Ajit Pai soutient la proposition du président Donald Trump visant à limiter les protections juridiques des sites de médias sociaux qui bloquent ou modifient le contenu publié par les utilisateurs. Pai avait depuis refusé de commenter un décret du président Donald Trump signé en mai dernier. Mais, jeudi, il a fait une déclaration dans laquelle il a dit qu'il ouvrirait un processus de réglementation pour clarifier le fait que, malgré le premier amendement, les entreprises de médias sociaux ne bénéficient pas d'une « immunité spéciale » pour leurs décisions de modération de contenu.
Ajit Pai, président de la FCC
« Les sociétés de médias sociaux ont un droit à la liberté d'expression au titre du premier amendement », a déclaré Pai. « Mais elles n'ont pas de droit au Premier Amendement à une immunité spéciale refusée aux autres médias, tels que les journaux et les radiodiffuseurs », lit-on dans une déclaration disponible sur le site de la Commission.
Cette action fait suite à une demande de l'administration Trump adressée à la National Telecommunications and Information Administration (NTIA) de faire en sorte que la FCC publie une nouvelle interprétation de la section 230 du Communications Decency Act. Le Président américain veut que les régulateurs diluent la loi vieille de plusieurs décennies qui, selon Facebook Inc, Twitter et Google, est cruciale pour la liberté de l’expression en ligne. Les conservateurs ont allégué que les efforts de Twitter et de Facebook pour modérer le contenu de leurs plateformes ont effectivement censuré les points de vue de la droite - ce que les entreprises nient.
La question s'est de nouveau posée jeudi lorsque les républicains du Sénat ont demandé à entendre en personne les directeurs généraux de Facebook et Twitter pour discuter de la prétendue censure d'un article du New York Post accusant le candidat démocrate à la présidence Joe Biden de liens avec un dirigeant ukrainien. La campagne de Biden a réfuté l'histoire, qui, selon le Post, était basée sur des documents de l'avocat personnel de Trump, Rudy Giuliani.
Le président Trump a tweeté jeudi que « si la Big Tech persiste, en coordination avec les médias traditionnels, nous devons immédiatement les dépouiller de leurs protections de la section 230 ».
Cette loi américaine stipule, entre autres, qu'aucun fournisseur ou utilisateur d'un service informatique interactif « ne doit être traité comme l'éditeur ou le locuteur de toute information fournie par un autre fournisseur de contenu d'information ». La pétition de l’administration Trump déposée en juillet auprès de la FCC demandait à la Commission de limiter les protections juridiques des sociétés de médias sociaux en vertu de l'article 230 en changeant la définition de "fournisseur de contenu d'information".
Le changement demandé définirait le terme plus largement pour inclure les plateformes qui prennent "des décisions éditoriales qui modifient ou altèrent le contenu". Cela pourrait transformer Facebook et Twitter de "services informatiques interactifs" en "fournisseurs de contenu d'information", limitant leurs protections juridiques lorsqu'ils bloquent ou filtrent du contenu.
« Alors que les élus envisagent de modifier la loi, la question demeure : que signifie actuellement l'article 230 ? Beaucoup avancent une interprétation trop large qui, dans certains cas, protège les entreprises de médias sociaux des lois sur la protection des consommateurs d'une manière qui n'a aucun fondement dans le texte de l'article 230. L'avocat général de la Commission m'a informé que la FCC a l'autorité légale d'interpréter l'article 230. Conformément à cet avis, j'ai l'intention d'aller de l'avant avec une réglementation visant à clarifier sa signification, a dit Pai dans sa déclaration.
Une modification de cette loi est clairement « hors de portée de la FCC »
Selon Reuters, Twitter a gelé le compte de la campagne de Donald Trump @TeamTrump après avoir publié une vidéo faisant référence à l'article du Post qui contenait des détails présumés sur les relations commerciales de Hunter Biden avec une société énergétique ukrainienne. Twitter a déclaré plus tard qu'il avait pris des mesures pour bloquer les liens vers l'article parce que certaines des images de l'article contenaient du matériel qui violait les règles du média social sur le partage des informations personnelles et du matériel piraté.
Un porte-parole de Facebook n’a pas répondu à la demande de commentaire de Bloomberg. Un porte-parole de Twitter a fait référence à la déclaration de l'entreprise suite à la demande de Trump pour la réglementation, dans laquelle il a qualifié la décision de Trump « d'approche réactionnaire et politisée d'une loi historique » et de menace pour « l'avenir du discours en ligne ».
L'Internet Association, un groupe représentant les principales sociétés Internet, dont Facebook, Amazon, Twitter et Google, a déclaré : « La constitution garantit la liberté d'expression, et non la liberté d'accès », a rapporté Bloomberg. « Le premier amendement protège la capacité de chaque entreprise privée à fixer et à faire respecter des règles pour un contenu acceptable sur leurs services. La FCC n'a pas non plus le pouvoir d'apporter les changements proposés dans la pétition de la NTIA, car ils sont en contradiction avec le langage clair de la section 230. Seule une modification fondamentale du premier amendement, et non de la section 230, permettrait d'atteindre l'objectif de la pétition de la NTIA, ce qui est clairement hors de portée de la FCC ».
Les deux démocrates de la FCC ont critiqué l'annonce de Pai. « Le timing de cet effort est absurde. La FCC n'a pas à être la police du discours du président », a déclaré la commissaire Jessica Rosenworcel. Le commissaire Geoffrey Starks a quant à lui dit : « Nous sommes en plein milieu d'une élection. Le décret présidentiel sur l'article 230 était politiquement motivé et juridiquement non fondé. La FCC ne devrait pas faire ce que le président lui demande ici ».
Le groupe de défense des consommateurs Public Knowledge a déclaré que « la FCC n'a pas le pouvoir de « clarifier » la section 230 - ce n'est pas une loi sur laquelle le Congrès a donné à l'agence une quelconque autorité », d’après un communiqué de presse publié jeudi.
TechFreedom, un groupe de réflexion non partisan, a déclaré en juillet que la pétition est inconstitutionnelle. « Le président Pai le sait et a été un ardent défenseur du premier amendement », a déclaré à l'époque l'avocat général de TechFreedom, James Dunstan. « Nous espérons que lui et les autres commissaires reconnaîtront que cette proposition est une pure folie constitutionnelle et la rejetteront immédiatement ».
Quelle pourrait être la suite ?
La prochaine étape importante pour Pai serait de publier une proposition que la commission plénière examinerait, peut-être avec une période de commentaires publics supplémentaire. Cela pourrait prendre des mois, donc le résultat dépendra probablement de l'élection présidentielle. Si le candidat démocrate à la présidence Joe Biden battait Trump, il nommerait un nouveau président démocrate qui annulera probablement la proposition.
Quoi qu’il en soit, la Maison-Blanche a retiré la nomination du commissaire républicain Michael O'Rielly de la FCC pour un nouveau mandat après qu'il ait exprimé des doutes sur la demande de Trump. O'Reilly peut rester au sein de la Commission jusqu'à la fin de l'année. Sans son vote à la Commission de cinq membres, la procédure aurait des perspectives incertaines, car Pai et le membre républicain restant n'ont pas pu trouver jeudi le troisième vote nécessaire de l'un ou l'autre des démocrates de l'agence.
Quant à Brendan Carr, l’autre commissaire républicain, il a soutenu vigoureusement la proposition de Trump et a applaudi l'annonce de Pai jeudi : « Aller de l'avant à la FCC apportera une clarté bien nécessaire à la section 230 et comblera les lacunes que la Big Tech a exploitées », a déclaré Carr. Ces réformes vont promouvoir « un forum pour une véritable diversité du discours politique », comme le Congrès l'a envisagé lorsqu'il a adopté la section 230, sans limiter les droits du premier amendement de tout intervenant ».
En août 2018, selon Reuters, Pai a déclaré lors d'un forum qu'il espérait que les entreprises de médias sociaux adopteraient la liberté d'expression, mais qu'il ne voyait pas de rôle pour la FCC de réglementer les sites Web comme Facebook, Google et Twitter. « Le gouvernement n'est pas là pour réglementer ces plateformes. Nous n'avons pas le pouvoir de le faire », a déclaré Pai en 2018. Selon Reuters, le président de la FCC a aussi noté jeudi qu'il avait favorisé la liberté d'expression pendant son mandat.
Sources : Déclaration d’Ajit Pai, Public Knowledge
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