La mesure du gouvernement turc prise via sa banque centrale entre en vigueur au terme du mois en cours. Sa motivation principale : la ruée vers le bitcoin provoque chaque jour un peu plus la chute de la valeur de la livre turque. Bannir l’utilisation des cryptomonnaies pour le paiement des biens et des services est donc susceptible d’amener les locaux à continuer à faire usage de la monnaie locale. Grosso modo, le tableau vient confirmer le fait que la valeur d’une monnaie dépend de la confiance que ses utilisateurs lui accordent. Il relance du même coup les questionnements sur la validité du bitcoin et des autres cryptomonnaies comme valeurs refuges.
C’est un nouveau face à face entre les États, leurs systèmes financiers centralisés et la sphère des cryptomonnaies qui tourne sans autorité centrale de régulation. En effet, la décision du gouvernement turc fait suite à celle de l’Inde. À mi-parcours du mois précédent, un haut responsable du gouvernement de l’Inde a déclaré que le pays prévoit de proposer une loi qui en plus d’interdire les cryptomonnaies, imposerait des amendes à toute personne effectuant des transactions dans le pays ou détenant de tels actifs numériques. Le projet de loi qui est en passe d’être l'une des lois les plus strictes au monde à l'encontre de l’économie qui sous-tend l’écosystème des cryptomonnaies, criminaliserait la possession, l'émission, le minage, le commerce et le transfert des cryptoactifs. L'Inde est ainsi en passe de devenir la première grande économie à rendre illégale la détention des cryptomonnaies. Même la Chine, qui a interdit le minage et le commerce, ne pénalise pas la possession.
Le bitcoin a multiplié sa valeur par dix sur les 12 derniers mois grâce à une demande institutionnelle croissante et un intérêt spéculatif exprimé par des particuliers. Ses défenseurs affirment que la cryptomonnaie est une valeur refuge comparable à l’or. C’est en cela qu’il pourrait constituer un danger pour le dollar roi. En effet, l'histoire de l'argent suggère que les décideurs politiques ne voient pas d’un bon œil les monnaies alternatives qui pourraient contester la domination du dollar. « Dans les années 30, pendant la guerre, parce que les liquidités et les obligations étaient de si mauvais investissements par rapport à d'autres choses, il y a eu un mouvement vers ces autres choses, puis le gouvernement les a interdites. Ils ont mis l'or hors la loi », indique le milliardaire Ray Dalio – fondateur du plus grand fonds spéculatif au monde Bridgewater Associates. Le scénario pourrait donc se répéter pour ce qui est du bitcoin avec ce que l’on peut imaginer comme répercussions à l’échelle globale.
Sur la même question, Le PDG de Kraken a déclaré qu'il pense que les États-Unis sont plus « carrés » que d'autres nations et « sensibles » aux pressions des entreprises traditionnelles en place : en d'autres termes, les banques, qui « ont tout à perdre si la cryptomonnaie devient une affaire de premier plan ». « Je pense aussi qu'il est peut-être trop tard. Peut-être que le génie est sorti de la bouteille et que le simple fait d'essayer de l'interdire à ce stade le rendrait plus attrayant. Cela enverrait certainement le message que le gouvernement voit cela comme une alternative supérieure à leur propre monnaie, ajoute-t-il.
Kraken est la quatrième place mondiale des échanges de devises numériques en termes de volume d'échanges. L'entreprise envisage de s'introduire en bourse par le biais d'une cotation directe l'année prochaine, après avoir atteint des volumes d'échange record au premier trimestre. Coinbase pour sa part est déjà entrée en bourse. Les investisseurs de la filière cryptomonnaie saluent l'entrée en bourse de la société comme une étape importante pour le secteur après des années de scepticisme de la part de Wall Street et des régulateurs. Ce sont des développements qui laissent penser que les États travaillent à resserrer le contrôle autour de la sphère des monnaies cryptographiques à défaut de légiférer pour interdire leur utilisation.
Source : Gazette officielle turque (PDF)
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