a donc accès à leur contenu lorsque l’on ajoute ce certificat dans l’application et traite donc de ce fait des données à caractère personnel et plus seulement des données pseudonymisées.
Même constat du côté de la CNIL qui déclare :
« d’une part, les données relatives aux preuves sont conservées en clair au sein des codes-barres présents sur les justificatifs et, d’autre part, que l’application "TousAntiCovid Verif" est librement accessible sur les magasins d’applications mobiles. Elle relève également que les codes utilisés pour le certificat européen contiendront également les données en clair. Si ces modalités de stockage peuvent être admises compte tenu des contraintes techniques et de la nécessité de mettre en œuvre, à brève échéance, le système de contrôle des justificatifs, elle appelle néanmoins le Gouvernement à mettre en place des mesures d’information des personnes, afin qu’elles soient conscientes de la sensibilité des données stockées dans ces codes, sous forme papier ou numérique, et qu’ils prennent soin de ne les exposer qu’aux personnes spécialement habilitées à les contrôler ».
Des doutes quant à la sécurité des données transmises
Dans sa délibération, la CNIL émet des doutes quant à la sécurité des données transmises. Si la Commission ne remet pas en cause la conformité de cette architecture au RGPD, elle rappelle « qu’à l’issue de la vérification, aucune donnée ne devra être conservée par le serveur central ».
En outre, afin de mettre en place l’architecture la plus protectrice possible, la Commission invite le Gouvernement à étudier la mise en place d’une version davantage décentralisée, dans laquelle les règles de gestion pourraient être mises à jour dynamiquement et proactivement par le serveur central, afin de limiter les envois de données à ce serveur tout en garantissant l’application des règles mises à jour.
De plus, la Commission estime que le contrôle de la validité des justificatifs pourrait être réalisé en local pour les opérations de contrôle du passe sanitaire relatif aux grands rassemblements de personnes. En effet, dans cette hypothèse les règles de gestion sont simples et maitrisées par le Gouvernement. La Commission considère donc qu’il n’y a aucun obstacle à ce que le contrôle de la validité des preuves soit effectué en local, la seule donnée pouvant être échangée avec le serveur central étant la signature électronique de la preuve. Elle invite donc le Gouvernement à faire évoluer le fonctionnement de l’application afin de permettre un contrôle local des données des justificatifs.
Le fonctionnement de l’application TousAntiCovid Verif
Le contrôle du passe sanitaire doit se faire par les personnes habilitées à contrôler les justificatifs, au moyen de l’application mobile TousAntiCovid Verif.
Conformément au principe de minimisation des données, les personnes habilitées à contrôler les justificatifs à l’aide de l’application TousAntiCovid Verif n’auront accès qu’aux seuls noms, prénoms et date de naissance de la personne concernée ainsi qu’au résultat positif ou négatif de détention d’un justificatif conforme.
La CNIL rappelle toutefois qu’il est possible, pour une personne mal intentionnée, d’accéder à l’intégralité des données personnelles intégrées aux codes QR présents sur les justificatifs, y compris des données de santé. Elle a invité le Gouvernement à mettre en place des mesures d’informations afin de sensibiliser le public sur la nécessité de protéger leurs justificatifs et de ne pas les exposer en dehors des contrôles prévus par le passe sanitaire (ne pas présenter les justificatifs dans des lieux qui ne sont pas concernés par le passe sanitaire, ne pas les publier sur les réseaux sociaux, etc.).
La CNIL rappelle qu’aucune donnée personnelle ne devra être conservée ni par le serveur central ni par l’application TousAntiCovid Verif à l’issue de la vérification du justificatif.
En outre, la CNIL constate que le code source de l’application « TousAntiCovid Vérif », déjà disponible sur les magasins d’applications mobiles (« AppStore » et « Playstore »), n’a pas été rendu public. La Commission regrette cette non-publication et appelle le Gouvernement à rendre public ce code source expurgé, le cas échéant, des secrets permettant de sécuriser les transmissions de données avec les serveurs centraux.
Et les risques de fraudes ?
Interrogé sur le nombre de QR codes qui ont pu être falsifiés à ce jour, Cédric O n'avance pas de chiffre, mais affirme que « les équipes d'Air France sont confrontées à plusieurs tentatives de fraude par semaine ». Alors que l'Europe avance sur son projet de "green pass" à l'échelle du continent, Cédric O observe que « tout le monde en Europe fait état de détection de fausses preuves de tests, voire de vaccins ».
« C'est important pour nous de sécuriser cet élément-là », souligne-t-il, notant que l'un des avantages du pass sanitaire est de « faire en sorte que les preuves présentées soient infalsifiables ».
Des faux sont d'ores et déjà en circulation. D'ailleurs, une infirmière a été soupçonnée d'avoir délivré des certificats de vaccination contre rémunération. Elle travaillait, depuis le mois de janvier, au centre de vaccination anti-covid de l’hôpital Saint-Anne à Paris. Prise en flagrant délit, elle vient d’être suspendue par la direction de l’établissement hospitalier.
« Moi, je l'ai observée pendant deux ou trois semaines », raconte un membre du personnel, qui a souhaité rester anonyme. « Elle disait aux autres infirmières : 'C'est pour moi... il y a des gens qui vont arriver, c'est pour moi!'. Elle les faisait venir dans son box. Normalement il y a deux infirmières par box avec un paravent de séparation pour l'intimité des personnes. Mais là, elle demandait à sa collègue de sortir. Elle faisait ça avec au moins une dizaine de personnes par journée travaillée. En fait, elle ne vaccinait pas les gens, mais elle se faisait payer pour qu'ils repartent avec un QR Code frauduleux, à priori pour pouvoir partir à l'étranger ».
Nadine Phan, directrice des soins à l’hôpital Saint-Anne, n'a cependant pas confirmé que cette personne recevait de l'argent et n'a pas pu se prononcer quant aux motifs de la fraude.
Certains membres de l'équipe ont pris contact avec leur hiérarchie. Les deux chefs de service sont informés et mercredi dernier, quand l'infirmière demande à se charger personnellement d'un couple en faisant sortir, une nouvelle fois, sa collègue, un médecin est alerté et intervient. « Normalement, on désinfecte la peau des personnes à vacciner avec un produit orange. Le médecin a voulu vérifier si les personnes avaient bien été vaccinées et il n'y avait aucune trace de désinfectant : ni colorant ni pansement. Elle a été prise en flagrant délit. Ça a été un choc.... Et ça pose un problème de santé publique parce que les personnes qui ont obtenu un faux certificat de vaccination courent un risque... et elles font courir un risque aux autres ».
Cependant, les personnes qui en ont bénéficié devraient rapidement être identifiées, car ces fameux QR Codes sont nominatifs. En effet, selon les concepteurs de l’application de contrôle, la falsification est impossible. « Si vous prenez le QR Code d’un membre de votre famille, au moment du contrôle, par comparaison avec le titre d’identité, on verra l’écart », assure Agnès Diallo, directrice activité services numériques à l’Imprimerie nationale (In groupe).
Pour rappel, les fraudes aux certificats de vaccination sont passibles de 45 000 euros d’amende.
Source : avis de la CNIL
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