Le comité judiciaire de la Chambre a publié ses conclusions sur la question de savoir si Amazon, Facebook, Apple et Google enfreignent la loi antitrust. Son rapport de 449 pages critique ces entreprises pour avoir acheté des concurrents, fais du favoritisme quant à leurs propres services et détenu un pouvoir démesuré sur les petites entreprises qui utilisent leurs plateformes. « Notre enquête a révélé un schéma alarmant de pratiques commerciales qui dégradent la concurrence et étouffent l'innovation », a déclaré Val Demings (Démocrate, de Floride), membre du comité. « La concurrence doit récompenser la meilleure idée, pas le plus gros compte d'entreprise. Nous prendrons les mesures nécessaires pour responsabiliser les contrevenants aux règles. »
Le rapport de la majorité présente un certain nombre de recommandations politiques concrètes qui, prises ensemble, changeraient radicalement le fonctionnement de l’industrie technologique. Il exhorte le Congrès à envisager d'adopter des règles de non-discrimination commerciale qui obligeraient les grandes entreprises à offrir des conditions égales aux entreprises vendant des produits et des services sur leurs plateformes. Il recommande d'interdire à certaines plateformes dominantes de faire de la concurrence dans des « secteurs d'activité adjacents » où elles auraient un énorme avantage.
« Pour dire les choses simplement, les entreprises qui étaient autrefois des startups rebelles et négligées qui remettaient en question le statu quo sont devenues les types de monopoles que nous avons vus pour la dernière fois à l'époque des barons du pétrole et des magnats des chemins de fer », indique le rapport. « En contrôlant l'accès aux marchés, ces géants peuvent choisir des gagnants et des perdants dans toute notre économie. Non seulement ils exercent un pouvoir énorme, mais ils en abusent également en facturant des frais exorbitants, en imposant des conditions contractuelles oppressives et en extrayant des données précieuses des personnes et des entreprises qui en dépendent ».
Plus largement, il suggère que le Congrès définisse une nouvelle norme pour les violations des lois antitrust, déclarant que les lois devraient être « conçues pour protéger non seulement les consommateurs, mais aussi les travailleurs, les entrepreneurs, les entreprises indépendantes, les marchés ouverts, une économie équitable et les idéaux démocratiques ».
Le rapport a été retardé en raison de désaccords politiques au Congrès. Le New York Times a rapporté que les républicains se sont séparés de la majorité démocrate sur des solutions proposées au comportement monopolistique et qu'ils étaient contrariés par le fait que le rapport n'ait pas discuté des allégations selon lesquelles les entreprises de technologie discriminent les utilisateurs conservateurs.
La réaction d'un républicain de la sous-commission
Il n'est pas encore clair si les républicains de la sous-commission souscriront aux recommandations complètes de la majorité démocrate. Ken Buck, un membre républicain de la sous-commission, a déclaré que le rapport contenait des recommandations qui sont inacceptables pour les conservateurs. Bien qu'il existe une demande bipartite pour réduire le pouvoir des plus grandes entreprises technologiques, le comité n'a pas réussi à se fixer sur une vision unique de la manière d'aller de l'avant.
Dans un mémo intitulé « La troisième voie », Buck aboutit à certaines des mêmes conclusions. Il fait l'éloge de la majorité pour avoir proposé « des ressources et des outils supplémentaires » pour les agences de réglementation antitrust, y compris des modifications de la norme relative aux effets anticoncurrentiels, mais il rompt avec le rapport primaire sur un certain nombre de questions, comme les règles de non-discrimination. « Je suis d'accord avec environ 330 pages du rapport majoritaire, que ces entreprises technologiques ont agi de manière anticoncurrentielle », a déclaré Buck. « Il est très courant que les républicains et les démocrates s'entendent sur un problème et proposent différentes solutions pour résoudre un problème. »
Buck dit partager les craintes des démocrates sur la toute-puissance des géants de la technologie, notamment leur appétit pour des « acquisitions meurtrières » destinées à supprimer la concurrence, mais il estime que le démantèlement n’est pas la solution au problème. Par ailleurs, l’élu républicain a indiqué qu'il s’opposerait notamment à tout projet obligeant les GAFA à limiter leurs activités à un seul et unique secteur. Il est peu probable que les républicains soutiennent les réformes plus agressives des démocrates, selon le mémo.
Les GAFA sont dans le collimateur des autorités politiques qui les accusent depuis un certain temps d’être trop puissants pour respecter les règles. Le premier réseau social au monde Facebook est également le propriétaire de la messagerie WhatsApp et du site de partage de photos Instagram. Google de son côté, premier moteur de recherche sur Internet au monde, détient le site de partage de vidéos YouTube et le système d’exploitation mobile Android qui équipe l’immense majorité des smartphones vendus dans le monde. Amazon, pour sa part, leader mondial du commerce électronique, est aussi un géant du Cloud Computing.
« Cette proposition est un appel à peine voilé pour démanteler les grandes entreprises technologiques. Nous ne sommes pas d’accord avec l’approche de la majorité (démocrate à la Chambre) », a écrit Ken Buck.
Vers la voie du démantèlement ?
Les recommandations majoritaires pourraient avoir des conséquences considérables pour les plus grandes entreprises technologiques. Elles restreindraient les secteurs d'activité dans lesquels les entreprises dominantes pourraient opérer, divisant potentiellement de nombreuses entreprises en entités distinctes.
Bien que sévères, ces actions empêcheraient les entreprises technologiques de surpasser leurs concurrents sur leurs propres plateformes (et plus important encore, d'utiliser leur position privilégiée sur ces plateformes pour obtenir un avantage injuste). « En fonctionnant comme des intermédiaires critiques qui sont également intégrés dans tous les secteurs d'activité, les plateformes dominantes sont confrontées à un conflit d'intérêts majeur », indique le rapport. « Les données de surveillance qu'ils collectent grâce à leur rôle d'intermédiaire leur permettent d'exploiter ce conflit avec une précision inégalée. »
Les législateurs recommandent également une barre plus élevée pour les acquisitions par les entreprises technologiques dominantes, stimulées par les centaines d'acquisitions répertoriées dans l'annexe du rapport. Pour équilibrer les règles du jeu, le rapport suggère un changement de présomption pour toute demande de rachat soumise par une grande entreprise de technologie. « En vertu de ce changement, toute acquisition par une plateforme dominante serait présumée anticoncurrentielle à moins que les parties directement concernées ne puissent montrer que la transaction était nécessaire pour servir l'intérêt public », indique le rapport.
À la base de tout cela, il y aurait une application plus vigoureuse de la loi antitrust, rendue possible par des modifications ciblées des lois existantes. En particulier, le rapport demande au Congrès de reformuler les lois antitrust existantes, « précisant qu'elles sont conçues pour protéger non seulement les consommateurs mais aussi les travailleurs, les entrepreneurs, les entreprises indépendantes, les marchés ouverts, une économie juste et les idéaux démocratiques. » S'ils sont approuvés par le Congrès, ces changements autoriseraient des actions anti-monopole plus agressives bien au-delà de l'industrie technologique, renversant la norme de bien-être des consommateurs qui a guidé la loi antitrust américaine pendant 40 ans.
« Tels qu'ils existent aujourd'hui, Apple, Amazon, Google et Facebook possèdent chacun un pouvoir de marché significatif sur de larges pans de notre économie. Ces dernières années, chaque entreprise s'est développée et a exploité son pouvoir du marché de manière anticoncurrentielle », ont déclaré le président du Comité judiciaire Jerrold Nadler (Démocrate de New York) et le chef du sous-comité antitrust David Cicilline (Démocrate du Rhode Island) dans un communiqué. « Notre enquête ne laisse aucun doute sur le besoin clair et impérieux que le Congrès et les organismes chargés de l'application des lois antitrust prennent des mesures.»
Sources : rapport et recommandations du sous-comité judiciaire, mémo Ken Buck
Et vous ?
Pour ou contre le démantèlement des GAFA pour résoudre les problèmes liés à la concurrence ? Pourquoi ?
Que pensez-vous de la proposition visant à restreindre le secteur d'activité des entreprises ?
Que pensez-vous de la proposition visant à considérer dès le départ toute demande de rachat émis par une grande enseigne technologique comme étant anticoncurrentielle ?
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Les démocrates recommandent entre autres le démantèlement
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Le , par Stéphane le calme
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