Le ministère américain de la Justice a déposé mardi une plainte contre Google qui allègue que le géant de la technologie s'est construit un avantage déloyal sur ses petits concurrents grâce à un réseau d'accords commerciaux illégaux. Google a riposté le même jour, et sa réponse donne le coup d'envoi de ce qui devrait être une longue bataille juridique pour savoir si l'entreprise de recherche et de publicité en ligne utilise injustement son pouvoir de marché démesuré pour empêcher les concurrents.
La plainte du ministère de la Justice, déposée mardi, allègue que Google protège illégalement son monopole sur le marché de la recherche à coups de milliards de dollars. Le procès met en avant la domination de Google dans la recherche et la publicité en ligne comme preuve de son statut de monopole qui « doit être arrêté », a déclaré Ryan Shores, procureur général adjoint associé, lors d'une conférence de presse mardi matin. Une enquête du ministère a révélé que Google contrôle plus de 88 % du marché de la recherche en ligne.
Le DOJ soutient également que la pratique de Google consistant à payer les fabricants de smartphones pour préinstaller ses applications offre à la société un avantage déloyal. Selon la plainte, 94 % des recherches sur les appareils mobiles sont effectuées via Google. Parce que Google verse aux fabricants de smartphones tels qu'Apple, Samsung et d'autres pour faire du moteur de recherche de Google le moteur par défaut de leurs appareils, les petits moteurs de recherche n'ont jamais l'envergure nécessaire pour améliorer leurs algorithmes et se développer, d’après le gouvernement.
Google a riposté en publiant un article sur son blog, rédigé par le directeur juridique Kent Walker, arguant que la poursuite intentée par le ministère de la Justice « est profondément entachée d'irrégularités ». « Ce procès n'aiderait en rien les consommateurs ». « Au contraire, elle renforcerait artificiellement les alternatives de recherche de moindre qualité, augmenterait les prix des téléphones et rendrait plus difficile l'accès aux services de recherche que les gens souhaitent utiliser », lit-on.
Walker a commencé son billet en écrivant que Google Search a mis les informations du monde entier à la portée de plus d'un milliard de personnes. Il a dit ensuite que la plainte du DOJ s'appuie sur « des arguments antitrust douteux pour critiquer nos efforts visant à rendre Google Search facilement accessible aux personnes ». « Les gens utilisent Google parce qu'ils le souhaitent, et non parce qu'ils y sont contraints ou parce qu'ils ne peuvent pas trouver d'autres solutions », a-t-il ajouté.
« Nous payons pour promouvoir nos services, tout comme une marque de céréales pourrait payer un supermarché pour stocker ses produits »
Le ministère de la Justice a accusé Google de conclure des accords avec des grandes enseignes comme Apple et d'étouffer la concurrence par le biais de contrats et d'accords commerciaux exclusifs. En répondant à cette accusation, Walker a écrit :
« Oui, comme d'innombrables autres entreprises, nous payons pour promouvoir nos services, tout comme une marque de céréales pourrait payer un supermarché pour stocker ses produits au bout d'une rangée ou sur une étagère à hauteur des yeux. Pour les services numériques, lorsque vous achetez un appareil pour la première fois, il est doté d'une sorte d'écran d'accueil "à hauteur des yeux". Sur les téléphones portables, cette étagère est contrôlée par Apple, ainsi que par des sociétés comme AT&T, Verizon, Samsung et LG. Sur les ordinateurs de bureau, cette étagère est contrôlée en grande partie par Microsoft ».
Google négocie donc des accords avec les sociétés partenaires pour des étagères à hauteur des yeux. Mais Google n’est pas le seul à le faire, plusieurs autres concurrents négocient les mêmes places, selon Walker. Par ailleurs Google dit que ses accords avec Apple et d'autres fabricants d'appareils ainsi qu’avec les opérateurs « ne sont pas différents des accords que beaucoup d'autres entreprises ont traditionnellement utilisés pour distribuer des logiciels. D'autres moteurs de recherche, dont Bing de Microsoft, nous font concurrence pour ces accords. Et nos accords ont été soumis à des examens antitrust répétés ».
Walker poursuit en expliquant comment les gens peuvent passer de Google à d'autres outils de recherche, en utilisant des gifs pour illustrer les processus. Il ajoute qu’Apple intègre Google Search dans son navigateur Safari « parce qu'ils disent que Google est le meilleur ». Toutefois, les concurrents Bing et Yahoo paient également pour figurer en bonne place, et d'autres services rivaux y apparaissent également.
Walker dit que l'iPhone d'Apple permet, par ailleurs, de modifier facilement les paramètres et d'utiliser des moteurs de recherche alternatifs dans Safari. « C'est encore plus facile dans iOS14, où vous pouvez ajouter des widgets de différents fournisseurs ou effectuer des recherches sur l'écran d'accueil ».
Google fait face à d’autres concurrents de recherche d’informations comme Twitter, Amazon, OpenTable et d'autres
Google dit qu’il n’abuse pas de sa position de domination sur Android. Le géant américain a conclu des accords promotionnels avec les opérateurs et les fabricants d'appareils afin de proposer des services Google sur leurs plateformes. « Ces accords nous permettent de distribuer Android gratuitement, et donc de réduire directement le prix que les gens paient pour les téléphones ». Et sur ces plateformes, les opérateurs et les fabricants d'appareils préchargent, eux-mêmes, de nombreuses applications et boutiques d'applications concurrentes, d’après Google.
De plus, Walker affirme que le procès ne va pas assez loin, car il ne reconnaît pas que Google est en concurrence avec des entreprises de recherche d’informations qui ne sont pas des moteurs de recherche.
« Il prétend que nous ne sommes en concurrence qu'avec d'autres moteurs de recherche généraux », écrit Walker. « Mais c'est manifestement faux. Les gens trouvent des informations de nombreuses façons : ils cherchent des nouvelles sur Twitter, des vols sur Kayak et Expedia, des restaurants sur OpenTable, des recommandations sur Instagram et Pinterest. Et lorsqu'ils cherchent à acheter quelque chose, environ 60 % des Américains commencent sur Amazon ».
Le ministère de la Justice dispose d'une grande marge de manœuvre pour demander une réparation et, mardi, il a déclaré que « rien n'était hors de question », y compris une rupture de la société de recherche et de publicité. Dans la demande de réparation de la plainte, les États-Unis demandent une réparation structurelle nécessaire pour remédier à tout préjudice anticoncurrentiel ». Le ministère a également demandé au tribunal d'ordonner à Google de cesser son comportement anticoncurrentiel et de payer les frais du gouvernement.
Mais Google est « persuadé qu'un tribunal conclura que ce procès ne correspond ni aux faits ni au droit », d’après Walker. « La loi antitrust américaine est conçue pour promouvoir l'innovation et aider les consommateurs, et non pour faire pencher la balance en faveur de certains concurrents ou rendre plus difficile l'accès aux services que les gens souhaitent », a-t-il écrit.
« L'objectif des lois antitrust est de protéger les consommateurs, et non les concurrents. Le fait qu'un concurrent soit désavantagé ou exclu du marché n'est donc pas une affaire d'antitrust », avait déclaré l'avocat David Balto au début de l'année. La réponse de Google promet une rude bataille judiciaire contre le ministère de la Justice. Attendons de voir la suite.
Source : Google
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Google répond au DOJ, qui l'accuse de protéger illégalement son monopole,
En décrivant son procès comme « profondément vicié qui ne ferait rien pour aider les consommateurs »
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Le , par Stan Adkens
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