Les entreprises et les universités américaines investissent dans l’innovation comme nulle part ailleurs. Mais les choses pourraient changer si les tendances actuelles se poursuivent. Selon l'ancien directeur général de Google, Eric Schmidt, l'Amérique a « perdu la main » sur le financement de la science fondamentale dans la lutte pour la domination technologique entre les États-Unis et la Chine. Et c'est l'une des principales raisons pour lesquelles la Chine a réussi à rattraper son retard.
M. Schmidt, aujourd'hui président du Conseil de l'innovation du ministère américain de la Défense, a déclaré qu'il estimait que les États-Unis étaient déjà en avance sur la Chine en matière de progrès technologique, à l'heure actuelle. Mais la distance se réduit rapidement.
« Il y a une réelle concentration en Chine autour de l'invention et des nouvelles techniques d'IA », a-t-il déclaré lors de l'émission "Talking Business Asia" de la BBC. « Dans la course à la publication de documents, la Chine a maintenant rattrapé son retard », a-t-il ajouté.
Selon les données du Forum économique mondial (FEM), la Chine a supplanté les États-Unis en 2018 en tant que premier éditeur mondial de recherche en sciences et en ingénierie. La production mondiale de recherche dans ce secteur a augmenté d'environ 4 % par an au cours des dix dernières années et le taux de croissance de la Chine est notablement deux fois supérieur à la moyenne mondiale, selon le FEM. Si les États-Unis ont été les premiers en 2008, ils ont été supplantés par la Chine en tant que premier éditeur mondial de recherche scientifique et technologique.
En effet en 2008, les États-Unis ont publié 394 979 articles sur les sciences et l'éducation dans des revues, devant la Chine qui en a publié 249 049. En raison de son taux de croissance rapide, la Chine a publié 528 263 articles en 2019, soit plus que les États-Unis, qui en ont publié 422 808, a rapporté le FEM. C'est significatif, car cela montre à quel point la Chine se concentre sur la recherche et le développement par rapport aux États-Unis.
L’année dernière, grâce à son outil Semantic Scholar - qui utilise l'intelligence artificielle pour faciliter la recherche et l'analyse de documents de recherche scientifique publiés en ligne -, l'institut américain dl'intelligence artificielle Allen a conclu qu’en matière d'articles de recherche les plus cités dans le monde, la Chine serait classée devant les États-Unis non seulement pour le compte de l’année 2019, mais aussi pour les années à venir (2020 et même jusqu'en 2025).
Parlant de sciences et ingénierie, le géant chinois des infrastructures de télécommunications Huawei dépense jusqu'à 20 milliards de dollars (à titre d’exemple) pour la recherche et le développement - l'un des budgets les plus élevés au monde, a rapporté BBC News. Cette R&D aide les entreprises technologiques chinoises à progresser dans des domaines clés comme l'intelligence artificielle et la 5G.
L’ancien patron de Google attribue la réduction du fossé de l'innovation entre les États-Unis et la Chine au manque de financement aux États-Unis. « Pendant toute ma vie, les États-Unis ont été le leader incontesté de la R&D », a déclaré Dr Schmid. « Le financement était l'équivalent d'environ 2 % du PIB du pays. Récemment, la R&D est tombée à un pourcentage inférieur à ce qu'il était avant Spoutnik », a-t-il ajouté.
Selon l'Information Technology and Innovation Foundation, un groupe de pression américain pour la technologie, le gouvernement américain investit aujourd'hui moins dans la R&D qu'il ne l'a fait en plus de 60 ans, par rapport à la taille de l'économie. Il en résulte « une stagnation de la croissance de la productivité, un retard de compétitivité et une réduction de l'innovation », a rapporté BBC News.
Mais la Maison-Blanche a annoncé le mois dernier un investissement de plus d'un milliard de dollars sur les cinq prochaines années soutenu par les agences fédérales et leurs partenaires du secteur privé afin de créer 12 nouveaux instituts de recherche axés sur l'intelligence artificielle et les sciences de l'information quantique. Leurs travaux porteront sur un large éventail de sujets, allant de l'utilisation de l'apprentissage machine pour les sciences atmosphériques et océaniques à l'accélération des simulations de la physique des hautes énergies à l'aide de systèmes quantiques, d’après les responsables de l'administration Trump.
Une guerre froide technologique entre les États-Unis et la Chine
Dr Schmidt a également déclaré que la suprématie technologique des États-Unis s'est construite aussi avec des talents internationaux qui ont été autorisés à travailler et à étudier aux États-Unis. Il avertit maintenant que les États-Unis risquent de prendre encore plus de retard si ce type de talent n'est pas autorisé à entrer dans le pays.
« Cette immigration hautement qualifiée est cruciale pour la compétitivité américaine, la compétitivité mondiale, la création de ces nouvelles entreprises, etc. », dit-il. « L'Amérique n'a pas assez de personnes possédant ces compétences ».
Les États-Unis sont engagés dans une guerre froide technologique avec la Chine et ont intensifié ces derniers mois leur rhétorique anti-Chine. Cette semaine, selon BBC news, les responsables de l’administration ont révoqué les visas de 1 000 étudiants chinois qui, selon eux, ont des liens militaires et ont accusé les entreprises technologiques chinoises d'agir en tant qu'agents du Parti communiste chinois. Ces entreprises et Pékin ont toujours rejeté cette accusation.
L'administration Trump a également pris des mesures pour bloquer les entreprises technologiques chinoises comme Huawei et les applications chinoises comme TikTok et WeChat, affirmant qu'elles représentent une menace pour la sécurité nationale. La Maison-Blanche s’est engagée à retirer ces applications technologiques des magasins d'applications américains, a annoncé en août le secrétaire d'État américain Mike Pompeo, détaillant un nouvel effort baptisé "Clean Network", qui vise à réduire les risques potentiels pour la sécurité nationale.
Pékin a déclaré qu'il s'agissait d'une « intimidation pure et simple », et Dr Schmidt affirme que les interdictions signifieront que la Chine sera encore plus susceptible d'investir dans sa propre production nationale. La Chine s’est fixé pour objectif de devenir leader mondial de l’intelligence artificielle d’ici 2030 et semble en bonne voie pour toucher au but.
Dans un avis publié en février par le News York Times, Eric Schmidt a déclaré que beaucoup de dirigeants de la Silicon Valley ont commencé avec des subventions du gouvernement fédéral, y compris lui-même. « Mais ces dernières années, les Américains - y compris les dirigeants de la Silicon Valley - ont trop confiance dans le secteur privé pour assurer le leadership mondial des États-Unis dans les nouvelles technologies », a-t-il dit. Il a cité une étude de Tortoise Media portant sur plus de 100 mesures qui révèle que les États-Unis sont bien en avance sur la Chine aujourd’hui, mais qu’ils seront à la traîne dans cinq à dix ans.
« À moins que ces tendances ne changent, dans les années 2030, nous serons en concurrence avec un pays qui a une économie plus importante, plus d’investissements dans la recherche et le développement, une meilleure recherche, un déploiement plus large de nouvelles technologies et une infrastructure informatique plus forte », a-t-il déclaré à l’époque.
Selon l’actuel président du Conseil de l'innovation du ministère américain de la Défense, la bonne stratégie pour une relation entre les États-Unis et la Chine est ce qu'on appelle un "rivalry partnership" (partenariat de concurrence), dans lequel les États-Unis doivent pouvoir « collaborer avec la Chine, tout en lui faisant concurrence ».
« Quand nous sommes rivaux, nous sommes rudes, nous poursuivons les choses. Nous sommes en concurrence acharnée, nous essayons d'obtenir un avantage - une véritable concurrence - que les États-Unis peuvent bien faire, et que la Chine peut bien faire. Mais il y a aussi de nombreux domaines dans lesquels nous devons être partenaires ».
Source : BBC
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Les États-Unis ont « perdu la main » sur l'innovation, selon Eric Schmidt, ex-patron de Google. Quel commentaire en faites-vous ?
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Voir aussi :
IA : la Chine pourrait dépasser les USA avec de meilleurs articles de recherche en seulement 2 ans, selon l'institut d'intelligence artificielle Allen
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Le , par Stan Adkens
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